Souvenirs d’homos sous les drapeaux
L'Université de Berne recherche des témoins et victimes de discriminations homophobes au sein de l'armée suisse depuis 1942, pour une enquête inédite menée à la demande du Conseil fédéral.
Que se passe-t-il sur les places d’armes, dans les casernes et au fond des bunkers pour les personnes queer? On imagine aisément que ce petit monde essentiellement masculin en vert-de-gris n’a jamais été particulièrement commode à vivre pour les minorités sexuelles et de genre. Cela d’autant plus que, d’après le Code pénal militaire, les actes homosexuels sont restés punissables jusqu’en 1992, soit cinquante après la dépénalisation de l’homosexualité dans le civil en Suisse.
En 2022, le Conseil fédéral, suivant un postulat de Priska Seiler Graf (PS/ZH), a reconnu le besoin de dresser un état des lieux des injustices commises dans ce cadre au cours des dernières décennies. L’armée a ainsi commandé un rapport scientifique indépendant au Centre interdisciplinaire en études genre (IZFG) de l’Université de Berne. C’est une démarche inédite en Suisse, qui s’inspire de travaux entrepris en Allemagne.
Récits à collecter
Un appel a été lancé pour collecter des témoignages autour de l’homosexualité dans l’armée suisse depuis 1942. Propos désobligeants, harcèlement, actes de violence, discrimination lors du recrutement ou encore refus d’avancement… ces récits – qu’ils viennent de victimes ou de témoins – viendront compléter l’enquête menée dans les archives et auprès des institutions. «Notre objectif est de fournir une image aussi fidèle et complète que possible des relations entre l’armée et l’homosexualité, précise l’équipe de recherche. Les témoignages de personnes homosexuelles qui n’ont vécu aucune expérience négative lors de leur service militaire nous intéressent donc également.»
Ce travail de mémoire pourrait aussi avoir des conséquences très concrètes, puisque la questions des réparations est également sur la table du gouvernement. Tous les témoignages, informations et documents seront traités dans la plus stricte confidentialité et feront l’objet d’une anonymisation dans le rapport final, assurent les chercheur·e·x·s.