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Victimes homo du franquisme : l’Espagne se souvient

Fin d’une amnésie? 30 ans après la dépénalisation de l’homosexualité, l’Espagne commence seulement le processus d’indemnisation des victimes homosexuelles de la répression franquiste.

Antonio Ruiz est né à la mauvaise période. C’est à dire dans les années 60, alors que Franco est au pouvoir depuis plus de vingt ans. Sa dictature fasciste s’acharne sur tout opposant au gouvernement en place ; mais rapidement, le régime trouve de nouvelles victimes. Antonio Ruiz n’a pas encore 17 ans quand on l’envoie en prison. Il vient d’annoncer à sa mère son homosexualité. Cherchant de l’aide, elle en parle à une religieuse qui le dénonce aussitôt à la police.

«Je suis resté pendant trois jours et trois nuits au cachot, témoigne Antonio Ruiz, président de l’association des Ex-prisonniers sociaux. Durant l’interrogatoire, les policiers me forçaient à rester éveillé et voulaient me faire parler à coups de poing et coups de pied pour que je dénonce d’autres homosexuels. Comme je ne disais rien, ils ont obligé un autre prisonnier à me violer». Son jugement est expéditif : trois mois de prison, la peine minimum, pour «être homosexuel». Antonio en sort le jour de son anniversaire, avant que la loi le force à un exil d’un an. Il revient finalement à Valence, sa terre natale mais avec un casier judiciaire et une jeunesse ruinée. «Comme beaucoup d’autres personnes avec des antécédents pénaux, je ne trouvais pas de travail. La seule possibilité qu’il me restait était la prostitution, que j’ai pratiquée pendant dix ans».

Tortures et humiliations
La répression franquiste s’est durcie pas à pas, à chaque fois un peu plus. A partir de 1954, apparaît une loi appelée «Vagos y maleantes», littéralement « vagabonds et délinquants », qui inclut homosexuels et transsexuels. «Rien qu’à Barcelone, la loi s’est appliquée à environ 500 personnes», explique Victor Bedoya, historien barcelonais qui écrit une thèse sur «la répression homosexuelle dans la Barcelone franquiste». Depuis 2001, Victor s’est lancé dans un travail de titan, décortiquant des milliers de rapports de police et de justice auxquels il est le premier à accéder.

En 1970, une seconde loi dite de « dangerosité et de réhabilitation sociale» est créée. Selon Victor Bedoya, «les homosexuels ne sont plus seulement des délinquants mais désormais des malades qu’il faut guérir». Certains médecins utilisent la lobotomie ou des thérapies aux électrochocs pour tenter de changer l’orientation sexuelle.

«30 années d’oubli et de discrimination»
Si la dictature s’achève en 1975 avec la mort de Franco, l’homosexualité reste néanmoins illégale jusqu’en 1979. De même, plusieurs fois jusqu’en 1982, Antonio Ruiz a pu constater comme beaucoup d’autres victimes que son casier judicaire n’avait pas été effacé. Il décide en 2004, de créer l’association des Ex-prisonniers sociaux pour mettre fin à «30 années d’oubli et de discrimination», sortant ainsi de l’ombre une période longtemps occultée et particulièrement dure pour la communauté homosexuelle. Le chemin fut long. Mais une loi vient d’être votée et l’Etat étudie enfin les quelques 180 sollicitudes d’indemnisation déposées. «L’Espagne est devenu le seul pays à adopter de telles mesures», se réjouit Antonio.

Dans le cadre de son plan municipal lancé en 2009, qui inclut notamment une reconnaissance de la répression soufferte par les gays durant le franquisme, Barcelone intègrera des actions pour la récupération de cette mémoire historique. Victor Bedoya a déjà proposé l’installation d’une stèle commémorative à la prison « Modelo », qui reçut de nombreux homosexuels. Une initiative qui s’inspire de ce qui a déjà été fait à Berlin en 2008 en mémoire aux victimes homosexuelles du nazisme. Victor milite également pour «une reconnaissance académique et le subventionnement d’études pour récupérer cette mémoire historique». Lui-même a été peu soutenu dans la réalisation de sa thèse. Il a même dû changer d’université afin d’obtenir une bourse et des subventions. Mais il compte sur un changement générationnel, car en matière de revendications homosexuelles, Barcelone et l’Espagne en général ont pris le train en marche, malgré le lourd héritage des années franquistes. «Aujourd’hui, le pays est en tête de wagon!», affirme-t-il fièrement.