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Violette Morris, de la championne à l’espionne

Violette Morris, de la championne à l’espionne

On la surnommait «la hyène de la Gestap’». Avant d’être à la solde des nazis sous la France de Vichy, l’athlète française Violette Morris, ouvertement lesbienne, a multiplié les exploits sportifs. Une BD tente de cerner ce personnage.

«À abattre par tous moyens». Selon la légende, ces quelques mots télégraphiés depuis Londres auraient constitué l’arrêt de mort de Violette Morris. L’espionne est décédée le 26 avril 1944, à l’âge de 51 ans, sous les balles d’un groupe de résistants. Sa voiture a été prise pour cible sur une petite route de Normandie, avec à son bord une famille de collabos qu’elle conduisait en lieu sûr. Les circonstances de sa mort restent nimbées de mystère, tout comme son parcours de vie.

Car avant de devenir celle que l’historien français Raymond Ruffin, le premier à s’être intéressé à son cas, surnommait avec dédain la «hyène de la Gestap’», Violette Morris a d’abord été une légende du sport.

Distance nécessaire
La bande dessinée «Violette Morris, à abattre par tous moyens», dont le premier tome est paru à l’automne dernier, tente de faire la lumière sur la vie mouvementée de cette athlète devenue collabo dans la France de Vichy. Elle est basée sur les recherches rigoureuses de l’historienne et militante lesbienne Marie-Jo Bonnet, qui signe le passionnant dossier historique accompagnant la BD.

Les auteurs, Bertrand Galic et Kris, et le dessinateur Javi Rey ont eu l’idée lumineuse de créer une narratrice fictionnelle, ancienne camarade de classe de la sportive devenue détective privée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, manière pour eux de garder la distance nécessaire vis-à-vis du personnage principal. Sa collaboration avec le régime de Vichy et les nazis est en effet clairement attestée, même si, faute de documents personnels, on ignore tout de ses motivations.

«Violette Morris. À abattre par tous moyens», Javi Rey, Bertrand Galic, Kris, Marie-Jo Bonnet, éditions Futuropolis.

Marie-Jo Bonnet fait l’hypothèse que cette femme hors normes, qui voulait vivre comme un homme à une époque qui le lui refusait, et qui était elle-même d’origine juive, serait passée de la lumière à l’ombre par pur opportunisme. Elle aurait trouvé dans ce rôle d’espionne le moyen de conserver sa farouche indépendance et de continuer à assouvir sa passion de l’automobile.

«La fable de la gestapiste lesbienne vient à point recouvrir les ‘dommages collatéraux’ de la Résistance»

Sans chercher à lui trouver des circonstances atténuantes, l’historienne voit d’ailleurs en elle le «bouc émissaire idéal», comme elle l’écrit dans «Violette Morris, histoire d’une scandaleuse»: «D’une certaine façon, l’histoire de Violette Morris dévoile les dessous de cette époque, et peut-être plus encore le refus d’assumer la responsabilité de notre pays dans l’abominable histoire des années noires. La fable de la gestapiste lesbienne vient à point recouvrir les ‘dommages collatéraux’ de la Résistance afin d’éviter de se poser des questions gênantes.»

«Une force de la nature»
C’est au couvent de l’Assomption, en Belgique wallonne, que cette jeune de fille de bonne famille, petite-fille de général et fille de capitaine de cavalerie, se découvre une passion pour le sport. «À seize ans, Violette mesure 1,66m pèse 74 kilos, avec un tour de cou de 40 cm. Elle est déjà une force de la nature et démontre un certain goût de l’effort», écrit Marie-Jo Bonnet. Elle se distingue dans toutes les disciplines sportives. Et n’a de cesse de vouloir se mesurer aux hommes. Elle choisit la boxe et les affronte sur le ring. Idem pour la natation: elle est la seule femme à concourir au Championnat de France de grand fond en nage libre, en 1913.

Course à pied, waterpolo, football, lancer de javelot… Violette s’essaie à tout et excelle dans tout. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, elle devient estafette motocycliste pour la Croix-Rouge. La même année, elle épouse Cyprien Gouraud, fils d’un industriel français – un mariage arrangé, comme c’est encore l’usage à l’époque. Envoyé sur le front au service automobile, son mari l’initie à la conduite automobile lors de ses permissions. À l’aise au volant, ivre de vitesse, Violette Morris ne tarde pas à se faire embaucher comme ambulancière sur le front. Tout en poursuivant sa carrière d’athlète en parallèle. Elle devient licenciée à Fémina Sport, le tout premier club de sport féminin français, créé en 1909, au sein duquel elle multiplie les exploits sportifs.

Costume cravate
Après la grande guerre, durant laquelle ses parents décèdent, la sportive décide de vivre à sa façon. Elle ne porte dès lors plus que le costume cravate. Et se fait rapidement un nom dans la course automobile, alignant les victoires. Mais son look masculin n’est pas du goût de la Fédération féminine sportive de France, qui lui retire sa licence en 1928. Violette Morris intente un procès, qu’elle perd. L’année suivante, chose très rare pour l’époque, elle décide de se livrer à une mastectomie (ablation des seins).

Obligée d’abandonner le sport de haut niveau, elle se lance alors dans une carrière dans le music hall, et fréquente assidûment les clubs lesbiens parisiens. Et quand la Seconde Guerre mondiale éclate et que la France est occupée par les nazis, elle change à nouveau son fusil d’épaule, avec les conséquences qu’on connaît…

» À lire:
«Violette Morris. À abattre par tous moyens. Tome 1: Première comparution», Javi Rey, Bertrand Galic, Kris, Marie-Jo Bonnet, éditions Futuropolis, 2018, 72 p.
«Violette Morris, histoire d’une scandaleuse», Marie-Jo Bonnet, éditions Perrin, 2011, 384 p.