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Tête chercheuse

Tête chercheuse
Caroline Dayer, photo: Irina Popa

Caroline Dayer est une référence sur les questions d’égalité, de genre et de discrimination. portrait sensible d’une personnalité qui navigue avec brio dans des zones de hautes turbulences.

Son sourire est son meilleur bouclier et sa parole – construite, sonore et précise – son arme la plus efficace. Rien de guerrier pourtant dans la jeune femme détendue et radieuse attablée dans le parc des Bastions où elle nous a donné rendez-vous. Mais lorsqu’il est question des violences directes et indirectes visant encore trop souvent les personnes LGBTIQ, ou des arguments de plus ou moins mauvaise foi qui pleuvent pour justifier toute forme d’inégalité, ce tempérament paisible et rieur fait preuve d’une combativité sans faille.

A 38 ans, Caroline Dayer, docteure et chercheuse, formatrice et consultante, auteure de nombreux livres et articles scientifique est une personnalité emblématique de la communauté LGBTIQ romande voire francophone. Elle est surtout une référence sur les questions d’égalité, de genre et de discrimination (sexisme, racisme, homophobie, etc.), et intervient très fréquemment sur ces thématiques, notamment dans les contextes scolaires et professionnels. Une expertise qui lui vaut d’être souvent sollicitée par les médias et conséquemment de se retrouver régulièrement en première ligne. D’autres l’ont éprouvé avant elle: toute tentative de démontrer ce qui dans nos systèmes de pensée hiérarchise et stigmatise les individus soulève aussitôt de violentes controverses et entraîne rapidement au-delà du champ académique. Essayez pour voir de placer «hétérosexisme» ou «mariage pour tous et toutes» dans une conversation. Remuez un peu, et constatez que décidément certains termes sont à eux tous seuls des pétards politiques.

Force et conviction
On ne tient pas dans ces zones de turbulences idéologiques sans une conviction chevillée au corps. D’ailleurs d’autres lâchent, font profil bas. Elle non. Sa détermination impressionne. En avril dernier, sur les ondes de la RTS, elle ferraille avec brio face à Oskar Freysinger, chef du département valaisan de la Formation et de la Sécurité. Objet du débat: l’annulation d’un atelier sur les injures sexistes et homophobes par le directeur du Collège des Creusets à Sion, alors même que les inscriptions étaient nombreuses. Au conseiller d’Etat UDC qui s’enlise entre foi chrétienne et inutilité des psychologues, elle répond homophobie institutionnelle et adolescence en danger. Un argumentaire clair et précis qui fait mouche.

Les messages de félicitations arrivent de toute part, elle s’en réjouit mais ne s’y attarde pas. La route est longue, le travail colossal. Comme une énième piqûre de rappel, ce débat rejoint ce qui a fondé son engagement. Le collège des Creusets, elle y a fait sa scolarité, passé sa matu, et ce Valais, conservateur jusqu’à l’intransigeance, c’est le carcan dont elle a dû s’affranchir.

L’événement, qui va tout désaccorder
Flashback. Un beau village, Hérémence, des parents aimants, soutenants, qui l’élèvent de façon égalitaire avec son frère qu’elle adore. Caroline a la foi, fait beaucoup de sport, réussit à l’école. Voilà pour les accords majeurs. A l’adolescence, premières fausses notes. Il y a ces garçons avec qui elle s’entend bien mais qui ne l’attirent pas, son père si gentil mais qui est alcoolique, sa mère bien-aimée qui travaille mais porte de surcroît tout le ménage. Des bémols dont elle ne saisit pas encore l’ampleur. Jusqu’à l’événement, qui va tout désaccorder. A 17 ans, elle croise une jeune fille qui ose s’affirmer ouvertement lesbienne. La rencontre lui ouvre les yeux. Et le cœur. Elle tombe amoureuse. Tout s’explique… et se complique.

