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Bangkok by night

Nuit, clubs, sexe et argent: dans la capitale thaïlandaise, les prostitués masculins, aussi appelés «money boys», subissent une réalité aussi dure que leur jeunesse est éphémère.

Bangkok, surnommée la cité des anges, reste la ville la plus gay d’Asie. Son principal quartier chaud nocturne, baptisé Silom, s’organise autour de deux longues rues adjacentes, toujours bruyantes et bondées dans cette mégapole au trafique automobile saturé. Les touristes déambulent, dans la chaleur tropicale, le long de ces rues où se trouve une ribambelle de petites étales extérieures vendant des produits locaux et des articles textiles bon marché. Ils font face à pléthore de salons de massage et de bars qui côtoient des tailleurs abordant les passants dans la rue pour leur proposer des costumes en cashmere sur mesure, prêts en quelques heures. Le long de cette rue se trouvent des impasses, appelées «soi», où sont situés les bars et établissements spécialisés. Concernant le milieu homo, il y en a 3 principales. L’une d’entre elles est remplie de bars gays, assez classiques, ou noc­tambules et touristes se retrouvent avant d’aller s’encanailler dans la nuit de Bangkok. L’autre «soi» homo est composé de club.L’entrée de la rue est équipée d’un portique ou des gardes contrôlent l’identité des asiatiques pour en interdire l’accès au mineur. Le plus branché de ces clubs s’appelle DJ Station. Particulièrement bondé le week­end, du fait que la sécurité ne limite pas le nombre de clients, il est presque impos­sible d’y bouger. Il est par ailleurs conseillé de vérifier les sorties de secours en y en­trant. On peut trouver également autour de ces endroits des salons devant l’entrée desquels at­tendent de jeunes hommes qui propo­sent des massages à l’huile pour 500 baths (15 CHF), avec 500 baths supplémentaires pour les finitions spéciales…

Shows en tous genres
Néanmoins, le «soi» le plus célèbre de la vie gay de Bangkok s’appelle Dangthawee, concentrant les gogo bars qui on fait la réputation sulfureuse de la ville, véritable super­ marché du sexe. Une vingtaine de gogo bars – des bordels – qui fonctionnent tous de la même manière, se suivent le long de cette rue. Des rabatteurs, jamais agressifs, proposent d’entrer pour jeter un coup d’œil aux garçons qui s’y exhibent. Ensuite, une fois les clients instal­lés dans des canapés autour d’une scène centrale, le show démarre toujours par le défilé d’une cinquantaines de jeunes thaï, à peine majeurs, qui paradent en maillot de bain sur lequel est inscrit un numéro. Ces garçons ne sont pas payés par l’établissement, ils at­tendent simplement qu’un client les appelle pour leur offrir un verre. Le jeune garçon espère que le client finira la nuit avec lui et, ainsi, faire son business. Ensuite démarre le véritable show où s’enchaînent des numéros sexuels effectués par des thaï particulièrement bien montés et des transsexuels qui chantent ou exécutent des sketches comiques. Les modèles passent, en même temps, de table en table, avec leur sexe en érection en avant, exhibé tel un trophée, pour le faire toucher aux clients dans l’espoir de pouvoir récupérer un pourboire de 100 bath (3 CHF). Le show se finit toujours par une scène de sodomie réalisée dans des positions improbables et particulièrement sportives. Le couple tourne ensuite dans la salle, tout en continuant à copuler, pour re­cueillir des pourboires. En dehors de quelques couples, souvent hétéros et asiatiques, l’essentiel de la clientèle est composé d’occidentaux be donnants d’âge mûr, venus seuls ou en groupe toucher quelques jeunes éphèbes asiatiques.

Une forme de proxénétisme
Ary travaille dans l’un de ces bars où il défile simplement en maillot de bain, espérant trouver un client pour la soirée. Comme l’ensemble des prostitués qui travaillent dans les gogo bars de Bangkok, Ary est indépendant et peut fixer ses tarifs comme il le souhaite. Il n’a pas a reverser d’argent à un souteneur. Cela étant, les patrons de ces bordels exercent une autre forme de proxé­nétisme. D’abord, parce que tous les garçons y travaillent et s’y exhibent gratuitement, exceptés ceux qui y exécutent des numéros sexuels sur scène. Le deal passé entre le bar et les money boys qui restent torse nu toute la soirée consiste à faire consommer les clients qui les choisissent en se faisant offrir des verres, dont leprix est fixé à 250 baths (7,50 CHF), quelque soit le bar ou la boisson. Sur ce montant, le bar reverse 50 baths (1,50 CHF) par consommation au garçon sur les verres qu’il se fait offrir et sur les consommations supplémentaires qu’il réussit à faire prendre au client.

