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Maisons de retraite: les homos débarquent!

Maisons de retraite: les homos débarquent!

La première génération de gays et de lesbiennes qui a osé faire son coming out arrive à l'automne de sa vie. Enquête sur les préoccupations de ces retraités qui peinent à se faire entendre.

Verres de rouge et rigolades, l’ambiance est à la fête dans les bureaux de l’association 360. En ce jeudi soir, les «Tamalou» passent un moment ensemble. Animé par François Thierry, ce groupe d’une vingtaine de gays, dont le plus âgé a fêté ses 82 ans, se voit chaque mois. Comme tout le monde, ils espèrent entrer en EMS le plus tard possible. Mais eux craignent cette transition encore plus que les hétérosexuels. «On n’a pas eu d’enfants et les liens avec notre famille sont souvent compliqués. Nous sommes seuls, et donc à la merci de n’importe qui!» lance l’un d’entre eux, approuvé par les autres. Ils sont d’autant plus vulnérables qu’en Suisse, il n’existe aucune loi contre l’homophobie et que «les aides-soignants viennent parfois de pays où l’homosexualité est très mal vue», souligne un des «Tamalou».

Le retour au placard?
A leur entrée en EMS, les homosexuels ont le choix entre afficher leurs préférences et risquer la méfiance voire l’hostilité, ou se taire. Coming out ou placard, les avis sont partagés. Certains en ont assez de devoir «dire qu’on est gay pour tout et n’importe quoi. On ne va quand même pas faire notre coming out tous les jours!» Pour d’autres au contraire, se taire serait frustrant, alors qu’ils ont milité toute leur vie. «D’accord, on est une minorité, on doit s’adapter, mais après tout ce qu’on a vécu, c’est quand même la meilleure de vouloir se fondre dans le paysage!», souligne l’un d’eux. La situation n’est pas plus rose pour les femmes. «Je parie qu’aucun directeur d’EMS ne vous dira qu’il accueille des lesbiennes», raconte Eliane Blanc, qui a longtemps milité. En effet, lors de la bonne dizaine de téléphones effectués dans des établissements médicaux-sociaux de Suisse romande, personne n’a indiqué avoir des patients gays, et la question a offusqué plus d’un responsable d’établissement. «J’ai soixante-six ans et la plupart des femmes de mon âge ont vécu dans le silence toute leur vie. Ce n’est pas en maison de retraite qu’elles feront leur coming out!», souligne Eliane Blanc.

Silence, solitude, discrimination…
Le tableau n’est pas rose. Passer sa retraite dans un EMS gay friendly, voire réservé aux gays, est-ce une solution? «Ce qu’il faudrait, c’est une fondation dirigée par des femmes intéressées par des projets innovants concernant les lesbiennes qui vieillissent comme tout le monde et qui aient les moyens de les mener à bien», dit-elle. Pour l’instant, la société n’en est qu’au stade d’imaginer des formes de vie commune entre familles et personnes âgées. Il est probable que les homosexuels devront encore attendre. Et avoir du personnel gay en EMS? «Les employés risquent des problèmes s’ils affichent leur orientation sexuelle», objecte Eliane Blanc. Du côté des «Tamalou», l’idée d’un EMS gay ne fait pas l’unanimité. S’enfermer dans un ghetto? Non, merci! D’autres estiment que le ghetto, ils l’ont vécu toute leur vie: pas de raison que ça change à la retraite. Froid dans l’assistance lorsqu’un des «Tamalou» raconte que les rares hommes qui atterrissent en maison de retraite se font harceler par les vieilles dames.

Avenir incertain
A tout cela s’ajoute encore un problème générationnel. Passés les septante ans, certains ont envie de laisser la place aux jeunes, pour qu’ils se mobilisent eux aussi pour les plus âgés. Mais il y a déjà tant à faire pour faire reconnaître les droits des homosexuels dans la vie active que la militance en faveur du troisième âge est encore très peu développée. Face à cette indifférence, les «Tamalou» veulent renforcer leur réseau de retraités pour pouvoir s’entraider. Eliane Blanc a, quant à elle, pensé à créer une groupe qui s’appellerait les panthères gris-rose. «Nous nous battrions pour des sujets qui nous touchent directement et maintenant» précise-t-elle. Personne ne sait encore comment les problèmes liés à l’homophobie et au vieillissement seront résolus. Ce qui est certain en revanche, c’est que les appréhensions sont bien là. Eliane Blanc les résume en une phrase: «L’idée de quitter ma compagne pour partager une chambre avec une vieille dame homophobe m’est totalement insupportable!»

