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Queer As Folk, entre reboot et souvenirs

Queer As Folk, entre reboot et souvenirs

Alors que le reboot de Queer As Folk est annoncé pour le printemps, sans Russel T. Davis mais avec un casting plus inclusif et des problématiques plus contemporaines, revenons sur cette série culte et novatrice.

Lorsqu’en 1999, Queer As Folk débarque sur nos écrans – sur Canal+ – en crypté, après 22h30, c’est une petite révolution. Jamais une série n’avait exploré de cette manière l’homosexualité masculine: sans fard et sans complexes, avec un certain réalisme et sans se focaliser uniquement sur le cul. En cette toute fin du XXe siècle encore très LGBTQIphobe, où les représentations queer sont rares et caricaturales, Queer As Folk, dont la version britannique sera rapidement suivie d’une version américo-canadienne, apporte un énorme bol d’air aux personnes LGBTIQ+ et en questionnement.

Des modèles dans lesquels se projeter

Giorgia, 43 ans, se souvient: «À l’époque, je vivais en Australie. Même si c’est la terre du Sydney Gay and Lesbian Mardi Gras, c’était aussi un pays bigot, emprunt de culture redneck, raciste et ignorante. Regarder une série comme Queer As Folk avait quelque chose de subversif.» Elle découvre alors intriguée et stupéfaite le premier épisode: «C’était la première fois que je voyais des images d’hommes s’embrasser ou avoir des relations sexuelles à la télé, hors contexte de films porno. J’ai été véritablement frappée de découvrir quelque chose d’aussi complexe, mélangeant sensualité, sexe, violence et problématiques sociales et culturelles.» Passé le choc initial, Queer As Folk a participé à l’affirmation de l’orientation sexuelle de la jeune femme: «Je me savais déjà bi, mais la série a donné voix à certains ressentis. Elle m’a aidée à mieux m’accepter.»

Cette idée d’acceptation et d’affirmation de soi est très présente chez les téléspectateur·rice·x·s qui ont découvert la série à l’adolescence. Gaëtan, 15 ans à l’époque, raconte: «Je ne me disais pas encore gay, mais je savais très bien au fond de moi que je n’étais pas hétéro. J’avais l’impression de regarder quelque chose d’interdit, de faire quelque chose de subversif… Plus ou moins consciemment, je cherchais à savoir ce que cela voulait dire «être homo», je recherchais des exemples, des modèles, des représentations dans lesquelles me projeter.» Et il en trouve dans Queer As Folk: «Je me souviens que le héros, Nathan, avait mon âge et que j’avais quand même l’impression d’être à des années lumières de lui. Il me paraissait bien plus sûr de lui que je ne l’étais moi-même, bien plus beau aussi et bien plus à l’aise vis à vis de la sexualité. Moi, j’étais bourré de complexes, de questionnements et je redoutais la sodomie. Malgré tout, la série avait quelque chose d’extrêmement enthousiasmant. Je pense qu’elle fait partie des éléments qui m’ont amené à prendre conscience et à assumer pleinement mon orientation sexuelle.»

Un imaginaire commun

Le sociologue Arnaud Alessandrin commente: «Lorsque sort Queer as Folk, le paysage sériel, et plus encore télévisuel, est dépourvu de figures communautaires. On y croise parfois des gays, mais de façon très épisodique et très problématique. Queer as Folk fait va à l’encontre des productions francophones d’alors: il ne s’agit pas de s’intéresser à un hypothétique ménage de moins de cinquante ans mais à une communauté bien précise. Cette visibilité, c’est celle de l’homophobie, celle de l’homoparentalité, celle, plus marginale, d’un couple lesbien, celle du vieillir gay, celle de la communauté certes urbaine mais représentative de très nombreux profils gays.» Il ajoute: «Nous savons qu’être visible et bien représenté participe d’une meilleure construction de soi. À cette époque, de très nombreux jeunes gay se sont sentis inscrits dans un imaginaire commun, représentés et ont pu s’identifier. Cela compte énormément dans un paysage culturel où Internet débute juste et où Netflix et les réseaux sociaux n’existent pas encore!» Espérons que le reboot puisse à son tour contribuer à représenter les identités des jeunes queer.