LGBTIQ+, qui dit mieux?
Dans une tribune du «Boston Globe», la journaliste EJ Graff se penche sur les acronymes «mal fichus» qui désignent notre communauté. «Peut mieux faire», estime-t-elle.
C’est une expérience assez pénible d’entendre prononcer laborieusement l’acronyme «LGBTIQ+» au micro de la radio ou de la télé, ou sur les podiums. À l’occasion de la Geneva Pride de cet été, on a vu ainsi des présentateurs, à bout de souffle, hacher cette nouvelle désignation certifiée 100% inclusive. Dans le «Boston Globe», la journaliste EJ Graff, éditrice des pages débat The Monkey Cage du «Washington Post», se penche sur cette inflation lexicale, qui se manifeste aussi de l’autre côté de l’Atlantique. «Les lettres se bousculent comme les pendulaires sur un quai de gare à l’heure de pointe», constate-t-elle en préambule
Rewind. La communauté était autrefois (il y a longtemps), désignée par le terme «homosexuelle», puis «gay», «gay et lesbienne», «LGBT». L’ajout de «queer» à la liste, dans les années 2000, a marqué l’arrivée d’une génération refusant une identité sexuelle fixe. Elle coïncidait avec l’avènement des blogs et réseaux sociaux, qui ont bientôt promu quantité de nouvelles catégories: «A» pour «agenre», «N» pour «non-binaire», «P» pour «pansexuel», un autre «Q» pour «question», etc. Et le signe «+» pour (tenter) d’en rester là, ironise l’auteure.
Pour EJ Graff, cette agrégation indéfinie de termes est, en quelque sorte, un bon signe: celui des succès enregistrés ces dernières décennies par le mouvement LGBT. «Il y avait une époque, rappelle-t-elle, où personne ne voulait s’identifier avec nous à moins d’y être forcé. Cela a changé à mesure que le monde devenait plus sûr pour les personnes d’orientation sexuelle et de genre différents.» Et de citer pour preuve une étude de mai 2018 où 16% des 18-24 ans dans l’État du Massachusetts se reconnaissent comme «lesbienne, gay, bi ou quelque chose d’autre». Manifestement les jeunes Américains (mais cela est aussi probablement vrai des jeunes Suisses), sont plus enclins que jamais à reconnaître leurs propres attractions et désirs et de les associer à la nébuleuse LGBT. À condition que ce soit dans une palette large de catégories.
Expériences superposées
Or, poursuit EJ Graff, «le fait de se détailler toujours plus finement nous dessert, de manière interne comme externe. Cela encourage à se focaliser sur un soi mouvant plutôt que sur ce qui est commun dans la communauté.» En cela, le problème des LGBTIQ+ ne se distingue pas foncièrement de celui d’autres catégories sociales: femmes, handicapés, Juifs, classe ouvrière… «Toutes ces abstractions sont comme de grands sacs. Si on les regarde avec attention, ils se dissolvent en un million de petites particules privées. Chaque humain est unique en son genre, dans la manière qu’il s’accorde à ses différentes tribus. Nos catégories ne sont pas faites de la même réalité que celles qui permettent de différencier génétiquement le chimpanzé de l’orque; ce sont des manières de parler d’expériences qui se superposent.»
Peut-être faut-il simplement repartir de zéro, et sortir de cette imprononçable «boîte noire» LGBTQ, suggère EJ Graff, pour adopter un nouveau terme. La journaliste a confiance en la jeune génération pour le trouver. Ses faveurs vont à QT, combinaison de «queer» et de «trans», termes qui mettent tout deux en avant une variation par rapport à la norme. À l’oral, cet acronyme a l’avantage de produire un très camp «cutie» («mignon»)… «C’est simple et festif, soutenons ce terme-là! Même si LGBTQ est bien parti pour rester notre désignation formelle pour encore un certain temps… Mais j’espère vraiment que QT se diffusera. Parce que, mes chéri·e·s, cutie est exactement ce que l’on a toujours été.»
» L’article en anglais: «The gangly LGBTQ+ acronym came from a good place. But we can do better»