En moi parfois, la voix acidulée du lapin d’Alice se fait entendre, pressante. Oui, je t’entends, je sais, j’en suis consciente: oui, je suis en retard. Non, ce n’est nullement de l’indifférence. Juste une incapacité momentanée de me mouvoir. Pas paralysée, non; immobile, comme suspendue, flottant en une bulle indistincte où plus rien ne peut, ne veut, se formuler.
Je pourrais certes à l’action me forcer mais quelque chose en moi résiste, refuse les injonctions de la réalité. Est-ce une rébellion face à la sensation de trop-plein que produit périodiquement sur moi le Monde? Je ne saurais vraiment répondre, mais il est vrai que parfois, plutôt que de perdre pied dans un océan pour moi bien trop tourmenté, je n’ai d’autre alternative que me laisser flotter sans résistance aucune jusqu’à ce que le courant exerce en mon esprit moins de violence et que je puisse, sans risquer la noyade, regagner la rive pour reprendre le cours de mon active existence et de mes engagements respecter les échéances.
Alors, en attendant, je n’ai qu’un seul refuge: le sommeil, ou plutôt la somnolence dans laquelle, à l’instar du loir en sa théière, je cherche à faire le vide en une léthargie réparatrice, réconfortante. En cette étrange exil sans but ni destination, dont je ne veux ni ne peux connaître la durée, je reprends peu à peu les forces qui me sont nécessaires pour vous rejoindre et à nouveau marcher sereine à vos côtés, vous qui peut-être et à votre manière traversez également de telles errances.