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Carnets de campagne

Carnets de campagne

À quinze jours du vote tant attendu sur l'extension de la norme pénale antiraciste à l'orientation sexuelle, les partisans du «non» le 9 février semblent patiner dans leurs contradictions ou se terrer dans le silence.

Dans «La Liberté» et «Le Temps» de mardi, on pouvait lire un choc au sommet entre le «père» de l’initiative pour l’extension de la norme pénale antiraciste à l’homophobie, le conseiller national PS Mathias Reynard, et Marc Früh, de l’UDF, petit parti qui a lancé le référendum contre ce texte. Ce dernier s’y est illustré par des arguments pour le moins étranges. Comme lorsqu’il rebondit sur le parallèle avec les incitations à la haine antisémite. «Vous [Mathias Reynard] citez les Juifs, mais il faut se rappeler que ces derniers ont été massacrés par millions pendant la Seconde Guerre mondiale, tandis que les martyrs homosexuels, je n’en connais pas.» Le socialiste doit rappeler à son contradicteur que des homosexuels ont été gazés dans les camps d’extermination. «Quelques uns, oui…» finit par admettre le politicien évangélique du Jura bernois.

Entre autres énormités, Marc Früh soutient que la prostitution masculine est la principale cause du suicide des jeunes gays, cite une obscure affaire de transsexuelle barbue pour illustrer les possibles dérives de la future loi et ne se prive pas de lâcher le nom de Gabriel Matzneff dans un amalgame avec la pédophilie. En guise d’apothéose, le défenseur du «non» met en garde contre une paix sociale qui se ferait sous la menace du Code pénal: «L’apprentissage de la tolérance et du respect mutuel passe par l’éducation, notamment par des lois spirituelles bibliques que l’on retrouve en Jésus-Christ.»

Malaise à l’UDC
À lire ces déclarations, on comprend que l’UDF soit bien seule à faire campagne contre la nouvelle norme pénale. L’UDC, qui dans plusieurs cantons laisse la liberté de vote à ses partisans, mène sa campagne «en off», résumait jeudi «Le Nouvelliste», qui n’a trouvé personne pour débattre au sein de la section Valais romand, qui appelle pourtant à voter «non» le 9 février. «La position du non est impopulaire et la classe politique le sait. Se mouiller face aux électeurs, c’est risquer de boire la tasse.»

Élu UDC de la Ville de Genève, Eric Bertinat s’est tout de même aventuré dans un duel avec Didier Bonny, président de la Fédération romande des associations LGBT, publié dans la «Tribune de Genève» de jeudi. Son angle d’attaque: la «puissance» (occulte?) des milieux LGBT qui menacerait la liberté d’expression. «Il y a tout un lobby qui vit de plaintes et de procès, qui ne va pas s’arrêter.» Le malaise à l’UDC est aussi perceptible chez le conseiller national UDC Hans Ueli Vogt, ouvertement gay, qui dans la «SonntagsZeitung» a exprimé un soutien du bout des lèvres à la nouvelle norme pénale, tout en regrettant la tournure «excessivement idéologique» prise par le débat. Un représentant bernois du parti populiste faisait entendre un autre son de cloche jeudi dans le «19h30» de la RTS, au nom du comité gay fantôme pour le «non». En tant qu’homosexuels, disait Janosch Weyermann, «nous ne voulons pas être traités différemment. Si nous devenons une exception aux yeux de la loi, c’est un pas en arrière.»

Comme par hasard, c’est en pleine campagne que le patron de Läderach, entreprise chocolatière visée cet automne par un boycott en raison des positions anti-LGBT et anti-avortement de ses dirigeants, sort du bois. Sans doute pour apporter de l’eau au moulin de ceux qui dénoncent l’«intolérance» du mouvement LGBT. Dans la «NZZ am Sonntag» reprise lundi par l’ATS, Johannes Läderach s’indigne des actes de vandalisme qui auraient touché sept échoppes. Il dit comprendre que ses opinions suscitent des «résistances», «mais il n’est pas juste que les employés vivent dans la peur».

Symboles réjouissants
Pas de quoi entamer la dynamique du «oui», qui s’est manifestée dans des symboles réjouissants. Comme cette énorme bannière arc-en-ciel flottant sur une des tours du Grossmünster, église emblématique de Zurich, pour saluer une manifestation pour le «oui» qui a rassemblé 3000 personnes, samedi sur les bords de la Limmat. «Tous les clochers représentent l’intégration des marginalisés. En ce sens, ils portent les couleurs arc-en-ciel depuis des siècles», a expliqué le pasteur Christoph Sigrist au «Tages-Anzeiger» de lundi. Le très large front du soutien à l’extension de la norme pénale antiraciste, a aussi vu le ralliement des Young Boys, club leader du football suisse, qui a affiché son logo sur fond des six couleurs sur ses réseaux sociaux. Un geste qui a ravi son fan club LGBT, les Junxx… non sans agacer quelques autres supporters («20 minutes» de mercredi).

Mention spéciale au site Republik, qui a choisi de donner la parole à deux personnalités doublement concernées par la nouvelle norme pénale, en tant qu’homosexuels et Juifs: l’avocate Salomé Zimmermann et le danseur René Fürstenfeld. Tous deux ont un souvenir encore vif de la votation de 1994, qui avait introduit les concepts d’incitation à la haine raciste et antisémite dans le Code pénal. René Fürstenfeld dit qu’il n’a jamais jugé nécessaire d’agir contre les propos stupides et les mauvaises blagues juives. «Mais ça fait du bien de savoir que je pourrais». La loi s’applique à chacun, rappelle-t-il, en relatant un anecdote. Un jour qu’il avait dit au revoir à son compagnon sur un quai de gare, il avait entendu une remarque désobligeante d’un homme à l’accent étranger et s’était surpris à se dire que lui-même, au moins, était «chez lui» en Suisse. La norme pénale, «me force aussi à interroger ma propre façon de penser», conclut-il. Salomé Zimmermann, quant à elle, voit la loi comme une évidence: «Cela n’aurait aucun sens que je sois protégée en tant que Juive et en tant que femme, mais pas en tant que femme qui aime une femme.»