Goûtez à mes pommes rouges!

Quel est le point commun entre Steve Jobs, les Beatles, Blanche Neige et Guillaume Tell ? Un fruit, banal à en crever, pourtant défendu. Parole d’Eve.

Elle n’a pas l’exotisme de l’ananas ou la saveur du melon. Encore moins la douceur et la sensualité d’une pêche. A mourir d’ennui parmi les autres fruits disposés sur les étals du marché, la pomme – agaçante représentante de la bonne santé et ambassadrice de publicité pour dentifrice – a tout juste le droit à l’indifférence lorsqu’elle n’est pas transformée en compote. Et encore. La platitude de son éclat commence par son nom, «pomme», qui vient du latin pomum et signifie «fruit». C’est donc ça, l’épouvantable et inexorable pépin du fruit générique. Pourtant, depuis la nuit des temps, la réputation de cette parente pauvre de la poire est sulfureuse. C’est bien là tout son paradoxe. Pour commencer, si Eve n’avait pas désobéi à Dieu en goûtant au fruit défendu avant d’en filer une croque à Adam, le monde ressemblerait à une vaste comédie musicale où le printemps serait éternel. Dur à avaler pour ceux qui y croient. A portée de tous, la pomme cache bien le jeu de son redoutable marketing. Sa spécialité ? Les relations dangereuses. Nombreux sont celles et ceux à avoir succombé à sa tentation. Et l’orgueilleuse ne se contente pas de seconds rôles.

Gueule de logo
Cette idiote de Blanche Neige n’a donc rien appris d’Eve lorsqu’elle croqua dans la pomme rouge que la méchante sorcière lui tendait. Plus près de chez nous, notre héros national Guillaume Tell fit preuve d’un sang froid et d’une précision toute helvétique lorsqu’il visa à l’arbalète la pomme posée sur la tête de son fiston. Avant qu’Apple ne hisse son logo à la pomme croquée au rang des über-logos, tels que Coca-Cola ou Nike, les Beatles avaient eux aussi choisi la pomme comme emblème.

La querelle qui opposa les Fab Four à Steve Jobs pour savoir à qui le fruit appartenait valut un des procès les plus médiatisés du début des années 2000, avant que le litige ne soit réglé en 2007. Et justement, orphelins de leur gourou multimédia, des milliers d’internautes exorcisaient leur iChagrin en réinventant la pomme d’Apple en guise d’hommage à Steve Jobs à l’annonce de son décès le 5 octobre 2011. De là à dire que le secret des grandes mythologies est aussi simple qu’une tarte aux pommes…