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Pornographie d’un autre genre

Pornographie d’un autre genre

En 2013, le grand public découvrait sur la plateforme Netflix, Buck Angel, FtM non opéré, à travers l’intrépide documentaire biographique «Mr. Angel». Mise à nu.

Pas de membre démesuré pour Buck Angel. Son physique imposant et son allure tout droit sortie de l’une des bandes dessinées de Tom of Finland peut surprendre, particulièrement lorsque l’on apprend que ce dernier est l’heureux détenteur… d’un vagin. Ovni visuel du porno gay, l’homme trans* y a réalisé ses premiers pas. Rebaptisé au passage, «the man with a pussy», il a longtemps joué le rôle d’archétypes masculins tout en révélant avec un certain effet de surprise ses parties intimes. Faisant de lui en 2007 le seul FtM à avoir gagné le prestigieux titre de Transsexual Performer of the Year aux AVN Awards, l’équivalent des Oscars du porno. Fort de son succès, l’acteur pornographique ne comptait pas en rester là. Depuis 2011, de l’autre côté de la caméra, l’Américain quadragénaire expose à travers «Sexing the Transmen» l’histoire d’une sexualité encore taboue et sujette à controverse.

Du vagin à l’activisme
Réel self-made man à l’américaine, Buck Angel a survécu à une jeunesse tumultueuse mêlant drogue et alcool, pendant laquelle la menace d’un internement dans un hôpital psychiatrique était constante. Rescapé d’une génération où la thérapie de conversion voire le suicide étaient les seules issues envisageables pour ceux qui différaient de la norme, sa notoriété s’est avérée être un outil de pouvoir et d’émancipation pour la communauté trans*, particulièrement pour les hommes trans* (FtM) encore invisibles dans la pop culture, souffrant d’une asymétrie de visibilité. Aujourd’hui pleinement en phase avec son corps et conscient du pouvoir de son vagin, il tente de sensibiliser les plus jeunes à la question trans* grâce à sa participation à de nombreuses conférences et à son omniprésence sur les réseaux sociaux. L’activiste livre un message d’amour-propre et d’empowerment, affirmant que les organes génitaux ne définissent ni le genre ni la personne. Comme souvent dans les luttes LGBT*QI+, le privé et l’intime sont indissociables du public et du politique. En effet, l’ex porn star livre une ode au vagin qui continue de désorienter l’ordre patriarcal jusque dans ses sous-vêtements.

Tout comme la réalisatrice féministe Erika Lust, qui déclarait lors d’un Ted Talk que le porno est l’éducation sexuelle d’aujourd’hui, les jeunes en étant les principaux consommateurs, Buck Angel surfe sur le potentiel éducatif du divertissement érotique. Sexe et réflexion sont les maîtres-mots de «Sexing the Transmen» balayant d’un revers de main le caractère fatigué et phallocentré de la pornographie actuelle. Permettant aux jeunes de découvrir une image plus positive et non genrée des sexualités. En suivant la mouvance du porno-féministe, Buck Angel réalise un défi de taille, celui de donner un espace d’expression aux hommes trans* encore sous-représentés dans l’industrie du X. Face caméra, chaque épisode correspond à l’interview de différents FtM, exposant l’effet de la transition sur leur sexualité et sur leur corps, renouant ainsi avec un processus plus humanisant et respectueux, oublié par la pornographie mainstream. Véritable guide spirituel et sexuel, le cinéaste pionnier offre un voyage sensoriel de l’expression individuelle de l’identité. Intelligible, instructif et inspirant, Buck Angel dresse un portrait rare, authentique et orgasmique de la sexualité trans*.

18cm de domination
Pérenne, le sous-genre pornographique Shemale a régné en seul maître dans l’industrie du X, consolidant le stéréotype trans* d’une jeune femme à large poitrine et au pénis souverain. Ce terme péjoratif figure cependant dans le top 20 des catégories les plus vues sur Pornhub et est un fantasme de curiosité ayant pris racine. Dénoncé par Buck Angel, le problème réside dans le fait que ce qui est vendu en tant que porno trans* est en réalité uniquement du shemale porn. Il ne semble pas exister l’équivalent du terme shemale pour désigner un homme en transition qui investirait érotiquement sa vulve. Et cela car le pénis reste une arme de taille dans l’industrie du X, consolidant ainsi le mythe que la sexualité féminine est inexistante et subsidiaire à la sexualité masculine. La narration d’un film pour adultes ne s’organise jamais autour du désir de baiser ou d’être baisé, mais autour du désir d’éjaculer. C’est ce que traduit le money shot, scène d’éjaculation externe de l’homme, tristement centrale et semble-t-il, indispensable au film X. Il est explicitement question de contrôle, de soumission et de passivité du désir féminin.

Buck Angel revendique une réappropriation du vagin en le montrant à l’écran et en l’érigeant ainsi comme symbole de pouvoir. En explorant la sexualité de la perspective d’un FtM non opéré, il offre une narration alternative au porno traditionnel et au shemale porn. Son intervention dans le cadre même de la production de la pornographie permet le démantèlement de la pensée binaire et exclusive. Enfin un pornographe réinventant le genre tout en bousculant les genres.