Mais de qui se moque Mec’s magazine?
Depuis le mois de juin, le gratuit gay français «Mec’s» ne paraît plus en Suisse. Dommage, il y avait de quoi se poiler à lire certains articles piqués intégralement et bien maladroitement à d’autres titres…
Pour le dire franchement, 360° a beaucoup hésité. Fallait-il déposer plainte contre Mec’s magazine? En parcourant ce gratuit gay français, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que l’un de nos articles, publié dans nos éditions de septembre-octobre 2000 («Coming out: la galère des ados»), était repris mot pour mot dans le numéro de mars 2006, quasiment dans son intégralité et signé d’un certain «Gilles», inconnu au bataillon de nos rédacteurs. En regardant les méthodes de Mec’s d’un peu plus près, 360° a découvert que le plagiat est une pratique coutumière de ce magazine. Pour remplir ses pages, ce gratuit gay débarqué en Suisse romande à l’été 2005 viole sans vergogne le droit d’auteur: il pique à gauche et à droite, mais pas chez n’importe qui: chez psychologies.com, le site de l’un des magazines les plus lus de France (il faut oser!), chez doctissimo, un site de santé français très fréquenté, et auprès de bien d’autres producteurs de contenus rédactionnels. Le plus drôle, c’est que le contenu de Mec’s est censé reposer essentiellement sur des témoignages de gays et des conseils psy qui leur sont donnés. Or ces témoins gays sont parfois totalement fictifs et leurs récits, transposés de vécus hétérosexuels. C’est dire le sérieux des conseils donnés à ces homosexuels dans la tourmente… Ainsi le témoignage de «Laurent, 23 ans, du département 44», qui demande à Mec’s comment faire pour dire à l’un de ses collègues de travail avec lequel il a passé une nuit qu’il est amoureux de lui… Le pauvre, se dit-on. Problème: c’est en réalité une certaine Laurence qui pose cette question au conseiller psy du site aufeminin.com! Le plus amusant, c’est que dans son empressement à piquer des articles sur des sites féminins, le magazine oublie parfois de masculiniser certains accords… La grammaire et l’orthographe, d’ailleurs, ne sont pas vraiment le fort de ce titre.
Mec’s fait même parler les morts…
Mieux encore, Mec’s magazine ne semble pas toujours se rendre compte de la nature de ses sources. Ainsi «Gilles» choisit-il de signer sous son nom un article intitulé «Des repères pour les parents face à l’homosexualité de leur enfant», censé être une interview d’un certain «M.Xavier, psychologue». Loin d’être un article de conseils bienveillants, ce papier est en réalité l’œuvre d’un théologien moraliste nommé Xavier Thévenot. Tirés de la revue chrétienne Alliance, les soi-disant «conseils» de ce monsieur vont plutôt dans le sens de la guérison des homosexuels. A se demander si Mec’s relit ce qu’il pique… Mais que la direction du magazine se rassure: l’homme interviewé dans le numéro d’avril 2006 ne pourra pas déposer plainte: il est en effet décédé le 14 août 2004!
Selon le directeur de la publication, ces plagiats émanent d’un journaliste qui aurait piégé la rédaction: «Nous ne savions pas que ces contenus étaient volés», assure-t-il, même si la méthode paraît bien systématique. Et de présenter ses excuses en nous offrant un scoop au passage: «De toute façon, à partir de juin, nous avons arrêté la distribution en Suisse».
Pour 360°, l’affaire n’ira pas plus loin. Mais un commentaire s’impose encore: au-delà du fait que Mec’s magazine se fiche de son lectorat (et du même coup de ses annonceurs), cette affaire met aussi le doigt sur un aspect économique. Il est facile de casser ses prix publicitaires quand on vole le travail de journalistes payés par d’autres titres. Ces pillages de contenus rédactionnels qui permettent de pratiquer une concurrence déloyale sont un fléau de plus en plus répandu, notamment sur Internet. Que l’on s’entende bien: 360° est favorable à une saine émulation de la presse gay et accepte volontiers le jeu de la concurrence en Suisse romande et dans l’univers du Net. Mais nous refusons de jouer avec les tricheurs.
Illustration: Nicole Conus