Lesbiennes en proie à une violence invisible
Un rapport de HRW lève le voile sur la situation des homosexuelles ghanéennes, dont les persécutions échappent trop souvent au radar des défenseurs des droits humains, dans le cadre familial.
Dénonciations arbitraires, raids policiers lors de soi-disant «mariages gay» ou passages à tabac: les hommes homosexuels sont les plus souvent cités en matière de violence et de persécutions, singulièrement en Afrique, où persistent des lois anti-sodomie et une «panique morale» autour de l’homosexualité masculine. Pendant ce temps, les femmes lesbiennes, sont l’existence est le plus souvent ignorée par les Etats, subissent une violence qui passe quant à elle largement inaperçue. Et pour cause: cette violence s’exerce le plus souvent dans le cadre privé de la famille ou du clan.
Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport préoccupant sur ce sujet au Ghana, dont «The Guardian» se fait l’écho. La chercheuse Wendy Isaack a notamment recueilli le témoignage d’un couple, Dorothy et Emily, qui dit avoir été attaqué par un groupe après que la mère d’Emily a révélé leur orientation sexuelle, dans un village du sud du pays. «Vingt à 25 personne ont fait irruption dans la chambre, raconte Dorothy. Ma compagne était nue, sa mère lui a dit de s’habiller. Un des hommes a pris un couteau, qu’il voulait le planter dans le vagin. On s’est débattues et il a brûlé mon ventre avec un morceau d’acier brûlant. Ils ont frappé ma compagne au visage. Il y avait une grande plaie et elle saignait. Le groupe voulait nous tuer toutes les deux.» Le couple a pu fuir sa maison, et a trouvé refuge chez un voisin, qui s’est mis à exercer un chantage, exigeant des rapports sexuels et de l’argent. Aujourd’hui, elles doivent avoir recours à la prostitution pour survivre.
Exclues de l’école
Le récit n’est pas exceptionnel. Ostracisées par leur famille pour cause d’orientation sexuelle, les lesbiennes ghanéennes sont confrontées au chômage, sans aucun soutien de leur famille. Pour les plus jeunes, l’accusation d’homosexualité a pour conséquence que leur famille cesse de payer leur éducation. Elles se retrouvent à la rue sans formation. Dans d’autres cas, c’est le mariage forcé: le rapport de HRW raconte le cas de Hasina, 25 ans, forcée d’épouser un homme deux fois plus âgé qu’elle.
Malgré des lois punissant les violences domestiques et une Constitution ghanéenne censée protéger les minorités des discriminations, les femmes lesbiennes portent rarement plainte, ne serait-ce qu’en raison du Chapitre 6 du Code criminel, qui punit les «unions contre-nature» (passibles de 3 ans d’emprisonnement). Ce texte, bien que peu utilisé dans les tribunaux, justifie encore les violences contre les LGBT ghanéens. Mais «parmi les hommes gay que j’ai interviewés, souligne Wendy Isaack, aucun n’a fait état de violence de membres de la famille».