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Du sexe tarifé pour tous·tes·x

Du sexe tarifé pour tous·tes·x

360° a échangé avec deux personnes qui offrent du sexe tarifé pour les femmes / les personnes à vulve. En deuxième partie, une quinzaine d'entre elles nous partagent leurs impressions vis-à-vis du travail du sexe

Quand on demande à Yumie de se définir, le jeune femme nous parle de son activité de travailleuse du sexe (TdS). Âgée de 28 ans, cis et pansexuelle, elle exerce ce métier depuis neuf ans. Avril de son côté a 26 ans. Iel est  une personne pansexuelle assignée femme à la naissance qui a été formée en assistance sexuelle par l’association Corps Solidaires. Avril offre depuis un an et demi des prestations sexuelles tarifées de type girlfriend expérience et domination. Interview croisée de ces deux professionnelles du désir.

Selon vous, quelles sont les qualités d’un·e TdS?
Avril: Ce métier requiert flexibilité et inventivité, il n’y a pas de formation de pute. Il s’agit d’identifier en très peu de temps comment se déploie une partie de l’intimité d’un·e inconnu·e tout en la faisant coïncider avec ses propres envies et limites. Être TdS, c’est aussi faire preuve des qualités d’organisation propres au statut d’indépendant·e·x (comptabilité, gestion du temps, fidélisation d’une clientèle). Il faut aussi être capable de conscientiser, de gérer et surtout de ne pas minimiser les effets de la stigmatisation.
Yumie: Je rejoins Avril. Les TdS ont souvent des problèmes de santé mentale liés au stigma touchant leur métier. Pour l’exercer, il faut, idéalement, aimer l’humain, être ouvert·e·x, disponible à l’autre et pouvoir le ou la comprendre dans sa façon d’être et ses désirs. Les échanges sont parfois très tendres, réconfortants et sécurisants, ce n’est pas toujours que du sexe. Il est également nécessaire de savoir créer et maintenir une excitation, saisir les désirs non dits pour, si cela est souhaité, amener à la jouissance. C’est un travail qui demande de la psychologie, la sexualité étant souvent un prétexte pour avoir accès à d’autres parts de soi. Autre qualité indispensable, savoir performer des stéréotypes de genre. Les client·e·x·s ont des désirs et des fantasmes qui correspondent à des normes culturelles. C’est la raison pour laquelle certain·e·x·s travailleur·euse·x·s queers exprimant une identité de genre fluide ont moins de sollicitations. Il faut saisir ce que notre physique permet comme fantasmes tout en y ajoutant notre propre personnalité.

Pourquoi est-il important de proposer du sexe tarifé aux femmes et aux personnes ayant une vulve?
Yumie: En étant pan, j’ai du plaisir à avoir des relations sexuelles avec toute personne, quels que soient son genre et son anatomie. Proposer du sexe tarifé aux femmes est une posture militante. La sexualité est construite par et pour les mecs cis. Pour moi, le travail du sexe doit pouvoir donner un accès à la sexualité à tous·tes·x, y compris les femmes / les personnes à vulve.
Avril: De mon côté, il me paraît important de donner un espace aux personnes à vulve pour explorer la sexualité sans pression. Cet espace peut également parfois permettre résilience et reconstruction.

Comment expliquer le fait qu’il y ait peu de demandes de la part des femmes/personnes ayant une vulve?
Yumie: Au-delà du tabou lié aux TdS, les femmes ne s’interrogent pas forcément sur leurs besoins sexuels. Elles sont plus habituées à répondre à ceux des autres qu’à dépenser de l’argent pour elles-mêmes. Je travaille surtout avec des couples. Les femmes seules sont plus intéressées par les massages, qui sont perçus comme quelque chose de doux qui peut éventuellement être sexuel. Je reçois aussi beaucoup de mails de personnes intéressées qui n’osent pas aller plus loin.
Certaines clientes ont peur que je simule et d’autres craignent que leur corps suscite du dégoût. C’est pourquoi mon travail consiste à les rassurer pour qu’elles puissent avoir confiance en elles et donner de la légitimité à leurs ressentis.
Avril: Oui, le manque de représentation des réalités diverses du TdS mène à l’ignorance de prestations hors des scripts hétéronormés. Ce travail est malheureusement perçu comme une réponse à un besoin qui serait uniquement primaire et impulsif.

Des pratiques à enrichir

360° a également recueilli l’avis de quinze femmes / personnes à vulve s’identifiant comme bi, pan ou lesbiennes sur le sujet.

Marie* et Martha* sont en couple et ont déjà eu recours ensemble à une travailleuse du sexe qu’elles ont rencontrée par le biais de leur réseau dans le domaine du positive sex [ndlr: courant féministe qui considère la sexualité comme un terrain d’émancipation pour les personnes à vulve]. Il était important pour elles que ce soit payé, car «la tarification donne du pouvoir aux TdS et montre aux hommes que ce n’est pas un dû». En outre, elles précisent que «le paiement définit le début et la fin du mandat, qui est purement professionnel, et il permet un moment uniquement sexuel sans attentes ultérieures (gratitude, perpétuation du lien, etc.)». Elles retirent un bilan positif de l’expérience: «Ça nous a beaucoup rapproché et ça a enrichi nos pratiques.»

Isabelle* indique, de son côté, avoir déjà eu avec son partenaire une interaction tarifée avec une TdS. Il s’agissait d’une séance BDSM. «Il est assez clair que cette TdS voyait énormément de pénis et très peu de vulves, et je trouve que ça se ressentait un peu. Dans un contexte BDSM, ce n’était pas trop grave, car le génital a peu de place. Mais dans une relation “vanille” (sexe non BDSM), j’aurais besoin de sentir que la personne connaît le corps des personnes avec vulve, qu’elle l’aime, qu’elle a du plaisir à interagir avec.»

Les douze autres personnes interrogées n’ont, a contrario, jamais payé pour avoir du sexe. Plus de la moitié ignorent que certain·e·s TdS offrent des prestations pour les personnes à vulve. Toutes soulignent unanimement qu’il est important que cette offre existe car elle permet «une égalité vis-à-vis des hommes». Nombre d’entre elles expliquent le peu de demande de la part des personnes à vulve en raison des revenus. La socialisation jouerait également un rôle d’après certaines: «Le droit au sexe ne fait pas partie des infos transmises lors de l’éducation ni de l’initiation de la femme», note une des personnes interrogées. La plupart d’entre elles n’ont pas envie ou n’oseraient jamais avoir recours à du sexe tarifé. Elles disent «préférer se débrouiller seule» ou «ne pas vouloir payer une personne pour avoir une relation sexuelle».

Deux personnes indiquent qu’elles n’en éprouvent pas le besoin pour le moment, mais que ce pourrait être une option si elles avaient du mal à trouver des partenaires ou si elles avaient envie d’expérimenter des pratiques ou fantasmes particuliers. L’une des deux précise qu’elle serait intéressée par «un moment pendant lequel la TdS prend soin de moi et qui me permet d’en apprendre plus sur mes besoins, mon plaisir et mes envies, chose que je n’ai pas l’habitude de faire».

* prénoms d’emprunt