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À la Berlinale, l’onde de choc des purges homophobes en Tchétchénie

À la Berlinale, l’onde de choc des purges homophobes en Tchétchénie

«Welcome to Chechnya» donne la parole et un visage aux victimes de la répression anti-LGBT* qui sévit depuis 2017 dans cette petite république russe. Un documentaire accablant, triplement primé lors du festival.

À la fin de la projection, c’est comme si une vague parcourait la salle du Kino International: le public se lève comme d’un seul mouvement, dans un tonnerre d’applaudissements. La standing ovation dure plusieurs minutes. Le documentariste américain David France et son équipe sont accueillis en héros au Festival du film de Berlin. Parmi eux, les activistes russes Olga Baranova et David Isteev, qui ont ouvert un refuge secret à Moscou et tissé un réseau souterrain pour aider les personnes LGBT* à fuir la Tchétchénie.

Le jeune Maxim Lapunov est là lui aussi. Il est la seule victime à avoir osé, à ce jour, témoigner à visage découvert des atrocités qu’il a subies lorsqu’il a été arrêté par la police tchétchène en raison de son homosexualité. Maxim a fui la petite république caucasienne de confession musulmane avec son compagnon et ses proches, grâce à l’aide des activistes russes. La famille a depuis obtenu l’asile dans un pays européen tenu secret, par crainte des représailles.

Trois prix
«Welcome to Chechnya» a raflé trois prix à la Berlinale: l’Activist Award à la cérémonie du Teddy Award, le Panorama Audience Award ainsi que l’Amnesty International Film Award. Le film est une plongée terrifiante au cœur de la répression anti-LGBT* qui sévit actuellement en Tchétchénie. Une répression dont on n’avait jusqu’ici quasiment aucune image.

Les autorités tchétchènes continuent de nier l’existence de ces rafles, le président Ramzan Kadyrov a même été jusqu’à déclarer publiquement que l’homosexualité «n’existait pas» dans son pays. «J’ai décidé de faire ce film quand j’ai appris, en lisant un article publié par ma consœur Masha Guessen dans le «New Yorker», que des activistes russes se démenaient dans l’ombre pour venir en aide aux victimes, et ce alors que la communauté internationale ne levait pas le petit doigt et que la communauté queer ne faisait quasiment rien non plus», nous explique David France, ancien journaliste d’investigation à «Newsweek» devenu documentariste.

Il est parti poser sa caméra dans un appartement de la banlieue moscovite qui sert de refuge aux jeunes LGBT* qui sont parvenus à fuir le pays. «Nous avons passé un mois sur place, à tourner jour et nuit», explique David France, qui est parvenu à gagner la confiance des jeunes en leur promettant un anonymat total. Il a mis au point pour cela un procédé unique en son genre, en collaborant avec un spécialiste des effets spéciaux: «Nous nous sommes inspirés du deepfake, cette technique qui consiste à remplacer le visage de quelqu’un sur une vidéo. Nous avons superposé sur leurs visages ceux de jeunes activistes queer vivant aux États-Unis qui ont bien voulu leurs prêter leurs traits.» Le résultat est époustouflant.

Le film contient également de courts extraits de séquences vidéos insoutenables, interceptées par les activistes sur des groupes WhatsApp qui sont autant de preuves des violences auxquelles sont exposés les gays et les personnes trans en Tchétchénie: des arrestations brutales dans des appartements, des passages à tabac dans la rue, des scènes de torture dans les postes de police.

Thriller haletant
Le documentaire tourne presque au thriller haletant lorsque le réalisateur accompagne les activistes à Grozny pour aller chercher une jeune lesbienne en danger et lui permettre ainsi de pouvoir quitter le pays, les femmes ne voyageant généralement pas seules en Tchétchénie. L’intégralité de la séquence a été tournée avec deux smartphones et une mini-caméra d’action. «Nous étions bien préparés pour mener cette action chirurgicale, nous avions tous une couverture au cas où les choses tourneraient mal», explique le réalisateur, qui s’est fait passer à la frontière pour un fan de football un brin illuminé, en pèlerinage sur les traces de l’équipe d’Égypte de football, qui avait disputé un match en Tchétchénie peu de temps auparavant.

David France espère que son film va continuer à faire des vagues, et ainsi mobiliser la communauté internationale. «C’est la première fois depuis Hitler qu’un gouvernement appelle à éliminer toutes les personnes LGBT*», martèle-t-il. Le réalisateur veut également soutenir le travail des deux organisations LGBT* russes qui continuent d’agir sur le terrain, le Moscow Community Center et le Russian LGBT Network, qui sont parvenues à exfiltrer plus de 150 personnes au cours des trois dernières années. Il récolte d’ores et déjà des dons via le site internet lancé pour promouvoir «Welcome to Chechnya».

» Plus d’infos: welcometochechnya.com