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«C’est haram de changer le sexe qu’Allah lui a donné!»

Un talk-show s’est attaqué au tabou trans en Tunisie, mais il a surtout révélé les préjugés et la discrimination qui frappent cette population et l’ensemble des LGBT dans le pays. Des associations veulent y mettre fin.

«Je t’appelle Madame Leila ou Monsieur Jalel?» Pour la première fois, un transgenre a été invité sur un plateau de télévision en Tunisie. Jalel, appelé officiellement Leila, né avec un physique de femme mais qui se considère comme un homme, a témoigné dans le talk-show «Andi Mankolek» («J’ai quelque chose à te dire») de la chaîne arabophone privée Ettounsiya le 8 janvier dernier. L’émission, dans laquelle des anonymes font des déclarations à leurs proches, est l’une des plus regardées du petit pays nord-africain.

«Je me suis toujours senti comme un homme, a expliqué Jalel, crâne rasé, les yeux dissimulés derrière une paire de Ray-Ban Aviator. Je rejette ma féminité parce que je ne l’ai jamais sentie. Je ne l’ai jamais sentie parce que mon cerveau a été programmé pour être un homme.» Le jeune trans a eu recours à un traitement hormonal pour modifier son apparence et sa voix. Il aimerait effectuer une opération pour changer de sexe, mais la loi interdit de telles interventions pour des motifs psychiques. Sa famille le considère comme une femme.

Pas normal!
Sur internet, de nombreuses réactions à l’émission ont été marquées de rejet ou d’incompréhension. «C’est haram (illicite dans l’Islam, ndlr) de changer le sexe qu’Allah lui a donné !», a commenté un internaute sur Youtube, où la vidéo a été vue plus de 140’000 fois. «Vraiment, c’est étonnant !», a réagi quelqu’un sur la page Facebook du talk-show. «Elle mérite une gifle pour se réveiller, pas normal !», juge encore une facebookeuse. D’autres ont adressé leur soutien: «La pauvre ça doit être dur pour elle», «bravo» ou «la transsexualité ou l’homosexualité sont des sujets tabous en Tunisie mais restent toujours une réalité ! Merci Mr Ala (le présentateur Alaa Chebbi, ndlr)», lit-on sur Facebook.

Les transgenres, comme l’ensemble des LGBT, sont fortement discriminés en Tunisie. Ils ne jouissent d’aucune reconnaissance et n’ont pas les mêmes droits que les hétérosexuels. La sodomie est condamnable de trois ans d’emprisonnement et l’«outrage public à la pudeur» ainsi que l’«atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole» sont punissables de six mois de prison et d’une amende. L’homophobie est répandue et le travestisme généralement mal perçu. Le poids de la religion y est pour beaucoup, dans un pays où la quasi-totalité de la population est de confession musulmane. Durant l’émission avec Jalel, l’ancien grand mufti (théoricien et interprète du droit canonique musulman) de Tunisie, Othman Battikh, a annoncé que les changements de sexe étaient défendus dans l’Islam, mais que des «opérations correctives» étaient possibles en cas de dérèglements hormonaux avérés.

Les journalistes tunisiens délaissent ces questions ou les traitent de manière orientée. Fin décembre, le présentateur d’«Andi Mankolek» Alaa Chebbi, qui officie également sur la radio Cap FM, a consacré une émission à l’homosexualité intitulée «L’homosexualité et les raisons de sa propagation», lors de laquelle un imam a déclaré que les gays devaient être tués au regard de la loi islamique. La révolution de 2011, qui a fait chuter le régime du dictateur Ben Ali, n’a rien changé dans ce domaine-là.

Marginalisation
Les trans se retrouvent marginalisés et affrontent les insultes au quotidien. «Il n’est pas rare qu’ils se fassent exclure de leur famille et se retrouvent à la rue, raconte un membre de Kelmty («Ma parole»), un groupe de soutien aux LGBT créé en 2011. Comme ils ont souvent des problèmes avec leurs papiers, trouver un travail est difficile, surtout s’ils n’ont pas de diplôme. Certains se tournent vers la prostitution.» Une activité illégale en Tunisie, sauf dans quelques endroits encadrés par l’Etat. «Malgré tout, il y en a qui s’en tirent. Ils vivent leur vie, sortent, ont leur cercle d’amis.» Bien qu’il émette des réserves sur la forme, l’activiste de Kelmty juge positif le passage de Jalel dans «Andi Mankolek»: «Alaa Chebbi cherche le buzz, son objectif n’est pas de traiter le problème. Mais l’essentiel, c’est d’aborder le sujet, peu importe comment.» Un avis que partage Yadh Krandel, président de l’association Shams («Soleil»), récemment créée, l’autre principal collectif d’appui aux LGBT en Tunisie: «Même si les réactions à l’émission n’ont pas été très bonnes, il est important d’ouvrir le débat.» Il dit avoir été surpris par le nombre élevé de commentaires négatifs venant d’homosexuels: «Certains craignent d’être associés aux transsexuels et que la cause gay en pâtisse. Je ne suis pas d’accord. C’est le même combat.»

Lutte pour la dépénalisation
En plus de chercher, comme Kelmty, à provoquer le débat autour des LGBT, Shams vise l’abolition des lois du code pénal qui les affectent, en particulier l’article 230 qui interdit la sodomie et l’article 226 qui punit les atteintes à la pudeur, aux mœurs et à la morale. «Nous voulons montrer que ces articles contredisent la Constitution, qui stipule que les citoyens et les citoyennes sont égaux, mais également les conventions internationales ratifiées par la Tunisie, comme le Pacte international relatif aux droits civiles et politiques», indique l’avocat de l’association. Il relate un cas où un transsexuel a été condamné à six mois de prison pour s’être habillé en femme en 2013.

Reste à savoir si ces revendications trouveront un écho auprès du gouvernement – pas encore constitué – issu des élections législative et présidentielle de la fin de l’année dernière, qui ont vu le parti séculier Nidaa Tounes l’emporter devant les islamistes d’Ennahdha. D’autant que le pays fait face à des problèmes urgents sur les fronts de l’économie et de l’extrémisme. Dans l’immédiat, Shams veut contacter Jalel pour l’aider à réaliser son opération, qui devra donc en principe se faire à l’étranger. Afin qu’un jour, peut-être, plus personne n’hésite ente «Monsieur» et «Madame».

2 thoughts on “«C’est haram de changer le sexe qu’Allah lui a donné!»

  1. Vu les circonstances (article sur les personnes transidentitaire voire transsexuées), il serait adéquat d’employer le langage épicène (marque de féminin après un mot masculin, articulé par un trait d’union, un point médian · , etc).

  2. « Il relate un cas où un transsexuel a été condamné à six mois de prison pour s’être… »
    On parle des transsexuels dans leur genre d arrivée, il aurait donc fallu écrire « une transexuelle « . Merci pour votre article, mais s il vos plait, commencez par bien nommer les personnes dont vous parlez, de sorte à ne pas contribuer vous mêmes à l ignorance et à la confusion….

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