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Journées mondiales: Les saints changent de job

Pauvre Saint Pascal: ce 17 mai, il prendra sur ses épaules les grandes causes de la télécommunication et de la lutte contre l'homophobie. L'occasion d'un tour du calendrier moderne des bonnes intentions.

Vous regardez votre agenda. Vous regardez cette ingénieuse subdivision de notre calendrier grégorien en 365 jours, le temps que met la Terre à faire le tour du Soleil. Vous le regardez sans cesse cet immuable compteur, le seul à même de mesurer l’écoulement inexorable de notre vie, mais aussi de poser nos vacances, d’effectuer nos payements à date régulière et de fixer nos rendez-vous chez le dentiste. Sur papier ou sur écran, le calendrier règne toujours sans partage sur la maîtrise de notre espace-temps et sa possible harmonie avec celui de nos congénères. A l’heure où plus que jamais toutes les territorialités réelles et symboliques ne cessent d’être modifiées, contestées, abolies ou divisées, le calendrier reste un sanctuaire intouchable, seul lieu absolument commun, en tout cas probablement le seul capable de réussir à nous rassembler tous, à coup sûr, au même moment et sans contestation aucune.

On ne crée pas un espace aussi extraordinaire sans qu’il ne fasse l’objet de puissantes convoitises. La chrétienté, qui contribua à l’établir, s’empressa aussitôt de l’occuper. Une légion de saints et saintes fut envoyée sur ces terres quotidiennes, et c’est ainsi que chaque jour s’est trouvé consacré à la célébration de l’un ou l’autre de ces ambassadeurs de la bonne parole, qui en échange offraient – et offrent encore – aide et protection. Chaque jour de l’année est ainsi devenu une «fête», au point que certaines dates se confondent avec leur patron, comme la Saint Sylvestre, désormais synonyme de 31 décembre, la Saint-Valentin qui tient commerce amoureux le 14 février, ou les saints de glace, Mamert, Pancrace et Servais, formant passage obligé de la mi-mai (ne les y cherchez pas, jugés trop animistes, ils se cachent désormais derrière les plus consensuels Estelle, Achille et Rolande). Mais pas facile de caser la pléthore de canonisés. En y regardant de plus près, le saint du jour en masque presque toujours plusieurs autres, selon une logique inconnue. Ainsi l’obscur Emile, invoqué de façon confidentielle contre les hernies, tient l’affiche du 22 mai, alors même que ce jour-là est pourtant celui d’une sainte bien plus célèbre, la toujours très sollicitée sainte Rita, patronne vintage des causes perdues.

A la Saint-Gaston, pas de téléphon
Laïcisation et multiculturalisme de la société oblige, l’éclat de ces stars du calendrier a pourtant bien un peu pâli. Pour autant la ritualisation des jours n’a pas disparu, elle a muté. La société civile n’a en rien renoncé à la force incantatoire consistant à lier des dates et des causes, au contraire. Si elle s’est débarrassé des intercesseurs, elle a largement récupéré la force rassembleuse de l’éphéméride en y ajoutant sa strate moderne: les Journées mondiales. Oui la tendance est lourde, depuis une vingtaine d’années les Journées internationales consacrées à des problématiques plus ou moins graves envahissent les agendas, se télescopant parfois jusqu’à l’absurde comme ce 15 octobre, tout à la fois Journée mondiale du lavage des mains, de la canne blanche, des paysannes et de la toxicomanie. Le tout sans aucun ménagement pour la sainte du jour, Thérèse, traditionnellement invoquée pour les affections pulmonaires et qui se serait pourtant bien vue veiller sur la Journée mondiale de la tuberculose, placée le 24 mars. L’inventeur de la Journée sans téléphone mobile a choisi sciemment le 6 février, en raison de la chanson de Nino Ferrer, mais il ignorait sans doute que ce saint Gaston était traditionnellement invoqué pour soigner les migraines.

Si certaines sont très sérieuses, validées par les Nations Unies ou des ONG, il en figure aussi des fantaisistes, comme la Journée internationale des câlins du 21 janvier, de la blague le 1er avril, ou de la serviette de bain, le 22 mai. Une égalité de traitement discutable avec certaines autres, qui comme la Journée internationale des femmes du 8 mars, témoignent d’un combat historique, sérieux, durable. Pendant ce temps on a casé la journée dédiée aux violences faites aux femmes le jour de la Sainte- Catherine, patronne des jeunes filles, qui selon l’usage populaire coiffent la statue de leur sainte si à 25 ans elles sont encore célibataires…

256 «journées mondiales» sur 365
La liste est longue. Mais s’il n’y a pas un jour sans saints, il reste encore quelques Journées libres. Au vu de la tendance (246 journées recensées à l’heure actuelle), cela ne saurait durer. Après le temps de la prière, voici donc venu celui de la pétition et de la manif, au risque peut-être de la banalisation, mais avec un appel louable à la solidarité de tous autour des problèmes de quelques-uns. D’ailleurs si le 17 mai, la Journée mondiale contre l’homophobie ne vous a pas échappé – c’est aussi celle des Télécommunications – peut-être aurez-vous zappé le 11 octobre (fête de saint Firmin, jadis invoqué par les rhumatisants), qui est désormais voué au coming-out? Aujourd’hui comme hier, le bonheur est dans le calendrier.