#MeTooGay, enfin!
Une multitude de témoignages ont éclos sur les réseaux sociaux francophones ces dernières 48 heures. L'amorce d'une nouvelle libération de la parole.
Un peu plus de trois ans après l’émergence du mouvement #MeToo, une nouvelle vague de témoignages sur les réseaux sociaux met cette fois en exergue les violences sexuelles commises par des hommes sur des hommes. Le déclic semble être venu de la mise en cause d’un élu communiste au Conseil de Paris, accusé de viol par un militant «particulièrement vulnérable», âgé de 18 ans à l’époque des faits. Le hashtag #MeTooGay a fait son apparition jeudi soir sur les réseaux sociaux francophones. Il a rapidement grimpé au top des mots-clés les plus cités.
Plusieurs récits ont ainsi atterri sur Twitter, notamment de personnalités du monde médiatique, comme le présentateur de FranceInfo Christophe Gascard, le chroniqueur Alexis Thiebaut ou Denis Quinqueton, codirecteur de «L’Obs».
L’un des premiers à avoir pris la parole est le journaliste scientifique Nicolas Martin, qui a témoigné d’abus subis dès l’âge de 11 ans, à l’instigation d’un garçon plus âgé, puis pendant toute son adolescence.
"J’avais 11 ans, un corps d’enfant. Il en avait 16 et demi et un corps d’adulte. Chantage, pénétrations forcées, humiliation (…) Ça a duré 6 ans." @NicoMartinFC a décidé de raconter les viols qu'il a subis.#MeTooGay
Avec @TETUmag pic.twitter.com/tbcC7F4wp1— Loopsider (@Loopsidernews) January 22, 2021
«C’est une tendance structurelle et massive de la société et tant qu’on ne l’interroge pas, les hommes – puisque ce sont majoritairement eux qui violent, et en majorité des femmes il faut le rappeler – continueront à violer en toute impunité», analyse le producteur sur France Culture, interrogé par l’AFP (repris par «Le Temps»).
Un si long silence
Point commun de beaucoup de ces microrécits: le silence face au viol, qu’il soit le fait d’un proche d’une «mauvaise rencontre», et la honte qui s’empare de victimes, gay… et donc «forcément» un peu consentantes…
«J’avais 10 ou 11 ans. On ne m’a pas cru quand je l’ai dit. Ça a en partie flingué mon adolescence et ma famille, retardé mon coming-out de je-sais-pas-combien d’années», raconte le réalisateur et journaliste Matthieu Foucher. En septembre, ce dernier avait exploré la question dans un article de «Vice» intitulé «À la recherche du #MeToo gay». Il y évoquait l’impression, tenace chez les victimes abusées dans leur enfance, qu’elles ont elles-mêmes provoqué leur agresseur. C’est une «culpabilité énorme dont on a du mal à se départir adulte», observait la psychologue et sexologue Nadège Pierre, qui a reçu de nombreux gays ayant subi de tels traumatismes.
Résilience trompeuse
Ces violences existent aussi à l’âge adulte, dans les rencontres en soirée, dans les plans cul, voire dans le couple, comme le rappellent plusieurs tweets. «On le vit avec résilience comme si c’était un accident parmi d’autres. Or, ça n’en est jamais un, même si vos proches disent l’inverse», résume @tobiaslmr.
Pourquoi les hommes n’ont pas pris la parole plus tôt? s’interroge 20minutes.fr. Peut-être la peur passer pour opportuniste quand les femmes ont lancé le mouvement, ou de crainte de renforcer l’homophobie ambiante, «que l’accusation d’un individu soit pris pour une généralité et jette l’opprobre sur toute la communauté», comme le résume Flora Bolter, codirectrice de l’Observatoire LGBT+ à la Fondation Jean Jaurès.
#MeTooGay laisse encore dans l’ombre d’autres victimes, et notamment les hommes hétéros. La démarche s’est toutefois amorcée dans certains secteurs, comme le sport d’élite. On se souvient du témoignage de l’ex-rugbyman français Sébastien Boueilh, l’an dernier.
Ne pas en rester là
En Suisse, où le cas Darius Rochebin a récemment levé un coin du voile sur la difficile prise de parole des victimes masculines, le mouvement #MeTooGay a fait réagir des associations comme la genevoise Dialogai. «Les témoignages que l’on voit sur Twitter ces derniers jours sont glaçants, révoltants. Ils appellent à une volonté forte d’agir, et surtout de ne pas en rester là.» Les centres Checkpoint, à Genève et Lausanne proposent une consultation psychologique avec des professionnels formés à aborder des expériences de violence.
Le #MeTooGay prendra de l'ampleur. La parole doit se libérer, aussi pour les gays. Les témoignages que l'on voit sur Twitter ces derniers jours sont glaçants, révoltants. Ils appellent à une volonté forte d'agir, et surtout de ne pas en rester là. https://t.co/g1vpazwdDT
— Dialogai Genève (@Dialogai) January 22, 2021
On en parle depuis 20 ans dans les associations lgbt et c’est connu de tous. Pas trop d’intérêt de reprendre maintenant, 3 ans plus tard, une cause qui n’a guère évoluée même après un #meetoo
Il est question d’éducation, de parole libre, et ça, on l’a déjà (suffit de voir Twitter, Instagram etc)
Ce hashtag sortir aussi vite qu’il est apparu de la vue et ne changera rien. Il faut des campagnes de prévention, des espaces de discussion et de l’écoute de professionnels (pas de demi pro qui réfutent dès que ça touche un mec)