Lily Vogel, 82 ans

Lily Vogel

«Alors Madame, que faisait votre mari?»

Lorsqu’à 25 ans, Lily Vogel entame sa vie amoureuse, une chape de plomb pèse sur les relations homosexuelles. «A l’époque, j’avais des amies lesbiennes mais personne ne parlait de rien. Il fallait être très discrète.» Au travail, elle n’en parle jamais. «J’ai récemment appris que depuis quarante-cinq ans, certains savent que je suis lesbienne mais ne me l’ont jamais dit!», sourit-elle. Elle fait «toujours face à tout», travaille en librairie puis ouvre un bar lesbien à Genève. «Je ne pouvais pas exclure les hommes car la loi l’interdisait, mais ils n’étaient pas bien servis, je peux vous l’assurer», raconte-t-elle. Militante jusqu’au bout des ongles, elle reste très active dans le milieu lesbien jusqu’à ce qu’un cancer la force à ralentir le rythme.

Lily Vogel a alors septante ans, et aucune envie de tout lâcher. «Cela ne fait que cinq ou six mois que je ne sors plus», dit-elle, et elle voit peu d’amies lesbiennes de son âge. «Quand elles sont en couple, les femmes ne mettent généralement plus le nez dehors. C’est peut-être la raison pour laquelle j’en vois si peu.» Et puis, beaucoup de ses amies sont décédées. «C’est une grande souffrance de voir mourir celles qui nous ont accompagnées toute notre vie», dit-elle, le regard grave. Elle qui s’est tellement battue ne voit pas très bien pourquoi le fait d’être lesbienne devrait lui poser problème maintenant. «Je suis moi, je ne me cache pas, mais je ne comprends pas pourquoi je devrais annoncer mes préférences partout où je vais!», lance-t-elle. Ce qui l’ennuie en revanche, ce sont les bavardages entre voisines. «On me demande: alors madame Vogel, votre mari est mort? Qu’est-ce qu’il faisait? Et vos enfants? Je ne dis pas souvent toute la vérité. Refaire mon coming out en permanence, ça m’ennuie.» Tout ce problème d’âge et d’homosexualité ne semble finalement pas trop la toucher. Ce qui la préoccupe, en revanche, c’est de mourir après Nicotine, la petite chienne de sa compagne décédée depuis peu. «Je n’aimerais pas la laisser seule.»

Pierre Biner, 72 ans

Pierre Biner

«Faudra-t-il que les nouveaux venus s’inventent des vies hétéros pour avoir la paix?»

En couple depuis trente-deux ans, ce militant de longue date concède qu’il a eu de la chance. «Si on est seul, vieillir est plus difficile. Mon ami et moi, nous nous voyons évoluer jour après jour. J’ai beaucoup batifolé avant de «reconnaître» mon partenaire. Les gays sont souvent esclaves du mythe de la jeunesse. Visconti en a filmé la caricature dans «Mort à Venise»: le maquillage coule sur le visage du vieil admirateur mourant qui voit disparaître l’adolescent blond». Alors, comment s’y prendre? «Certains gays âgés font du tourisme sexuel généralement tarifé, en Asie surtout, là où la vieillesse est moins stigmatisée. Mais le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous, comme le montre «La mauvaise vie» de Frédéric Mitterrand.

On observera que chez les hétéros, le jeunisme est aussi bien présent. Mais quand ils entrent en EMS, ils ont un vécu qu’ils peuvent partager. «On va voir très bientôt en EMS des gays et des lesbiennes de la première génération jamais sortie du placard. Pourront-ils raconter leur vie sans subir l’ostracisme de pensionnaires souvent prisonniers de préjugés? L’idée même des amours homosexuelles leur paraît souvent répugnante. Faudra-t-il que les nouveaux venus s’inventent des vies hétéros pour avoir la paix, et retournent dans leur placard?», s’interroge Pierre Biner. «Créer des EMS urbains en mélangeant les âges et les préférences sexuelles, avec un encadrement hyperattentif et ouvert, apporterait une solution. Pour autant que direction et personnel, quelquefois issus de cultures et de religions peu tolérantes sur le plan des mœurs, apprennent à dépasser les idées toutes faites.» La solution américaine des «gated communities» pour les hommes gays, avec son caractère de ghetto pour riches, coupé de toute agglomération, et son interdiction du mélange des générations, est ressentie par lui comme un cauchemar absolu. «Maintenir le contact avec les hétéros et les générations plus jeunes, vivre dans le présent, est essentiel», conclut-il.

Homes pour homos

Un peu partout en Europe, des initiatives fleurissent pour que la retraite des homos se passe au mieux.

