D’un océan à l’autre

Un jour, prendre la route pour rejoindre celui ou celle que vous avez, pour mille raisons, pour mille mauvaises raison, trop tardé à rejoindre. C’est un peu l’histoire de Joel, journaliste new-yorkais speedé, qui prend sa voiture un beau matin pour enfin retrouver Scott, son grand amour, à l’autre bout des Etats-Unis. De la côte est à la Californie, il croisera trois femmes, autant de messagères.
Ecrit par l’anglo-américain Godfrey Hamilton à la charnière des années 80 et 90, au milieu du tourbillon du sida, ce Road Movie drôle et bouleversant pourrait rappeler les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin, et où se croisent la tendresse, l’humour et l’urgence de sentiments qui s’y manifestent sans détour. Pour Jean Natto, qui a vécu à San Francisco il y a 20 ans, cette période singulière, imprégnée de la tragédie du Vietnam encore proche et de celle du sida, résonne de manière intime. La rencontre avec le texte de Hamilton, monté à Paris, a été un coup de foudre. «J’ai ce texte avec moi depuis au moins cinq ans. Je m’étais dit que si un jour je remontais sur les planches, ce serait pour l’interpréter.»
Conciliant ses deux métiers de comédien et d’architecte, Jean Natto joue au milieu d’une scénographie qu’il a conçue lui-même. Tout en transparences et en reflets, le décor blanc s’habille de couleurs et de textures changeantes, grâce à des projections préparées par la vidéaste Marie-Catherine Theiler. Celles-ci se combinent aux sons et musiques travaillées par Frédérique Jarabo.

Paysages intérieurs
Road Movie, c’est avant tout des paysages, de ceux qui laissent leur empreinte dans la mémoire, mais aussi des paysages intérieurs, un itinéraire dans les souvenirs du narrateur. Qui campe, tour à tour tous les rôles: de Ma, la matrone black de Géorgie, à Myra, femme délaissée croisée en Arizona, et jusqu’à californienne new-age Dharma. Trois personnages qui cachent sous leur générosité et leur truculence le deuil d’êtres chers. A sa manière, Road Movie pose la question: Comment vivre sans eux, ou plutôt avec leur souvenir, et comment ce souvenir nous transforme? «C’est tout sauf une pièce abstraite», résume la metteuse en scène Mercedes Brawandt, complice de Jean Natto pour ce spectacle. «En fait, la seule chose qui soit abstraite, c’est l’Autre. Et la pièce pose la question: de quoi on est faits? – De millions d’années de sédimentations, comme les océans.»

Road Movie, de Godfrey Hamilton au Théâtre Les Salons; 6, rue Bartholoni – Genève. Du 5 au 23 septembre à 20h., dimanches à 18h. (relâche mardi 11 et lundi 17 septembre). Réservations: 022 807 06 33 ou 021 824 34 61.www.les-salons.ch

Quitter la version mobile