Est-il encore possible de se rencontrer sans Grindr?

Avant, Vincent adorait flirter et lâcher les apps l’a obligé à s’y remettre pour sa plus grande joie. “Ce qui me plaît, c’est rencontrer un garçon par un club de sport ou un ami d’ami. Il y a quelques mois, j’ai rencontré un gars et il a fallu du temps avant qu’on couche ensemble… c’était super excitant!”

“Même s’il n’y a pas de sexe au final, au moins, il y aura eu une connexion”, abonde Pierre, médecin de 37 ans, qui s’est mis à la poterie pour faire des rencontres. Mais il juge que les options manquent, comme “des bars non discriminants, sans stéréotypes, ce qui n’est pas forcément le cas dans les établissements gays.”

« Dans la vraie vie, ça ne se passe jamais aussi mal que sur les apps. »

Quant au “non”, il fait partie du jeu. En préparant Ce que Grindr a fait de nous (éd. JC Lattès), Thibault Lambert a échangé avec des sociologues. “Leur constat est que nous manquons d’assurance, à cause du climat instauré par les apps et le ghosting. On pense qu’on va forcément se heurter à des gens pas bienveillants. Pourtant, dans la vraie vie, ça ne se passe jamais aussi mal que sur les apps.”

Réinvestir les lieux de sexe

Jonathan, prof de yoga, a trouvé d’autres ressources comme le sauna. “C’est une solution rapide: en une heure c’est bon, alors qu’en une heure sur Grindr, tu ne fais souvent pas grand-chose.”

« Ça a un vrai impact sur ma sexualité! »

Matt, lui, regrette la disparition des espaces de cruising. “L’impact négatif des apps a été la réduction du nombre d’endroits et leur dénormalisation. Ils sont aujourd’hui jugés marginaux.” Il a pourtant pris un vrai plaisir à découvrir bois et pissotières, jusqu’à en faire un kink. Et ne s’interdit pas les eye contacts dans les vestiaires: “Même s’ils ferment progressivement leur sauna ou leur hamam. Ça, ça a un vrai impact sur ma sexualité!”

Ne pas abandonner le numérique

Instagram is the new Grindr. “On ne va pas se mentir, c’est l’app la plus proche pour les pédales”, ironise Sébastien. Timide, le musicien préfère rester derrière un écran. “Le déclencheur a toujours été à l’écrit. Un truc ambigu, l’autre qui réagit, et de fil en aiguille…”

Idem pour Florent, dessinateur. “Insta, c’est une app de photo. On peut deviner s’ils sont gays, bref s’il y a moyen.” X, et même LinkedIn, ont eu ses faveurs. “Tout un écosystème d’applications non officielles”, s’amuse-t-il.

Sortir du tout jetable

Soyons clairs: il faut tirer un trait sur la consommation débridée de sexe que Grindr permet. Julou, traducteurice non binaire qui s’est “construit·e·x avec les apps”, reconnaît qu’après leur suppression, c’était le désert: “Il y a eu des moments où j’ai été en carence de tendresse.” Mais une fois le sevrage passé, iel s’est dit que, finalement, iel “baisait moins, mais mieux”: “J’ai développé une réflexion sur ma sexualité: de quoi j’ai réellement besoin, quelle nécessité à baiser aussi souvent?”

« … creuser les relations existantes plutôt que d’aller chercher de la nouveauté. »

Même constat pour Jonathan, pour qui Grindr a surstimulé la libido. “On est tout le temps dessus, on reçoit des photos hot… ça fait monter l’excitation en continu.” Depuis, le prof de yoga passe “des jours voire des semaines sans avoir envie”. Et quand ça le prend, il n’hésite pas à remonter son répertoire. “Avoir quitté Grindr m’a poussé à creuser les relations existantes plutôt que d’aller chercher de la nouveauté.”

Julou a aussi exploré sa sexualité avec des hommes qu’iel connaissait déjà pour “nouer des choses qui ne soient pas limitées à du sexe. Et, au final.. j’ai plutôt réussi.”

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