«Lorsqu’on entreprend une transition, on n’a plus le choix d’être visible ou non»
Vivre son orientation sexuelle sur son lieu de travail est encore difficile en Suisse. Mais qu’en est-il des personnes transgenres ou en transition? Dès vendredi, les Assises sur la diversité au travail décrypteront ces enjeux et proposeront des solutions.
Le quotidien professionnel des personnes LGBT est compliqué. C’est la conclusion d’études récentes en France et au Canada, et probablement celles, à venir, de l’étude suisse «Être LGBT au travail» réalisée par l’Institut des études genre de l’Université de Genève, en partenariat avec la Fédération genevoise des associations LGBT.
Faire son coming-out au travail implique en effet encore trop souvent d’avoir à faire face à de l’homophobie et/ou de la transphobie qui se manifestent à travers des insultes, des stagnations de poste, des pertes de responsabilités, du mobbing, voire des licenciements. Ainsi, selon le climat professionnel qui les entoure, «face à la peur d’être discriminé-e-s ou face aux discriminations, les employé-e-s LGBT adaptent leur identité et ne sont pas elles-mêmes ou eux-mêmes au travail», indique Delphine Roux, coordinatrice des assises.
Transphobie très frontale
Selon un sondage effectué en 2012 par Transgender Network Suisse, seule la moitié des personnes transgenres ont trouvé du soutien de leur hiérarchie lorsqu’ils et elles ont entrepris leur transition au sein de leur entreprise. 90% des personnes interrogées disent avoir été renvoyées au moins une fois dans le courant de leur carrière, sous des prétextes divers de leur hiérarchie. «Les discriminations touchent malheureusement toutes les lettres de LGBT. En étant LGB, on peut faire le choix – et on est parfois forcé de le faire selon le degré d’ouverture du milieu professionnel dans lequel on évolue – de ne pas être visible sur le lieu de travail. En revanche, lorsqu’une personne entreprend une transition, elle n’a plus le choix d’être visible ou non, ce qui suscite des manifestations de transphobie beaucoup plus frontales et plus courantes», commente Delphine Roux.
Ces assises, organisées les 28 et 29 novembre prochains, visent à répondre à ces enjeux différenciés selon si l’on est L, G, B ou T. Un atelier plus spécifique aux questions trans* étudiera aussi les problématiques liées à l’accompagnement d’une transition. Certains patrons ne veulent pas entendre parler de ces thématiques. D’autres entreprises en revanche sont plus à l’écoute des besoins de leur personnel mais se trouvent démunies. «Il s’agira, pendant cet atelier, de partager les bonnes pratiques qui existent en réfléchissant avec les employeurs et les employé-e-s et de montrer qu’elles sont simples à instaurer et qu’elles créent un climat de confiance et de bien-être», précise Delphine Roux.
«Nous avons planifié une stratégie conjointe où je reste le maître»
360° – Depuis combien de temps avez-vous entrepris une transition?
– Ma transition effective a commencé il y a deux mois. J’en ai déjà entrepris une il y a 20 ans que j’ai arrêtée au bout de 20 mois. J’ai toujours souhaité faire une transition mais plusieurs barrières m’ont freinée par le passé. Premièrement, mon travail où je n’étais pas sûre que je pouvais le faire sereinement mais aussi des raisons plus personnelles, notamment la relation avec ma compagne. Il fallait du temps pour me définir car je ne suis pas transexuelle, mais transgenre. Je me sens 70% femme et 30% homme. Je ne souhaite pas me faire opérer et je souhaite apparaître aussi bien en homme qu’en femme, selon mon envie, tout en étant corporellement plus féminine que masculin. Je retire beaucoup d’amour et de compréhension de mon couple, et l’acceptation et le soutien de ma hiérarchie dans mon activité publique m’ont ôté un grand poids.
– Avez-vous parlé de votre transition au travail?
– J’ai averti l’un de mes deux employeurs. Nous avons planifié une stratégie conjointe où je reste le maître. J’ai conscience que c’est un vrai cadeau. Je n’ai pas fait mon coming-out à tout le monde. Dans l’autre job, mes collègues sont au courant mais ce n’est pas le cas de mon patron. J’ai abordé la question de manière indirecte dans une discussion avec lui et cela semble beaucoup plus compliqué. Je ne sais pas s’il acceptera ma transition. Le cas échéant, je devrai malheureusement quitter l’entreprise. La transphobie s’exprime au quotidien dans les propos: avec mes collègues plus jeunes sortant des études et qui font des amalgames entre trans*, travestis, prostituées et objets de fantasme, avec beaucoup de bêtises et de préjugés. La transphobie s’exprime aussi dans la rue et dans la communauté LGBT du fait de ma position non-binaire. Mais il y a également une certaine bienveillance, notamment lorsque je me présente en fille alors que je ressemble encore à un garçon.
La diversité au travail: un enrichissement mutuel
28 et 29 novembre 2014 – Haute Ecole de Travail Social, Genève
Les Assises visent à définir les enjeux des questions LGBT au travail. PME, entreprises multinationales, institutions publiques, organisations internationales, syndicats et associations sont les bienvenues, ainsi que toute personne intéressée. Participation gratuite, inscription obligatoire et programme: www.diversite-au-travail.ch/