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Misungui, l’esprit du chat sauvage

Entre hier et aujourd’hui, interview d’une féministe qui utilise le sexe comme outil politique.

Elle se nomme Misungui. Performeuse, modèle, jeune femme ayant grandi en Savoie, puis Parisienne durant quelques années, elle est maintenant sur les routes d’Europe avec son camion. Elle a fait un master en étude du genre, où elle a travaillé sur la pornographie. C’est au détour de photos d’elle postées derrière des liens anonymes, que l’univers politico-porno de Misungui se révèle à nous, mixant aussi bien le bondage que le cul à la papa, ainsi que des productions arty. Son univers est atypique, déconcertant.

360° – Comment en es-tu arrivée là?
Misungui – Durant mon master, j’ai pu rencontrer différentes actrices féministes, du mouvement queer, pro-sexe. En travaillant à leur côté, il m’a semblé naturel de passer de l’autre côté du miroir, ceci afin d’avoir une expérience concrète de ce que leur travail impliquait. J’avais déjà beaucoup écrit sur le sujet et j’avais l’impression de ne pas être lue. Au final ce n’était pas très utile, mes écrits restaient entre initiés. Pour toucher le plus grand monde, la performance, l’image en général, est bien plus efficace que l’écriture. Cela fait maintenant 3 ou 4 ans que j’utilise mon corps comme support pour véhiculer mes idées et j’ai de bons retours. Il n’est pas forcément évident que je suis féministe quand je me mets à poil, mais cela me permet d’entrer en communication directement avec les personnes que je veux voir changer d’avis sur les femmes. Effectivement en montrant mon cul, je touche les gens qui me voient comme un objet sexuel et ils font le premier pas pour me rencontrer. Il ne me reste qu’à les convaincre que mes arguments sont les bons et à faire évoluer le débat.

– Tu as des retours d’hommes et de femmes qui ont modifié leur façon de percevoir les femmes et ton travail?
– Beaucoup. Ça m’encourage vraiment. Sinon, j’aurais arrêté depuis longtemps. Cela me prend beaucoup de temps, d’énergie et de patience. Cela peut-être énervant, blessant aussi bien dans mon militantisme, mon féminisme ou ma condition. Je dois souvent radoter, répéter les mêmes arguments et défaire des prises de position rocambolesques, mais j’ai de bons retours. Des gens que j’ai vus évoluer au fil des débats ou des personnes qui m’envoient des messages pour me dire qu’ils ont changé d’avis.

– Quel est le retour que tu as de ton travail par les féministes «historiques»?
– Ce n’est pas évident, déjà à la fac quand j’ai voulu travailler sur la pornographie et sur le féminisme pro-sexe, le mouvement queer et la post-pornographie j’ai eu du mal à trouver quelqu’un qui voulait bien diriger mon mémoire. Il faut savoir qu’en master de genre les profs sont toutes féministes. Aujourd’hui, il y a une réticence à parler de sexualité par les actrices traditionnelles du féminisme, pourtant la plupart étaient du MLF (Mouvement de libération de la femme, ndlr) et parlaient de sexualités ouvertement.

– Pourquoi?
– Je ne sais pas trop, par exemple il y en a une avec qui j’ai discuté plus tard. Féministe, marxiste, en désaccord avec moi autant sur le plan politique (je suis plus anar que communiste) que sa forme de féminisme et qui ne comprenait pas à quel endroit la sexualité pouvait être un outil d’émancipation politique. Selon elle, les féministes queer ou pro-sexe se plantaient, leur travail étant anecdotique. Me voir travailler l’a fait changer d’avis. Je pense qu’il y a une crainte de ne pas être crédible aux yeux de la classe politique par le féminisme traditionnel. Comme elles ont besoin d’être prises au sérieux pour obtenir des droits, en matière d’équité salariale, par exemple, je suppose qu’elles se disent qu’il ne faut pas parler de sexualité pour que leur propos ne soit pas pris à la légère. C’est d’ailleurs ce que je trouve super intéressant. Est-ce que cela veut dire qu’une femme qui parle de sexualité n’est pas crédible, qu’une femme qui se met à poil ne peut pas être prise au sérieux? C’est toujours la même chose, pour atteindre un certain niveau de pouvoir, aussi bien les partis de gauche, d’extrême gauche et le féminisme pensent qu’ils doivent renier une partie de leurs revendications.

– Tu as des projets en cours?
– Oui j’ai été suivie pendant un an par Stephane Arnoux pour son film «Portrait d’une jeune femme» qui retrace ma dernière année à Paris, durant laquelle je suis performeuse/modèle et le moment où j’achète ce camion et où je pars pour découvrir des endroits autogéré. J’ai aussi fait plusieurs courts-métrages porno avec Sarah de Vicomte. Il y a une campagne Indiegogo pour soutenir le projet. Enfin, je vais tourner dans un film de Andromak Pequatre et Maria Beatty dont le personnage principal est un trans FtoM gay. C’est un film pornographique incluant des gays, des bi, des trans et, chose nouvelle, des hétéros.

» Pour aller plus loin: misungui.tumblr.com