Jour de Fierté à Fribourg
Cet après-midi, à Fribourg, c’était le défilé de la Pride. Une Pride très suisse, toute en retenue, qui a connu un franc succès.
Janine, 81 ans, est assise sous un abribus et assiste, avec son mari, au défilé de la Pride. Elle est un brin déçue: «Je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus exubérant. On n’a même pas été choqué.» Il y a un peu de vrai dans les propos de la Fribourgeoise, il se dégageait de la grand-messe annuelle LGBTIQA un petit côté policé, très Suisse. Pourtant, c’était réussi.
Latex or not latex
Il y avait certes des drapeaux arc-en-ciel, quelques pieds d’homme en talon aiguille, des confettis et des cotillons, quelques corps dénudés qui se déhanchent sur des airs électroniques, mais il y avait surtout une masse anonyme, souriante, comment dire… normale. C’est peut-être très bien comme ça: «On est comme tout le monde. Le latex, tous les excès, ça nous dessert et je trouve que ça ne devrait pas faire partie du cortège», lance Patrice, 44 ans, qui défile avec son drapeau valaisan. Non loin de lui, Fanny Bürcher, présidente d’Alpagai, partage elle aussi cet avis: «L’excentricité dessert toujours la cause. Les gens risquent de ne voir que ça et de penser qu’on est tous des pervers.»
Ces mots s’adressaient spécialement aux «puppies» qui s’ébrouaient à quelques mètres devant eux (et auxquels «Le Matin» a consacré un article vendredi). Masques canins, tenues de latex, ils attiraient tous les regards et tous les objectifs. Phil, un Zurichois de 42 ans, faisait partie de la meute. Le «maître» se justifie: «Nous présentons le fétichisme sous une forme fun, plus à même d’être accepté par la société. Je ne vois pas pourquoi on nierait que la sexualité fait partie de l’homosexualité.» Pour lui, être là dans cette tenue, c’est œuvrer pour la tolérance, «faire en sorte que la société accepte tous les types de sexualité.»
Les organisateurs de cette quinzième Pride romande en avaient fait un mot d’ordre: cette fête est un vecteur, à chacun d’amener son propre combat. Mariage, adoption, filiation automatique, lutte contre toutes les formes de discrimination, tous les thèmes chers à la communauté étaient représentés, avec tout de même, une emphase sur les questions de genre et la situation des personnes trans*. Marianne de Uthemann, responsable du groupe trans* de l’association 360, notamment, lors de son passage sur l’estrade, s’insurgeait qu’au sein même de la communauté, des discriminations avaient toujours cours. Elle invitait tous les participants à communiquer entre eux et à lutter ensemble. «La question trans* est transversale dans la communauté, c’est l’affaire de tous», a également rappelé Annick Ecuyer, co-présidente de Pro aequalitate.
Lutter par la visibilité
Et tout le monde a marché ensemble, homo ou pas, trans* ou pas, exubérants ou anodin. Et c’était beau à voir. «Je trouve ce défilé coloré et génial», lance Anne, une Fribourgeoise de 38 ans qui assiste à l’événement en badaud. Devant ses yeux, on voit passer Jehanne, une femme bisexuelle de 37 ans, accompagnée de son enfant de 4 ans. «Amener mon fils c’était important, pour qu’il comprenne très vite l’importance de l’égalité des droits», explique-t-elle. Comment lui a-t-elle expliqué le but de ce rassemblement? «Je lui ai dit qu’on marchait pour dire que deux hommes ou deux femmes avaient le droit de s’aimer, que c’était normal et beau.»
Et dans le fond, c’est ça qui compte, non? Peu importe si la Pride est exubérante ou banale, agitée ou calme, débordante ou policée. Parmi les personnes qui défilaient nombre affirmaient le plaisir qu’elle avait à être là. «Aujourd’hui, j’ai le droit d’être comme je veux, je me sens normale», lance Christelle 31 ans. Beaucoup de jeunes gens aussi, comme Antoine, 16 ans, partagent cet enthousiasme: «Quand je suis ici, je remarque que je ne suis pas seul.» Et cette visibilité est essentielle, non seulement pour les personnes présentes, mais pour celles qui n’osent ou ne peuvent pas l’être, comme l’explique Phil, le «maître»: «On montre à tous qu’on n’a pas à avoir peur d’être qui on est. C’est un message envoyé aux jeunes gens qui se découvrent une attirance sexuelle qui s’écarte de la norme. On a le droit d’être fier, peu importe ce qu’on est.»
Les organisateurs ont réussi leur pari, qu’ils en soient félicités. La Fête se poursuit encore ce soir et demain, n’hésitez pas à y venir, en t-shirt, en talon, ou en latex, peu importe. Seul le sourire est exigé.
Fréquentation en hausse
Le défilé a réuni près de 5000 personnes, sensiblement plus que l’édition de 2013, selon les organisateurs. La police cantonale a estimé la nombre des manifestants à 3000. La cinquantaine de représentants de la congrégation fondamentaliste Fraternité Saint Pie X ont été superbement ignorés par la parade, à moins qu’ils ne soient passés totalement inaperçus. Il faut dire qu’ils avaient été placés à une vingtaine de mètres du parcours du défilé. En 2017, la Pride romande sera nationale: elle s’offrira un petit détour à Berne, le dernier week-end d’août.F.T.
J’ai assisté à cette Pride. Bien que le temps ne fut pas au rendez-vous, l’ambiance a été agréable avec un village plutôt tranquille par-rapport à l’année 2013 mais donnant l’occasion aux personnes qui n’aiment pas trop l’agitation une autre manière d’apprécier l’événement.
En ce qui concerne les puppies, je ne suis pas adepte du fétichisme mais j’ai beaucoup apprécié; j’ai trouvé les costumes, en particulier les masques très beaux. Ils sont bizarres et alors ? Qui n’a jamais eu au cours de sa vie un fantasme un peu étrange ? Qui voudrait vivre dans un monde où tout serait normalisé ? N’y a-t-il pas dans les jeux vidéo, les films, les séries, les livres et autres oeuvres des personnages étranges ? Seraient-ils intéressants si ce n’était pas le cas ? N’est-ce pas grâce à cela que nous aimons en discuter sur des forums ou autour d’une table ?