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Mes premiers pas (maladroits) dans le dating lesbien

Mes premiers pas (maladroits) dans le dating lesbien
©Dasha Yukhymyuk (licence unsplash)

Perdue dans les codes, la nécessité de se définir, les commentaires biphobes et l’angoisse de “mal faire”, des premiers rencards interminables au craquage chez le psy, l’autrice raconte avec une sincérité désarmante teintée d’humour ses débuts dans le dating lesbien. Un récit tendre, confus et délicieusement maladroit sur l’art d’apprendre à aimer hors des cases.

Je ne peux pas parler de dating lesbien sans évoquer mon coming-out. Déjà à moi-même, et c’était le plus compliqué. J’ai des souvenirs de ma grand-mère qui me répète que l’homosexualité est une maladie. De ma meilleure amie, à 12 ans, qui me dit que si j’étais lesbienne, qu’elle ne voudrait plus dormir ou se doucher avec moi.

Je peux encore sentir l’angoisse monter. Je savais que j’étais attirée par les filles. Heureusement, aussi par les garçons, et je me suis cachée dans ces romances-là.

Dire “bi” pour la première fois

La première fois que j’ai utilisé le mot bi en me désignant, on m’a accusée de «pink washing», de vouloir être à la «mode». Quelques mois plus tard j’ose le dire, j’ose en parler mais le doute de la légitimité plane. «Mais si tu n’as jamais couché avec une meuf, comment tu sais?».

C’est marrant, j’ai perdu ma virginité vers 20 ans et personne n’avait jamais remis en question mon hétérosexualité avant de coucher avec un mec.

J’évitais d’en parler plus loin, de peur qu’on me pose cette question, à laquelle j’avais envie de rétorquer: et lécher des seins, rouler des pelles, toucher le clito de ses potes, ça compte ou pas ? Mais je savais que non, ça ne comptait pas. Les personnes, pour qu’elles soient légitimes de se dire bi, doivent avoir des expériences sexuelles avec quelqu’un du même sexe, ce qui n’est pas le cas des hétéros.

Non seulement c’est absurde, mais cela met une pression très forte sur la première expérience.

Le monde du dating lesbien

Puis j’ai commencé à dater des meufs, le monde du dating est beaucoup plus compliqué que ce que je m’étais imaginé. Les codes sont différents. J’ai l’habitude d’aller vite, de draguer les mecs vite, de les embrasser vite et de les jeter vite.

Je me sens brusque avec une femme, alors j’essaie de ralentir. Et au bout du 7ème resto, de la deuxième nuit passée ensemble sans qu’il ne se passe rien, sauf des bisous, je rentre chez moi et je me sens comme un vieux mec cis qui n’a pas pu pecho. Et ça me frustre.

Je raconte ça à mes copaines, iels rigolent. Certain·e·x sont de mon côté: «c’est chiant les gens qui vont lentement, ça ne sert à rien d’aller lentement». Je suis frustrée et impatiente, je n’ose pas faire plus de move envers elle car je ne supporte pas mon côté mec en chien. Mais je suis rentrée dans un cercle vicieux où moins je tente, plus j’attends, plus ça me frustre, moins j’ose.

Se labellisé à tout prix

Je me rends compte que pour elle, l’histoire doit être sérieuse. Elle attend déjà un certain engagement de ma part, elle m’envoie beaucoup de messages, je flippe, j’abandonne.

Je retourne dans le dating et j’achète enfin mon ticket pour la légitimité. Sauf qu’on me dit que je ne suis pas bi, mais pan, car la personne est non-binaire. Certaines personnes bi disent qu’elles incluent des personnes trans et non binaires dans leurs attirances.

D’autres disent que la bisexualité est binaire donc exclusive et qu’il faudrait dire «pan» si on désigne tout le monde. J’ai l’impression qu’il y a un flou à ce niveau-là, ce qui rend d’autant plus compliqué de se mettre soi-même dans une case.

L’histoire se finit vite. Je n’ai pas dit à la personne que je voyais un autre mec. On se questionne avec mes copaines: est-ce les normes hétéros de ne rien dire au premier date? Sommes-nous conditionné·e·x·s à être dur·e·x·s avec les personnes avec qui on baise? Pour ne pas s’attacher?

Craquage chez le psy

Mon psy me questionne: pourquoi avoir demandé l’approbation au mec et pas à la personne non-binaire? Est-ce que je cherche la validation de l’homme? Est-ce que je me projette avec l’homme? Est-ce que j’ai peur de perdre l’homme?

Il me questionne sur mon identité, met le doigt sur le fait que je ne suis pas ce que je voudrais être, ou le contraire?

J’ai bientôt 27 ans et je ne sais toujours pas si je suis hétéro, bi, pan ou lesbienne. Et je fonds en larmes, j’ai déjà l’impression de devoir me battre juste pour faire mes tâches quotidiennes. Vivre avec une femme ou une personne non-homme cis, avoir des enfants avec, risquer de se faire casser la gueule, risquer de se faire retirer ses enfants.

Ça me ramène à la même conclusion: je n’arrive pas. Je n’arrive pas à être adulte, je n’arrive pas à faire mes tâches administratives et je n’arrive même pas à être hétéro.

Un guide qui aurait sans doute aidé Claie

L’association Les Klamydia’s vient de publier Les filles qui aiment les filles, un guide ado destiné aux jeunes lesbiennes, bi, pan et queers — bref, à touxtes celleux qui, comme tant d’autres, auraient aimé qu’on leur explique les codes, les premières fois, la confiance en soi ou la différence entre ce qu’on ressent et ce que les autres projettent sur nous.

Conçu à partir de discussions avec des jeunes concernées et relu par des expert·e·x·s, le guide offre des réponses simples, bienveillantes et souvent drôles aux questions qui reviennent sans cesse:

comment draguer entre filles?
comment faire son coming out?
comment aborder la sexualité avec sérénité?
à qui parler en cas de violences ou de doute?

Une version en ligne permet de consulter chaque chapitre, et la version imprimée est disponible pour 10 CHF sur le site des Klamydia’s ou via le shop de Santé Sexuelle Suisse.
À noter: le guide contient également des informations utiles pour les adolescent·e·x·s trans et non binaires.