Une ombre sur le partenariat
Après l’aboutissement du référendum, la Coordination nationale «Oui au partenariat» compte sur une large mobilisation pour gagner aux urnes. Enjeu central: faudra-t-il craindre un engagement surprise de l’UDC aux côtés des ultraconservateurs? Oskar Freysinger, en tout cas, a déjà imaginé les affiches dont il rêverait…
Le référendum de l’Union Démocratique Fédérale (UDF) alliée aux ultracatholiques – dont certains sont membres de l’UDC – contre la loi fédérale sur le partenariat enregistré a abouti. Le peuple votera donc l’année prochaine, en juin au plus tôt, la Chancellerie fédérale n’ayant pas encore fixé de calendrier. Une première mondiale: c’est la première fois qu’une nation votera sur un tel objet. On sait à quel point ce scrutin constitue un véritable enjeu de société et combien il soulève l’émotion dans la population. En fonction de cette atmosphère passionnée, comment les campagnes seront-elles menées de part et d’autre?
Christian Verdon, porte-parole de la Coordination nationale «Oui au partenariat», explique la stratégie de son groupe: «Tout d’abord, nous mènerons une campagne de proximité et ce simultanément dans toute la Suisse. En effet, huit sections régionales se sont déjà formées (ndlr. la Romandie en constitue une), à partir desquelles l’action se fera plus locale. Nous ne croyons pas à un clivage entre les régions linguistiques, mais plutôt à une différence de sensibilité entre la ville et la campagne. Donc, nous voulons une décentralisation qui serait portée par des poids lourds de la politiques, des personnalités de la vie culturelle et des figures respectées voire très proches des gens.» Pour l’heure, il n’y a que le nom de l’ex-conseillère fédérale, Ruth Metzler, qui ait filtré même si on présume que la liste ira croissant. «Nous aimerions, poursuit Christian Verdon, susciter un soutien le plus large possible, une mobilisation spontanée des gens bien au-delà des seuls gays et lesbiennes. Pour ce faire, une campagne d’affichage est à l’étude, elle se base sur les résultats de sondages, mais nous comptons aussi sur l’accès aux médias pour convaincre les indécis.» Pour mener son combat, la Coordination nationale table sur un budget d’environ 1 à 1,2 millions de francs, un budget assez ordinaire pour ce type de campagne, qui sera réparti au niveau local. «Nous sollicitons les particuliers pour qu’ils nous versent des dons. A la mi-octobre, nous accusions déjà un retour de 15% à 20% des demandes de dons, ce qui constitue une énorme participation.»
On imagine que l’attitude de l’UDC, qui pour l’heure ne s’est pas positionnée pour ou contre, sera déterminante. On le sait, ses moyens financiers lui permettraient de mener une campagne de très large envergure. Christian Verdon, pourtant, n’y croit pas: «Le partenariat n’est pas un sujet porteur pour l’UDC, car même dans les milieux ultraconservateurs les mentalités ont évolué; pour ce parti, ce serait risquer de perdre une bataille. De plus, si l’accord Schengen/Dublin devait être un objet de la même votation, l’UDC se concentrerait en particulier sur cet enjeu-là.»
Oskar Freysinger, conseiller national UDC valaisan, figure médiatique de l’arène politique souvent controversée à cause de ses propos «à relents racistes» (LICRA) s’impose comme l’un des principaux pourfendeurs du partenariat enregistré. Lui qui déclare être «un mystique» en butte au «matérialisme athée» assure qu’il tentera de gagner la faction UDC à sa cause. «L’assemblée des délégués UDC se prononcera environ trois mois avant la votation, donc en mars si le peuple vote en juin. Je pense qu’environ 65% des délégués voteront contre le partenariat», dit-il. L’UDF et le Parti Evangéliste n’ont aucune envergure nationale et ont besoin de la force de frappe du premier parti de Suisse, d’où l’intérêt d’une campagne commune. «Nous disposons de beaucoup moins d’argent que les associations homosexuelles, tempère Oskar Freysinger. La partie sera difficile pour nous et rien n’est encore gagné.» Pour mémoire, le partenariat zurichois est entré en vigueur en 2002 avec 62,7% de votes favorables. A son échelle, le canton de Zurich est un bon reflet de l’opinion en Suisse.
D’aucuns craignent une dérive démagogique de la part des opposants, à l’instar de la campagne qui a prévalu sur la naturalisation. «Ils se discréditeront eux-mêmes, prétend Christian Verdon.» Poutant, Oskar Freysinger, de son propre aveu estime qu’«une campagne choc est légitime. Il faut des affiches très parlantes, sinon il serait inutile de dépenser tout cet argent.» Mais avec quel genre d’images?« Je réponds à titre personnel, car je ne commandite pas les affiches. Je pourrais imaginer deux hommes qui s’embrassent de façon très vulgaire, comme l’ont fait les mariés de Noël Mamère, ça provoquerait des haut-le-cœur.»