La joie de comprendre a force d’éblouissement. Regarder enfin sa propre vérité dans les yeux, c’est magnifique et redoutable. Mais en Valais on excommunie pour bien moins que ça. Elle fait l’expérience de l’invisibilité rageante, du mensonge obligé, et entre en rupture avec les dogmes religieux qui nomment péché ce qu’elle sait être amour. Elle découvre la violence des transactions permanentes pour maintenir les apparences. Jusqu’à ce jour de 2001 où, lors de la première pride à Sion, un article d’une hostilité absolue dans «Le Nouvelliste» sera le déclencheur. Trop d’injustice lui donne parfois tous les courages. Elle tient ça de sa mère, dit-elle en souriant. Toujours est-il qu’avec d’autres amies «dans le placard», Caroline va affronter tête haute la rue, la peur, les insultes et les réprobations. C’est inoubliable, bouleversant, festif et fraternel. «Pour la première fois je me suis sentie libre d’être moi-même et en même temps visible. Tout un jour durant. C’était très puissant de rompre le silence ensemble.» Et inimaginable de revenir en arrière. Ce coming out collectif va souder sa «famille de cœur» qui s’est encore élargie depuis. Il va surtout inspirer son mémoire «De l’injure à la gay pride».

«Plus jeunes, nous aurions tellement voulu voir dans le journal valaisan l’image de deux filles heureuses de s’aimer. Alors on l’a fait»

Sa publication, en 2005, coïncide avec les votations fédérales sur le partenariat enregistré. Une journaliste du «Nouvelliste» propose d’écrire un article de fond sur les enjeux de cette loi, et lui demande d’être photographiée avec sa compagne d’alors. Elles hésitent. Cette visibilité ne va-t-elle pas leur porter préjudice? La solidarité l’emporte, «plus jeunes, nous aurions tellement voulu voir dans le journal valaisan l’image de deux filles heureuses de s’aimer. Alors on l’a fait.»

Pour ses études, elle avait déjà mis le cap sur Genève qui est désormais «sa» ville. Elle y élargit son cercle amical, rencontre des femmes plus âgées, inspirantes, féministes, militantes, artistes aussi bien qu’universitaires qui lui ouvrent de nouveaux horizons, «c’est vital les modèles, pour prendre confiance en soi, oser s’affirmer». En 2009 son père meurt, elle soutient brillamment sa thèse et prépare un séjour professionnel à Paris. Une année charnière, éprouvante, un tourbillon d’émotions, dont elle sortira grandie, apaisée.

Projets
Aujourd’hui? De retour de vacances, elle profite du lac et de la belle terrasse du nouvel appartement où elle vit avec sa compagne. Mais le farniente ne dure jamais longtemps pour cette travailleuse acharnée. Au programme déjà des conférences, des interventions de terrain, des formations à créer mais aussi des coordinations de projets, des vidéos pédagogiques et des guides professionnels. Et puis là tout de suite, l’écriture de son prochain ouvrage aux éditions de l’Aube, dont la parution est prévue pour le 8 mars 2017. Il traitera de la prévention des violences et donnera des pistes d’action. «J’ai envie de proposer un outil pratique au style accessible, pour œuvrer en amont et ne pas se retrouver sans cesse en réaction». Un répit sans doute de courte durée en regard des prochaines votations fédérales sur l’égalité des droits qui risquent de la rappeler rapidement sur le front..

Il n’y a pas que la recherche

Gourmande, elle aime les bons restaurants et se rend volontiers au Café des Sources dans la rue du même nom pour sa cuisine du terroir, savoureuse, et son service chaleureux. elle va régulièrement au café-librairie Livresse tout proche, pour un apéritif prolongé. «J’adore son atmosphère, son cadre. et j’en profite pour acheter ou commander des livres.» Au jeu des trois adresses, elle a envie de citer la Salle Pitoëff, à la rue de Carouge. «Que ce soit en tant que participante ou parfois en tant qu’organisatrice, j’aime énormément ce lieu de fête, de culture et de rassemblement. Avec ses beaux espaces, sa salle de théâtre et sa grande terrasse, c’est un endroit très attachant.».