Mort de Martin Parr, allié des classes populaires et des LGBT

Photographe acclamé à travers le monde pour son style documentaire percutant et précurseur, Martin Parr est mort ce samedi 6 décembre à l’âge de 73 ans. Depuis mai, l’exposition “Bristol Pride x Martin Parr”, qui revient sur les photographies de l’artiste prises durant la marche des Fiertés de la ville, est visible au Bristol Museum.
La nouvelle est tombée au petit matin le lendemain de sa mort, survenue ce samedi 6 décembre à l’âge de 73 ans, comme annoncé par sa fondation. “C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons que Martin Parr (1952–2025) est mort hier à son domicile de Bristol. Il laisse dans le deuil son épouse Susie, sa fille Ellen, sa sœur Vivien et son petit-fils George. La famille demande que son intimité soit respectée en ces moments difficiles. La Martin Parr Foundation et Magnum Photos collaboreront pour préserver et partager l’héritage de Martin.”
Né près de Londres, à Epsom, au Royaume-Uni, en 1952, Martin Parr s’est imposé au fil des années comme l’un des plus grands photographes de son époque. Son style documentaire, reconnaissable par ses couleurs (il cesse le noir et blanc dans les années 1980), mais aussi, et n’ayons pas peur d’insister sur ce point puisqu’il en a fait une façon de surmonter le réel et ses difficultés, par son humour, a trouvé sa place dans de prestigieux musées internationaux, comme la Tate Modern, à Londres, le Centre Pompidou, à Paris, ou encore le Musée d’art moderne de New York (MoMA). Si son nom reste encore largement inconnu des néophytes, ses photographies font en revanche aujourd’hui partie de la culture populaire, puisque Martin Parr s’est également illustré dans la mode et la publicité.
Une oeuvre politique
Fin observateur de son époque, Martin Parr a construit sa notoriété à travers son travail sur les années Thatcher, la société de consommation, les classes populaires et leurs loisirs, comme en témoigne une de ses séries les plus célèbres, “The Last Resort”, réalisé entre 1982 et 1985 dans une petite station balnéaire fréquentée par des familles modestes, près de Liverpool, au nord-ouest de l’Angleterre. “La Grande-Bretagne est mon sujet, c’est mon pays, je l’aime et je le déteste à la fois. La photo est un moyen pour moi d’articuler ces sentiments contradictoires”, confiait l’artiste en 2020 au journal français Libération.
Le photographe, qui pensait tout d’abord devenir reporter et s’est formé dans la très industrielle ville de Manchester, assumait et revendiquait la part anthropologique de son travail. En 2016, lorsque le Premier ministre du Royaume-Uni David Cameron, également chef du parti conservateur, avait annoncé son intention de lancer un référendum sur le Brexit, Martin Parr avait sillonné les routes à la rencontre de producteurs locaux, avec lesquels il s’était entretenu et dont il avait documenté le travail. Plus récemment il avait dirigé son objectif sur les files d’attente liées à la pandémie de Covid-19, ou encore sur les manifestations liées au mouvement Black Lives Matter, parti des États-Unis après le meurtre d’un homme afro-américain, George Floyd, par un policier Blanc du Minnesota.
Martin Parr et la Fierté LGBT
C’est avec ce même regard et dans le même mouvement que Martin Parr a photographié à plusieurs reprises la Pride de Bristol entre 2017 et 2024, dont les clichés, actuellement exposés au Bristol Museum & Art Gallery, ont également fait l’objet d’une publication en 2025 sobrement intitulée “Pride”. On y observe dans le pur style de l’artiste des personnes LGBT de tous âges célébrant leur fierté dans les rues de la ville, tenant des pancartes ou encore des drapeaux arc-en-ciel. “Ce fut un tel plaisir et tellement excitant de travailler avec la Fondation Martin Parr et le Bristol Museum pour présenter cette rétrospective unique, a déclaré Daryn Carter, qui a cofondé la Pride et la dirige aujourd’hui.
« C’est fantastique de voir à quel point les Pride sont désormais appréciées. »
Le travail de Martin capture les thèmes de la Pride – célébration, protestation et visibilité – d’une manière brillamment honnête. Présenter ces photos au Bristol Museum est aussi très spécial car, au fil de l’histoire, la visibilité LGBTQ+ est souvent restée non documentée et oubliée.” Et Martin Parr d’ajouter : “C’est fantastique de voir à quel point les Pride sont désormais appréciées. Cela n’était pas le cas quand elles ont commencé.”
Accusé de racisme en 2020 après avoir signé la préface d’un livre datant de 1969 sur la classe ouvrière de Londres du photographe aujourd’hui décédé Gian Butturini (préfacé en son temps par le poète américain Allen Ginsberg), et où la juxtaposition de deux clichés (une femme noire, triste et pensive, et un gorille en cage) ont suscité une vague d’indignation compréhensible, Martin Parr a confié être “mortifié” de s’être associé à cette réédition, dont il a demandé que les exemplaires soient détruits et retirés de la vente, avant de démissionner du Bristol Photo Festival.
« Au cours de ma longue carrière, j’ai soutenu des photographes sous-représentés et émergents. »
En juillet de la même année, sa fondation annonçait la création d’une bourse de la diversité, à destination des jeunes photographes noirs ou asiatiques. “Je suis profondément embarrassé d’avoir laissé passer une juxtaposition raciste d’images dans ma préface à la réimpression du livre, a-t-il déclaré à l’époque. Au cours de ma longue carrière, j’ai soutenu des photographes sous-représentés et émergents. La Martin Parr Foundation (MPF) est une organisation caritative créée pour mettre la photographie en lumière, offrir une plateforme aux jeunes photographes et aux talents émergents, et promouvoir le travail d’artistes de tous horizons. La photographie doit être un espace ouvert à tous. Ces valeurs comptent énormément pour moi.”