Enfance misérable
Dans les autres boys bars, où il n’y a pas de show, et où les consommation sont moins chères, les mo­ney boys doivent souvent reverser 300 baths (10 CHF) au patron du bar quand ils partent avec un homme, quelque soit le tarif qu’ils deman­dent ensuite à leur client. Dans les salons de massage, il y généralement un montant fixe pour le massage en lui même que le pa­tron conserve, auquel s’ajoute un pourboire minimum, généralement de l’ordre de 500 baths (15 CHF) qui revient au jeune masseur en rému­nération des ses services sexuels. Les prostitués sont libres de changer ou de quitter l’établissement dans lequel ils travaillent quand ils le souhaitent. Ce n’est pas un problème pour les patrons des bars et salons de massage: du fait de la pauvreté du pays, ils peuvent facilement et rapidement remplacer les garçons qui partent, les candidats étant légion.

L’histoire d’Ary, bien que particu­lière comme toutes les vies, est représentative et symptomatique de celle des money boys thaïlandais. Il a 20 ans et vient de la province pauvre de Nakon Panom, situé au nord est du pays. Il n’a jamais réellement connu sa mère, qui l’a donné a une autre famille quand il avait 2 ans, parce qu’elle ne pouvait pas le nourrir. Cette famille d’accueil, qu’il considère comme sa vraie famille, l’a élevé jusqu’à ce qu’il ait 9 ans. Son père est ensuite revenu le chercher. Il a ainsi vécu quelques années dans la rue avec son géniteur. Alors qu’il avait 11 ans, son père l’a vendu à un homme qui s’est proposé de s’occuper de lui en le nourrissant et le logeant. Après quelques jours, cet homme a abusé de lui. Ary s’est alors sauvé pour se rendre au poste de police et demander qu’on le place dans un orphelinat. Il est accepté dans un établissement géré par une fondation américaine, à Bangkok, qui vient en aide aux enfants de la rue. Il a alors pu retourner a l’école, comprenant que c’était la seule solution qu’il avait pour se sortir de cette vie misérable.

Prostitué dès 14 ans
Il nous raconte comment il a commencé à vendre son corps. «J’avais 14 ans et je faisait mes devoirs avec un autre collégien dans un bar. Un homme est venu me voir et m’a de­mandé de l’accompagner aux toi­ lettes. Il a sorti son sexe et m’a demandé de le sucer. J’étais excité parce que je n’avais jamais eu d’ex­périence sexuelle avant. Après être passé à l’acte il m’a donné 500 baths (15 CHF). Ca m’a fait comprendre que je pouvais gagner de l’argent assez facilement» En Thaïlande, il est as­sez fréquent que les hommes mariés aient des relations homos avec de jeunes garçons, sans pour autant se considérer comme gay. La pauvreté et le nombre élevé de prostitués facilitent cette démarche.

Ary a découvert son homosexualité à la pré­adolescence, mais sans pouvoir mettre un nom dessus. Dans lacampagne d’où il vient, être gay n’a pas de sens, la sexualité se résume a être hétérosexuel ou «lady boy». Il s’agit de transsexuels, très nom­breux, à tel point que la Thaïlande est devenue le principal pays au monde à proposer des opérations de changement de sexe. Ary nous explique: « Je n’avais pas conscience d’être gay, je pensais plus que je devais recourir à une opération pour devenir un lady boy, cela me paraissait être le seule solution. A l’école, les autres élèves se mo­quaient de mes manières féminines. Ce n’est qu’en arrivant à Bangkok, quand j’ai découvert le milieu gay et les autres money boys, que j’ai compris que j’étais homo.»

Depuis ses 14 ans, Ary n’a jamais cessé de se prostituer. Ces principaux clients, comme les autres money boys, sont des occidentaux généralement âgés de plus de 50 ans qui viennent chercher en Thaïlande du sexe à bon marché avec de jeunes asiatiques. Ary préfère d’ailleurs travailler avec des étrangers qu’avec des thaïlandais. «Les clients occidentaux sont généralement plus gentils parce que, si on refuse de faire quelque chose, ils n’insis­tent pas. Contrairement aux thaï, qui, lorsqu’ils paient, sont plus exigeants». Il a ses propres règles. «Je n’embrasse jamais un client, refuse les rapports non protégés et toutes les pratiques extrêmes comme le SM. Egalement, et je ne suis que passif.» Ses tarifs, comme la plupart des prostitués, varient généralement entre 1 000 (30 CHF) et 2 000 baths (60 CHF) mais cela peut aller jusqu’à 5 000 Bath (150 CHF) pour un touriste étranger qui débarque et ne connait pas les prix. Dans les bons mois, il rencontre une vingtaine de client en moyenne. Mais comme tous ses congénères, Ary subit la crise depuis 3 ans et le déclin du tourisme qu’elle a entraîné. «Avant la crise politique, on pouvait se faire jusqu’a 50 000 baths (1500 CHF) par mois avec les étrangers. Maintenant si on arrive à 15 000 baths (450 CHF), c’est déjà bien»

