Le cruising et le naturisme font partie intégrante de la culture communautaire et libertaire en Suisse. Pourtant, comme le rappelle Florent Jouinot, militant·e·x et observateur·ice·x de longue date:
«Bon nombre de lieux de cruising ont déjà disparu. Certains ont été volontairement réaménagés voire détruits par les autorités pour empêcher la pratique.»
Au fil des 20 dernières années, les fermetures se sont multipliées. Là où les plages et forêts accueillent rencontres et sociabilité, la répression gagne du terrain.
Zurich: Werdinsel, une plage nudiste dans la tourmente
La RTS l’a récemment relayé: une pétition anonyme demande la fermeture de l’Île de Werdinsel, l’un des derniers espaces naturistes en plein centre-ville. L’enjeu dépasse le simple naturisme. Pour beaucoup, il s’agit de préserver un espace rare, tolérant et accessible, où se croisent générations et pratiques différentes.
Une contre-pétition pourrait permettre de sauver ce lieu, mais l’avenir reste incertain.
Rives vaudoises: d’Yvonand à Rivaz, une disparition programmée
En Suisse romande, la situation est tout aussi préoccupante. A Yvonand, la municipalité a mis fin à la tolérance vis-à-vis du naturisme à la Petite Amérique où il était pratiqué depuis des décennies et l’accès au petit bois a été entièrement fermé.
A Cudrefin, la zone naturiste à la plage du Chabrey a été réduite à peau de chagrin par le déplacement de la limite de la zone protégée.
Résultat: la pratique du naturisme se poursuit de manière éclatée sur la rive vaudoise du Lac de Neuchâtel entraînant une perte du lien social et exposant les personnes aux plaintes et amendes.
Sur les rives du Léman, la situation n’est guère différente:
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A Saint-Prex, l’interdiction totale il y a 10 ans a mis fin à la pratique du naturisme.
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Entre Épesses et Rivaz, les descentes policières se multiplient, visant en priorité la «plage» mais menaçant toute la rive. (à lire aussi: Paradis du cruising sur les rives du Léman?)
Resteraient donc, pour le moment, les rives de la Singine (FR) et de l’Allondon (GE) comme derniers refuges romands si l’on ne souhaite pas s’exiler en France (Thonon-les-bains) ou en Suisse alémanique pour pouvoir intégralement profiter de l’eau et du soleil.
Une répression aux accents moraux et homophobes
Derrière les prétextes de protection de la nature ou le plus souvent de l’ordre public se cache une autre réalité: celle d’une répression morale au nom de la “décence”, qui vise directement les pratiques naturistes mais aussi les hommes gays. Comme le souligne Florent Jouinot, il s’agit d’«une base moraliste teintée d’homophobie, juridiquement discutable».
Ces attaques ne sont pas anodines: elles participent d’une volonté de faire disparaître nos espaces de liberté, nos cultures liées au corps et au désir, nos lieux de sociabilité hors normes. La fermeture de ces sites n’efface pas seulement des plages ou des sentiers, elle attaque une histoire communautaire tissée de rencontres, de solidarités et de résistances. La dispersion fragilise encore davantage la communauté. Contraint·e·x·s à se cacher ou à s’isoler pour éviter la répression, les adeptes s’exposent alors à une plus grande vulnérabilité et à un risque accru d’agressions.
Appel à mobilisation et témoignages
Alors que la situation semble critique, la mobilisation reste faible. À Zurich, la contre-pétition pourrait sauver Werdinsel. Mais en Suisse romande, l’absence d’initiatives inquiète:
«Les démarches initiées via l’association locale n’ont malheureusement pas permis d’infléchir les positions», regrette Florent.
Un appel à témoignages et à mobilisation paraît désormais indispensable. Défendre ces espaces, c’est défendre une part de l’histoire communautaire suisse, mais aussi l’avenir d’une culture de la liberté et de la rencontre des corps et des vies.
