«Ce qui nous frappera d’aujourd’hui»

À peine bouclé, un numéro est remplacé par le suivant. Une chasse effrénée aux idées, aux nouveaux sujets, aux angles originaux et aux prochaines icônes queers. Un rythme endiablé, attisé par la multitude de canaux qui permettent de consommer de l’information. 360° n’échappe pas à cette cadence folle. Mais que deviennent ces numéros une fois qu’ils sont consommés, une fois leur Migros data atteint?

Dépassant les effets de mode, les mise en page qui vieillissent plus ou moins bien et les coupes de cheveux que l’on regarde avec circonspection une décennie plus tard, ces éditions successives deviennent des archives. Elles témoignent d’un air du temps, de préoccupations et de combats qui restent, et d’autres que l’on oublie. Je ne peux m’empêcher de me demander ce que l’on regardera avec curiosité dans 10, 15 ou 20 ans, mais aussi de réfléchir aux archives que nous constituons en ce moment même. Quand on fêtera les 50 ans du magazine, en 2048, qu’est-ce qu’on exhumera des archives, qu’est-ce qui nous frappera d’aujourd’hui?

Bond dans le passé, fin des années 60, Michel Foucault vient de publier L’archéologie du savoir. Au micro de France Culture, il se confie sur sa définition du mot «archive» qu’il décrit ainsi: «Cette masse extraordinairement vaste, complexe, de choses qui ont été dites dans une culture.» Mais au fait, que dit-on maintenant dans et sur la culture queer? Qui est-ce qui s’exprime, et à quels sujets? Qui est au centre, qui est à la marge? 

Exemple qui constituera, à n’en pas douter, de magnifique archives: Christine Gonzalez et Aurélie Cuttat qui, mi-mars, sont invitées à parler de leurs podcasts Voyage au Gouinistan et Destination Vieillistan au 19h30, rien que ça! Une contrepartie heureuse et méritée à d’autres prises de parole du service public romand sur des thématiques LGBTIQ+. Fruit de cette production médiatique effrénée, on archive soigneusement ce type d’intervention-là avec la «masse extraordinairement vaste» de sujets qui seront regardés avec attention (pour ne pas dire circonspection) par les futur·e·x·s explorateur·rice·x·s de nos archives queer.

Publié par

Robin Corminboeuf

Rédacteur en chef

Quitter la version mobile