Il va à l’université pour y suivre des cours de management hôtelier et compte arrêter de vendre ses charmes lorsqu’il aura fini ses études. «C’est vrai que j’en ai marre de cette activité, mais pour l’instant, je n’ai pas d’autre choix pour survivre et payer les cours». Son rêve serait de pouvoir aller travailler à l’étranger et d’y recommencer une nouvelle vie. Très symptoma­tique de l’esprit religieux omniprésent et très prégnant en Thaïlande, lorsqu’on interroge Ary sur la pire expérience de sa vie, malgré les difficiles épreuves qu’il a traversées, il répond: «La pire chose que j’ai vécue, c’est d’avoir dû voler de la nourriture donnée en offrande au Bouddha lorsque je vivais avec mon père. Après cela, rien ne peut être plus grave» (Les thaïlandais ont l’habitude de déposer de la nourri­ture sur des autels bouddhistes extérieurs présents un peu partout à travers la ville.)

Ary cohabite avec trois autres prostitués dans un petit appartement spartiate et dépouillé de 20 m2, loué 1 000 baths (30 CHF), par mois, situé dans les faubourgs de la ville. Maew, colocataire d’Ary, travaille dans un salon de mas­sage. Egalement originaire d’une province pauvre du Nord du pays où il ne mangeait pas à sa faim, Maew est arrivé dans la capitale à l’âge de 15 ans, sur les conseils d’un ami d’enfance, également money boy.

Quand ils souhaitent sortir et avoir des relations sexuelles amoureuses et non tarifées, les quatre amis se rendent dans le quartier gay de Ramkhanhaeng. Loin des rues fré­quentées par les étrangers et touristes, les boites gays y ont une clientèle à 99% locale, composée en partie d’étudiants et de jeunes travailleurs. Il serait insultant et malvenu de proposer de l’argent à l’un des clients de ces établissements. Cette scène gay leur permet de re­devenir, le temps d’une soirée, de jeunes homos normaux.

Moins de solidarité
Maew, qui exerce depuis 7 ans, in­siste également sur les dégâts qu’a fait la crise du tourisme sur les relations quasi fraternelles qu’entretenaient entre eux les travailleurs du sexe. Il explique: «Avant, il y avait une vraie solidarité entre nous. Si un client n’était pas intéressé, on l’envoyait vers un de nos amis. Maintenant c’est fini. Il y avait également une sorte de code de l’honneur. Par exemple, le prix minimum demandé ne devait jamais être inférieur à 500 baths (15 CHF), c’était une règle. Mais les affaires sont devenues si difficiles que certains ne respectent plus cet engagement.» Lui aussi n’a qu’un souhait, celui de pouvoir retrouver une activité normale. Il économise pour pouvoir retourner dans sa province natale et y ouvrir un petit commerce. Mais il a conscience que ce sera long et diffi­cile et que l’âge limite est vite atteint dans la prostitution. Maew, âgé de 22 ans, sait qu’il ne lui reste avec de la chance que 5 années pour conti­nuer ce business. La plupart des money boys doivent abandonner cette activité quand ils atteignent 25, voire 30 ans. Les touristes préfèrent souvent les jeunes garçons âgés d’a peine plus de 18 ans.Il préfère ne pas penser à ce qui se passera plus tard, car sans diplôme, il aura du mal a trouver un job intéressant. Il y a une alternative à la­ quelle il pense parfois, comme beaucoup des travailleurs du sexe, celle de trouver un étranger qui l’aime et souhaite se mettre en couple avec lui. Si on lui demande si c’est l’amour qu’il cherche, il a l’honnêteté de ré­pondre non. «Trouver un occidental avec qui vivre serait avant tout parce qu’il m’apporterait la sécurité financière dont j’ai besoin. Si, en plus, je l’aime bien, ce sera un plus, mais pas le plus important»

Malgré le sourire toujours arboré par ces dizaines de milliers de jeunes qui vendent leurs charmes et l’ambiance festive qui règne en continu à Bangkok, c’est presque toujours le drame de la pauvreté qui amène ces garçons à se vendre aux occidentaux en quête de chair fraîche et d’exotisme sexuel.

Par Franck Bianchi

One thought on “Bangkok by night

  1. Certes le « drame de la pauvreté » joue un rôle dans la « prostitution » en Thaïlande,mais la réalité est plus nuancée et beaucoup moins « culpabisante » pour les ignobles « occidentaux »! Le refus de la discipline et du travail à l’école,l’appât d’un gain « facile » et »sustantiel », le manque total d’intérêt pour les emplois, nombreux et immédiats, qu’offrent l’industrie, les services et l’agriculture,l’attirance pour une vie nocturne pleine de possibilités et facilités,enfin la conception complètement « sans tabou » de l’échange sexuel…jouent une rôle non négligeable dans cette réalité qu’est la « relation monneyée » en Thailande, relation qui a plusieurs siècles d’existence et qui répond à une authentique tradition, acceptée et non véritablement discutée!

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