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Sasha Velour: «Je ne cherche pas à adoucir mon drag»

Sasha Velour: «Je ne cherche pas à adoucir mon drag»

Étoile du panthéon des drag queens superstars internationales, Sasha Velour arrive pour la première fois en Suisse avec son nouveau show Smoke & Mirrors sur la scène du Volkshaus de Zurich.

Artiste incontournable de la scène drag de Brooklyn, Sasha Velour s’est démarquée de ses concurrentes, férocement lookée jusqu’à la pointe de ses couronnes d’inspiration gothique, jusqu’à son couronnement lors de la neuvième saison de RuPaul’s Drag Race en 2017. Non binaire, Alexander Hedges Steinberg se genre au masculin à la ville, tandis que Sasha Velour se genre au féminin en drag. Rencontre en visio et en décalage horaire. A Brooklyn, le jour se lève.

Sasha Velour, tu es devenu une star internationale en participant à RuPaul’s Drag Race. Comment te sentais-tu au moment d’entrer dans la compétition?

Oh mon Dieu, j’étais terrifiée! C’est une des raisons pour lesquelles j’ai crié en entrant. J’avais décidé de transcender mes peurs pour me sentir puissante. Je me sentais investie de la mission de dévoiler une part du drag encore trop méconnue du grand public. Ma scène drag à Brooklyn où je suis encore aujourd’hui est très diverse et inclusive, elle compte beaucoup de personnes trans* et non binaires et des femmes. C’est ce que je souhaitais représenter. Il ne faut pas oublier que le Drag Race est un concours extrêmement capitaliste et très hollywoodien.

Tu te décris comme une reine chauve, mode, artistique et bizarre. Te considères-tu très éloignée du drag classique?

Au contraire, mon drag est très classique. Après tout, je fais du lip sync sur Shirley Bassey et Judy Garland, haha! Quand je lis les histoires des drag queens qui ont ouvert la voie, je constate plus de diversité et une plus grande liberté dans le passé. Le problème depuis deux décennies environ, c’est que le drag mainstream est devenu plus conservateur, au même titre que les canons de beauté féminine.

Tu as beaucoup de références artistiques très new-yorkaises, comme Keith Haring, Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat. As-tu grandi avec ces figures?

Absolument. J’ai grandi dans différents endroits aux États-Unis. Entre l’âge de 2 et 7 ans, j’étais à New Haven dans le Connecticut, non loin de New York City. C’était alors une ville dangereuse et excitante, pas du tout clean comme elle l’est devenue aujourd’hui. On y sentait pulser l’art, c’était très excitant et émerveillant. Quand j’étais gosse, j’observais cette énergie, sans comprendre à quel point c’était queer. New York, c’était la quête d’égalité et d’amour pour tout le monde. En tant que kids, nous nous identifions à ça.

Tu cites aussi James Saint James, Amanda Lepore et Leigh Bowery, les club kids des années 90. Que représente ce mouvement à tes yeux maintenant que tu as 34 ans?

J’ai eu l’opportunité de tourner avec James Saint James en Grand-Bretagne, c’était incroyable. Il a tant de sauvageries à raconter! Dans nos échanges, il m’expliquait que le mouvement tendait à créer un espace représentant de nouveaux types de beauté. Leurs attitudes et leurs tenues outrageusement fabuleuses étaient pour eux une façon de tomber le masque qu’ils étaient contraints de porter le jour pour se faire accepter en société. Leurs looks ont instantanément envahi la mode et influencé le maquillage.

La figure de la diva, telle que Marlene Dietrich et Madonna, t’inspire beaucoup. 

Je pense qu’il y a toujours une connexion entre les personnes queer et les divas. On n’en connaît pas vraiment toutes les raisons, mais on sait qu’il existe ce point commun: la création par soi-même d’un personnage fabuleux. Elles mélangent savamment leur propre esthétique, leur talent et leurs voix à la politique. Cette alchimie se situe au-delà du genre , il s’agit d’une force ni masculine, ni féminine au sens traditionnel. La distance entre être une femme et la haute féminité se démarque chez les divas de la pop. Et puis, Marlene Dietrich et Judy Garland avaient toutes les deux un public très queer, leurs shows s’apparentaient à des night-clubs où l’on pouvait se rencontrer pour y faire un tas de choses. Je veux que mes shows ressemblent à ça!

Parles-nous de ce point culminant où l’art rencontre la pop, à l’image de ton look inspiré par le clip d’Applause de Lady Gaga dans Drag Race?

Je suis de la génération MTV, j’ai toujours aimé les comics et les vidéo-clips et je pense que la culture pop décuple sa puissance en s’inspirant de l’art, c’est une constante. Il s’agit de disséminer les idées et la créativité le plus largement possible pour connecter les gens entre eux.

Tu as déclaré que le drag est un moyen de transcender la douleur. Qu’est-ce que cela signifie?

Je me suis tournée vers le drag au moment où ma mère est décédée. Mon deuil s’est fait à travers mes performances, inspirées par la perte et la façon dont elle voyait son corps avant de mourir. Mettre mon propre corps au service de ces histoires m’a permis de transformer la douleur en fierté. Le drag consiste à devenir, se transformer, puis lâcher prise.

Ton approche du drag est très intellectuelle et philosophique.

Trop, m’a-t-on reproché, haha! Ru Paul m’a conseillée de faire plus de gags personnels sur scène. Quelque part, elle a raison. Elle sait comment fonctionne le système. Dès le moment où tu es capable de rire de toi-même sans te prendre trop au sérieux, cela amène le public encore plus loin. Mon intellectualisme est drôle et ridicule à sa manière, alors je continue!

Que représentent les cheveux punk et ton autre coiffure-signature, les couronnes stylisées?

Ce sont des attributs parfois terrifiants, mais ils symbolisent avant tout le pouvoir de la beauté féminine. Je ne cherche jamais à adoucir mon drag. C’est d’autant plus important pour ma liberté sur scène,où le public me voit parfois de loin. C’est pour cette raison que je privilégie les éléments géométriques.

Tu as vécu en Russie? 

Oui, pendant deux ans. La famille de mon père est russe et il est historien de son pays. La première fois qu’il m’y a emmené, j’avais 9 ans. J’ai toujours ressenti une forte connection avec la culture, les arts, particulièrement la musique en Russie. Adulte, je me suis lié avec des activistes queer sur place et j’ai fréquenté des bars gay, toujours à la limite de la sécurité et de la légalité. Ça m’a fait réfléchir au sens du drag et à l’activisme LGBTIQ+. La Russie est une grande inspiration. Je n’y suis pas encore retournée en tant que Sasha Velour, j’espère le faire bientôt.

A quoi peuvent s’attendre tes fans de Smoke & Mirrors, ton nouveau show décrit comme une autobiographie en lip-sync? Sasha

Iels vont me voir performer mes lip-sync les plus connus, j’y fais aussi quelques révélations surprenantes avec des histoires liées à la musique pop. Durant tout le show, des vidéos que j’ai créées de toutes pièces sont projetées sur scène. Entre deux performances, je parle très ouvertement et honnêtement en faisant abstraction du micro. En deux mots, je dirais qu’il s’agit de vérités et de mensonges.

Sasha Velour, SMOKE AND MIRRORS 2022 le 2 mars 2022 au Volkshaus, Zürich