Black Movie à corps et à cris

Il y a un an, Black Movie consacrait une section entière de sa programmation au cinéma queer. Pour son édition 2011 du 11 au 20 février prochain, en revanche, pas de prémâchage LGBT. Il faudra se frayer un chemin entre documentaires made in India, cinéma latino et morceaux de bravoure coréens. Mais l’effort sera récompensé, car le festival recèle de véritables perles… dans la chaussure, pour celles venues de Corée  ! Face à Kim Gok, à ses élans vénéneux et ses débordements gore, Park Chan-Wook et même Takashi Miike, autre invité de Black Movie 2011, pourraient passer pour des enfants de chœur. C’est dire  ! Tourné en super 8, «Exhausted» oscille en effet sans cesse entre le sordide et l’insoutenable. Image délavée, paysage de post-apocalypse et bruit de chantier y rythment la vertigineuse descente en enfer d’un trio de damnés. Un maquereau à la petite semaine, sa protégée largement attardée et son amante éconduite. Ultime avertissement: en comparaison, «L’Empire des sens» est un conte de Noël.

Et finalement la grâce
A peine moins éprouvant, «Father is A Dog» de son compatriote et très prometteur Lee Sang-Woo explore le huis-clos familial jusqu’à la suffocation. Trois frères, un ange au bras cassé, un débile profond et un dépressif subissent au jour le jour les humiliations d’un père tyrannique et violent. Le mauvais rêve tourne au cauchemar à l’arrivée du jeune amant de Sugar Daddy… Là encore, public sensible s’abstenir, même si une tendre fraternité adoucit le supplice.

Heureusement, «Manjuben Truck Driver» (extrait ci-dessous) de l’Indienne Sherna Dastur offre un changement radical de ton. Là, c’est la dignité, le courage et l’espoir qui l’emportent sur les routes poussiéreuses du Gujarat. Truckeuse par passion et cheffe d’entreprise pour l’argent, Manjuben, cette «mi-Shiva mi-Lakshmi», est un véritable défi vivant. Et son parcours dessiné avec grande sensibilité, un jouissif pied de nez au patriarcat. Tout aussi délicat mais un peu plus maladroit, le troisième film du Chilien Sebastián Campos, «Navidad» (bande annonce ci-dessous) ressucite l’utopie pansexuelle des années 70. Trois adolescents se frottent au désir dans un espace hors-temps, bien loin des gang bangs sur­hormonés de certains Larry Clark ou Gregg Araki.

Et le meilleur pour la fin, le magnifique «Cuchillo de Palo» (ci-dessous) de la Paraguyenne Renate Costa qui sublime la mémoire d’un oncle mort de chagrin d’avoir été estampillé 108 – homosexuel à éliminer –sous la dictature de Stroessner. Ou comment un documentaire au « je» peut aussi être un exercice de grâce et d’humilité. Alain Cavalier aurait pu s’en inspirer avant de tourner «Irène»…

Programmes et infos sur www.blackmovie.ch

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