Fribourg: Sarigai s’aguerrit
L’une des plus associations LGBT les plus dynamiques de Romandie, Sarigai, fête ses 10 ans. L’occasion de revenir avec deux de ses fondateurs et son président actuel, sur les débuts d’une aventure qui continue de plus belle avec, à l’horizon 2007, une Pride de retour au bord de la Sarine.
C’est aux Grands-Places, sur ce site que dans le milieu gay fribourgeois on surnommait alors malicieusement «La Chapelle» que le rêve d’une association homo à Fribourg s’est tout doucement concrétisé. Aujourd’hui entre un chantier, un centre commercial et parking, le site est méconnaissable, mais Pierre, ex-trésorier de Sarigai, et Laurent, son premier président, se remémorent allègrement le lieu et ses épisodes mythiques: les nuits blanches, «la Gitane», les bouteilles de champagne à 4h du mat’… Pierre: «On se voyaient ici tous les jours – on y passait des soirées, voire des nuits entières. Evidemment, c’était au vu de tout le monde, et il y avait des gens qui n’auraient pas voulu y être vus.» Laurent: «On voulait surtout avoir enfin un lieu à nous… on voyait bien plutôt le petit local de rencontre où l’on pouvait venir discuter…»
Décloisonnement
Axé sur l’écoute, la prévention (initiée par Pascal, le troisième pilier du groupe) et l’accueil, Sarigai était dès le départ conçu comme un groupe décloisonné. «On ne voulait pas de sous-groupes!» confirme Pierre. «Par exemple, on pensait que les jeunes et les anciens pouvaient beaucoup s’apporter mutuellement. On a toujours fait des efforts pour que les jeunes ne se sentent pas ‘plaqués au mur’ lorsqu’ils venaient pour la première fois et pour les intégrer dans l’association. Et ça marchait!» Même chose en ce qui concerne les femmes, même si cela a été au départ plus difficile, comme le regrette Laurent: «Sarigai avait vraiment une volonté de le combler le fossé entre lesbiennes et gays, mais on fait on s’est aperçu que l’on n’y pouvait rien.»
De la part des médias, la réaction a été immédiate et très positive – un engouement toutefois pas facile à gérer, comme le concède Laurent: «On savait qu’en créant Sarigai, on ne pourrait pas garder l’anonymat très longtemps… les premiers temps c’était quand même difficile. On n’avait pas fait notre coming-out… ou à moitié! Finalement on le l’aura vraiment fait qu’à la Pride… » Et comment! ce jour de juillet 1999, tout Fribourg était dans les rues pour regarder passer la parade. «J’aurai toujours le souvenir d’être monté sur le char, d’avoir regardé la rue Saint-Pierre noire de monde et d’être redescendu immédiatement, en disant : Je ne monte pas sur ce truc! J’avais une appréhension de la réaction négative des gens!» Mais l’accueil fut extraordinaire: «Pour une ville que l’on croyait catholique, fermée et conservatrice – je crois que les autres cantons en ont pris pour leur grade! On s’était dit que les gens ne nous accepteraient jamais, mais moi je crois que la ville était déjà bien ouverte – une ville ouverte qui s’ignorait!»
Passer le témoin
Pierre, Pascal et Laurent n’ont jamais eu l’intention de faire de vieux os au comité de Sarigai, mais bien plutôt de passer le témoin à une nouvelle génération. Ce ne fut pas une mince affaire. Faute de relève, on passa même tout près d’une dissolution. Finalement, les rangs se sont resserrés, avec les campagnes de 2003-2004 sur l’inscription du partenariat dans la constitution fribourgeoise, puis l’année suivante, avec la LPart.
Désormais présidée par Gonzague Bochud, Sarigai sera aux premières loges de la prochaine Pride nationale. Celle-ci devrait amplement soutenir la comparaison avec les moments héroïques de 1999: «Il y aura d’énormes changements, puisqu’elle se déroulera en plein centre, dans le quartier de l’Auge, une partie historique de la Basse-Ville. La municipalité est coopérative – beaucoup plus qu’à Lausanne», précise Gonzague qui a aussi participé à l’organisation de la dernière Pride. L’été fribourgeois 2007 sera donc chaud, et naturellement Laurent et Pierre seront là pour donner le coup de main – Et après? Laurent s’exclame: «…Après Sarigai, la prochaine chose à créer ce sera ‘Fatigai’, une maison de retraite!»
Sarigai en bref…
Avec plus d’une centaine de membres, dont 20% de femmes, Sarigai est l’une des associations LGBT les plus dynamiques de Romandie – même si elle soigne son bilinguisme. Plusieurs soirées conviviales par mois, que ce soit dans son local tous les mardis ou dans des établissements gay-friendly du chef-lieu – notamment les karaokés endiablés à l’«Elvis et Moi». Côté prévention, Sarigai déploie des efforts depuis 10 ans – et ce quasiment sans aide publique. Une demande est en cours auprès de l’Aide suisse contre le sida, mais n’a toujours pas abouti. Reconnue d’utilité publique depuis 2004, Sarigai a aussi dernièrement adhéré au Réseau Bénévolat.