Pour l’instant, elles ne rencontrent pas beaucoup de succès. En France, sur plus de dix mille maisons de retraite, on n’en recense aucune qui soit officiellement gay-friendly. Les collectifs comme les «Gais retraités» dont le slogan est: «Nous ne battrons pas en retraite» essayent de faire bouger les choses, mais se heurtent à l’incompréhension des partenaires potentiels. En Belgique, une maison de repos appelée «Johanna» était en projet à Schoten, près d’Anvers. Seul hic: le prix du séjour de 33 000 euros, c’est-à-dire plus du double des séjours habituels! Depuis, elle s’est largement ouverte aux hétérosexuels. Les homos n’auraient-ils pas mordu à l’hameçon? Même problème de prix en Espagne, où l’on vante les mérites d’une maison de retraite ouverte dans la commune de Torremolinos dans la province de Malaga. Ladite maison de retraite est en réalité une résidence de propriétaires qui compte un centre social, une assistance médicalisée et un espace commun de rencontres. Le confort qui est offert fait grimper les prix: un appartement coûte ainsi entre 130’000 et 312’000 euros.

Amis gays qui n’êtes pas millionnaires, ne vous découragez pas: émigrez à Berlin! C’est en effet dans la capitale allemande que ce genre d’initiatives rencontre le plus de succès. Ainsi, une maison de retraite gay-friendly berlinoise appelée la «Maison de la diversité» doit ouvrir ses portes en 2012. Près de 180 personnes ont déjà réservé leur place dans l’établissement. Pour éviter la ghettoïsation Bernd Geiser, l’initiateur du projet, a prévu quelques logements pour les familles et 24 appartements réservés en priorité aux homosexuels.

Quant aux femmes, lesbiennes ou non, elles peuvent se réfugier dans l’habitat communautaire Beginenhof, qui existe depuis 2007 à Berlin et qui regroupe des appartements individuels à l’extérieur desquels chacune peut organiser des activités avec ses voisines. Toujours à Berlin, la maison de retraite Asta-Nielsen compte depuis août 2006 un étage réservé aux personnes homosexuelles, avec cinq chambres doubles pour pouvoir y vivre avec sa compagne ou son compagnon. Berlin pourrait ainsi devenir la capitale des roses retraites?

One thought on “Maisons de retraite: les homos débarquent!

  1. J’ai 61 ans, je travaille comme technicien en informatique dans l’hopital de Chateaubriant. Les maisons de retraite, je connais pour avoir à y aller très souvent pour des problèmes informatiques. Là, mon homosexualité est connue depuis le début de mon arrivée car je l’ai dite à tout le monde dès le début.
    Le problème invoqué ci-dessus pour l’arrivée des gays et lesbiennes en maison de retraite peut-être abordé plus sereinement je pense. Le personnel qui y travaille est pour la très grande part relativement jeune, et par la nature de leur travail, la tolérence ne doit pas poser de problème. Quand un membre du personnel hospitalier ne peut comprendre certaines choses, il est vite convenu qu’il n’a pas sa place dans un établissement de soins.
    Maintenant, il est certainement exact que le personnel n’a pas été préparé à cette échéance. On peut craindre certainement de la maladresse, mais à mon avis pas du harcèlement. Contrairement à ce que je lis ci-dessus, les associations gays et lesbiennes ont un champ d’action très possible dans ces lieux de vie. Des prises de contact devraient être tentés avec l’encadrement de ces lieux et proposer pourquoi pas des formations. Le personnel est habituéz aux formations successives. Apprendre à prendre en compte nos orientation sexuelle et nos peines comme nos joies n’est pas hors de leur portée. Donc il y a là un chantier à entreprendre. Mais il ne devrait pas être plus difficle qu’un autre, peut-être même plus facile.
    Quand à l’attitude des résidents des maisons de retraites, je vous assure, qu’il y a bien d’autres sujets qui peuvent les préoccuper. Pour ceux qui sont hélas atteints dans leurs capacité d’esprit, la question ne se posera pas en termes difficiles. Quand à ceux qui ont « leur tête » coome on dit mais on des problèmes de mobilité ou d’autonomie, avec l’aide du personnel formé, ils peuvent vite apprendre les règles du savoir vivre envers tout le monde.
    Je suis convaincu qu’une action dans ce domaine, aiderait grandement l’acceptation sociale de l’orientation sexuelle dans toute la société et interpellerait positivement les citoyens. Donc voyons les choses plutôt avec optimisme si nous avons le désire de passer à l’action.

    Cordialement à tous.

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