Rebeka Warrior, l’amour à mort

Pépite de la rentrée littéraire, Toutes les vies, premier roman de la musicienne, chanteuse et DJ française Rebeka Warrior, est le récit intime d'une histoire d'amour anéantie par la maladie et la mort. Rebeka Warrior y raconte le chagrin, le deuil et son cheminement intérieur
On la connaissait survoltée dans des salles surchauffées, assénant à tue-tête «Laisse-moi t’embrasser, petit PD, moi aussi je peux t’aimer / Laisse-moi t’embrasser, petit PD, moi aussi je peux te sucer» sous la bannière de Sexy Sushi, ou psalmodiant de l’allemand sur l’électro post-punk de Kompromat, son duo avec Vitalic.
Leur dernier album, sorti ce début d’année, le beau et crépusculaire Playing / Praying, annonçait la couleur de Toutes les vies, son premier roman.
C’est de sa vie que parle Rebeka Warrior, et de celle de son ancien amour, Pauline, emportée par un cancer dans sa trentaine. Le récit débute avec l’annonce de la maladie – une boule dans le sein – et se mue en journal de bord de cette vie soudain en suspens, rythmée par les chimios. Le déni d’abord, puis le couple mis à mal par cette maladie qui prend désormais toute la place, l’espoir de guérir qui s’étiole, la douleur, l’effarement.
Comment survivre à la perte d’un grand amour?
Comment survivre à la perte d’un grand amour, comment continuer à vivre quand on est dévastée par le chagrin, annihilée par l’absence de l’autre? C’est de ce long travail de deuil dont il est question dans la deuxième partie du livre.
Rebeka y va par quatre chemins, prend plusieurs fois la tangente: des retraites dans des temples zen à une improbable cérémonie du peyotl en Équateur, de la composition d’un album en retrait du du monde, retranchée dans un vieux château, à un départ à Berlin pour s’étourdir sans limite sur les dancefloors.
«Je perds des petits bouts d’elle chaque jour.»
C’est surtout en lisant des philosophes qu’elle se consolera – une profusion de citations glanées dans ses lectures émaillent le livre, de Hermann Hesse à Taisen Deshimaru, en passant par Marc Aurèle, André Gide, Beauvoir et Rousseau. Son récit est également entrecoupé d’extraits de ses journaux intimes de l’époque, souvent déchirants — «Je perds des petits bouts d’elle chaque jour. Parfois je me surprends à vouloir que ce soit fini.»
Nul doute que l’écriture de Toutes les vies a été l’un de ces sentiers sinueux, pénibles mais salvateurs, qu’a empruntés Rebeka Warrior pour survivre — et parvenir à sublimer son désastre.
