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Ksar El-Kébir: Le Maroc entre fureur et désarroi

L’image d’un homme travesti dansant lors d’une fête, le 18 novembre dernier, a déclenché émeutes et furieuses polémiques au Maroc. Une affaire qui révèle les peurs d’un pays en plein chambardement. Décryptage.

Une trentaine de convives qui frappent dans leurs mains pour accompagner l’orchestre qui joue à tue-tête. Un jeune homme qui brandit joyeusement une bouteille d’alcool. Au milieu de la salle une personne danse, le visage voilé, vêtue d’un caftan comme une jeune mariée. Filmée par un téléphone portable, cette scène en apparence si banale a déclenché la fureur des habitants de Ksar El Kébir (nord du Maroc) après la révélation que la «mariée» était en fait un certain Fouad, un homme de 38 ans à la réputation de trafiquant d’alcool.

Le surlendemain, le très populaire quotidien national Al-Massae barrait sa une d’un «Deux pervers se marient à Ksar El Kebir». Dans la foulée, la presse arabophone se mettait à déverser des détails aussi croustillants qu’invérifiables: dépenses somptuaires, présence de personnalités connues et jusqu’à la «nuit de noces». On parla aussi d’«organisations internationales qui soutiennent le mouvement des pervers au Maroc.» Suivirent trois jours de manifestations violentes, débouchant sur le saccage des maisons et boutiques des invités à la «noce», avec la bénédiction des imams. Par médias interposés, ceux-ci encouragèrent les émeutiers: «Oui, il y a de vrais hommes au Maroc!» Entre-temps, Fouad et quelques proches se rendaient à la police pour échapper au lynchage.

«Détourner la colère des djinns»

Ce n’est pas la première fois qu’un «mariage gay» défraie la chronique au Maroc. En mars dernier, la présence d’homosexuels au pèlerinage de Sidi Ali ben Hamdouche avait fait les gros titres. Selon plusieurs articles, le sanctuaire situé près de Meknès (centre du pays) serait le décor de véritables «gay prides» d’homosexuels venant y célébrer des «mariages» dans le cadre de rituels «gnawa». Mêlant soufisme, chamanisme et croyances populaires, ces rites d’invocation des esprits sont connus pour transcender les tabous – sexuels notamment. Ainsi, le sanctuaire de Sidi Ali est connu depuis des lustres pour accueillir les travestis et les «hommes hantés par un esprit féminin». Or, à Ksar El-Kebir, Fouad a lui aussi évoqué des rituels gnawa. Il a expliqué qu’en se travestissant, il réalisait une vision qui lui était venue dans son sommeil et qui était destinée à «détourner la colère des djinns».

Certains homos marocains se tourneraient-ils vers ces traditions qui les intègrent, plutôt que vers un Islam rigoriste qui les exclut et les nie?

Célébrations rituelles ou fêtes excentriques, difficile d’en savoir plus sur les célébrations de Ksar El Kébir et de Sidi Ali. Mais il y a fort à parier qu’ils n’ont guère à voir avec des unions gay à l’européenne, mais plutôt avec les modes ancestraux par lesquels la culture marocaine appréhende l’homosexualité et le transgendérisme. Certains homos marocains se tourneraient-ils vers ces traditions qui les intègrent, plutôt que vers un Islam rigoriste qui les exclut et les nie? Peut-être.

En attendant, les images visibles sur YouTube continuent de susciter des réaction passionnées. Beaucoup d’internautes arabophones parlent de «désastre» et y voient le signe annonciateur de grandes catastrophes: «Déjà qu’il ne pleut presque plus au Maroc!» s’alarmait récemment l’un d’eux. De fait, nombreux sont ceux qui ont cru voir dans ces images la soudaine normalisation de l’homosexualité – un signe funeste d’occidentalisation dans une société déjà en plein chambardement économique et social. En réalité, c’est l’inverse qui s’est produit: l’affaire de Ksar El Kébir a encore alourdi la chape de plomb pesant sur l’homosexualité dans le Royaume.

10 mois de prison

Après avoir eu beaucoup de difficulté à trouver un avocat pour assurer sa défense, Fouad F. a été condamné à 10 mois de prison pour trafic d’alcool et homosexualité. Une peine exceptionnelle, qui semble devoir plus à la pression de la rue qu’à la justice. Bien qu’illégale au Maroc, l’homosexualité restait jusqu’ici très rarement punie.