©larissa_fuerderer
Lausanne
#Humour

Edwin Ramirez

ven 26 avril - dim 28 avril
Lausanne
#non mixte

Zeus

sam 4 mai, 21:00
Lausanne
#places à gagner

The Armed

mer 5 juin, 19:30
Neuchâtel

Rainbow Warriors Tour

ven 3 mai, 22:00

De la peur à l’abandon du «safe sex»?

Première communauté frappée, les homosexuels américains sont aussi les premiers à avoir pris leurs distances par rapport aux normes de prévention et de protection. Un revirement qui oblige les associations de lutte contre le Sida à repenser constamment leur action.

GRID. C’est ainsi qu’en 1981, au début de l’épidémie, lorsque, démunis, les médecins de San Francisco, New York et Los Angeles voient se multiplier les cas de sarcomes de Kaposi et de pneumocystis carinii – une affection pulmonaire rare – que la maladie est désignée. GRID pour «gay-related immune deficiency». Si l’acronyme n’est utilisé que pendant quelques mois, le stigmate, lui, s’installe immédiatement: une maladie d’homosexuel. Et les gays l’ont tout de suite compris. Premiers touchés par le VIH (identifié en 1984), ils sont aussi les premiers à réagir. Un à deux ans déjà après le début de l’épidémie, associations d’aide et hotlines sont nombreuses aux Etats-Unis.

Mais les années 1980 sont celles de la peur et de la tristesse. La communauté gay porte le deuil d’amis, d’amants, de connaissances. De l’injustice et de la discrimination aussi. En 1985, la moitié des Américains prônent une quarantaine forcée pour les porteurs du VIH, 15% de la population veut tatouer les individus contaminés. Peu après, le Département américain de la Justice juge qu’il est légal de licencier toute personne soupçonnée d’être infectée.

Redéfinition
1996. Lors de la 11ème Conférence Internationale sur le SIDA, les scientifiques présentent la trithérapie. Le SIDA est alors redéfini. De mortel, il devient maladie chronique.
Caractérisées par l’espoir que permettent les avancées médicales, les années 1990 sont, aux Etats-Unis, pourtant aussi celles qui marquent le début d’une étrange évolution. En effet, si le taux de survie des malades bondit grâce à la trithérapie, les nouvelles infections, à San Francisco notamment, progressent elles aussi. Comme si la vigilance se relâchait. Comme si la maladie ne faisait plus peur, donnait l’illusion d’être domptée. Le barebacking devient alors une pratique que certains prônent ouvertement, à l’image de l’acteur Scott O’Hara qui, en 1995 déjà, affirme publiquement qu’il est lassé du port de préservatif et commente qu’il «ne ressent aucun besoin d’encourager les séronégatifs à le rester».
«Le SIDA est devenu invisible. A tel point qu’on oublie le danger, même si chaque jour il fait de nouvelles victimes, explique le docteur Judy Auerbach, de la Foundation for Aids Research. Les entreprises pharmaceutiques qui commercialisent les trithérapies participent aussi à donner une fausse image de la maladie, en montrant des patients qui réalisent toutes sortes de performances sportives.»
«La pratique du safe sex, du préservatif à chaque rapport, n’est plus une réalité», observe Jason Riggs, du STOP AIDS Project de San Francisco. A tel point d’ailleurs que l’absence de protection est parfois présentée comme glamour, sexy, tentante. Comme dans l’édition de février 1999 du magazine POZ, dans laquelle Tony Valenzuela, acteur séropositif, photographié nu sur un cheval noir monté à cru, se fait l’avocat du barebacking. «A Ride on the Wilde Side», titre alors la publication, qui regroupe les témoignages de barebackers tentés ou convaincus et laisse entendre qu’en parallèle du safe sex s’est développé une forme de «contre-culture». «Il y a même des gays de la jeune génération qui s’imaginent qu’attraper le VIH est une forme de rite de passage pour faire partie de la communauté», déplore Jason Riggs.

Le VIH comme signe de distinction
Mais l’attrait que certains sont prêts à attribuer à la maladie peut aller plus loin encore. Ainsi le VIH est quelquefois défini comme une qualité à même de valoriser l’individu porteur. Comme si la lutte pour dédramatiser le stigmate s’était, de façon presque perverse, renversée, faisant du virus un attribut désirable. Bien qu’étrange, cette forme de «romantisation» d’une maladie n’est pourtant pas un phénomène nouveau. Au 19ème siècle, par exemple, la tuberculose était, elle aussi, parfois associée à un signe de distinction («un signe de raffinement», pour l’historien Mark Caldwell). Et c’est apparemment dans cette même logique que, dans une lettre ouverte publiée dans The Advocate en juillet de l’année dernière, le journaliste controversé Andrew Sullivan, séropositif, affirme que «le VIH a fait de lui un écrivain plus courageux (…), a amélioré sa sexualité et approfondi sa spiritualité».
De quoi agacer à la fois les adeptes du safe sex et les responsables d’organismes de prévention, qui ont pourtant dû s’adapter, revoir leur stratégie et le contenu de leur message.
«Indépendamment des nouvelles tendances comme le barebacking, nous nous sommes rendu compte que le port du préservatif à chaque rapport n’était attendu d’aucun groupe social, à l’exception des homosexuels», observe pour sa part Judy Auerbach. Ainsi, si l’exaltation du barebacking ou cette tendance absurde, qui promeut le VIH comme le garant d’un sentiment d’appartenance, restent des formes de cultures parallèles propres à une minorité, elles ne témoignent pas moins d’une nouvelle réalité. «Les gens se sont lassés des campagnes de prévention, la peur s’est dissipée. Nous ne pouvons plus présenter le préservatif comme l’unique solution», explique Jason Riggs. Aussi la prévention se concentre-t-elle désormais sur la promotion de pratiques moins risquées. Celles dites de «harm reduction». Limiter les dégâts en quelque sorte. Et apprendre à travailler sur deux messages a priori paradoxaux: «vivre avec le SIDA est possible» et «le SIDA est toujours dangereux». Parce que la maladie tue toujours. En 2004, plus de 17 000 hommes gays ou bisexuels ont été contaminés aux Etats-Unis. La même année, près de 16 000 personnes, toutes catégories confondues, ont succombé à la maladie. En 2006 quelque 40 000 individus seront infectés aux Etats-Unis.

Retour à une «maladie gay»?

Pour rappeler aux gays californiens l’augmentation rapide des nouvelles infections le «LA Gay and Lesbian Center» n’y est pas allé par quatre chemins pour sa campagne de septembre dernier: «Le VIH est une maladie gay. Elle est à vous. A vous d’y mettre un terme.» Prenant le contre-pied du politiquement correct pour raviver délibérément les mauvais souvenirs du début de la pandémie, la campagne a créé la controverse parmi les acteurs de prévention locaux qui redoutent une stigmatisation des gays et une déresponsabilisation des hétéros.

The Foundation for Aids Research
STOP AIDS Project
San Francisco Aids Foundation
www.ownitendit.org