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«L’élite économique et politique a toujours été raciste, sexiste et homophobe»

Bête noire des ultraconservateurs brésiliens, le député de Rio ouvertement gay Jean Wyllys livre sa lecture de la crise politique actuelle, qui fait vaciller le pouvoir de la présidente Dilma Rousseff.

Il s’était attiré les foudres des chrétiens fondamentalistes, recevant même des menaces de mort, lorsqu’il avait présenté, en 2011, un amendement à la Constitution brésilienne visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe. Encarté dans l’opposition de gauche à l’actuelle présidente Dilma Rousseff, le député fédéral, ouvertement gay, est issu de la classe populaire.

Né en 1974 dans l’État de Bahia, Jean Wyllys a, de son aveu, vécu la plus grande partie de sa vie en-dessous du seuil de pauvreté. Aujourd’hui élu et enseignant universitaire, il a aussi remporté en 2005 la cinquième saison de l’émission de téléréalité «Big Brother» Brésil. Simple curiosité académique, selon ses dires, puisque son domaine d’expertise porte sur la théorie de la communication. «Je voulais, dit-il, réaliser une étude sociologique sur les mass médias.»

D’ailleurs, Jean Wyllys dénonce aujourd’hui un coup d’État, orchestré par la triade élite politique conservatrice, pouvoir judiciaire partisan et médias de masse. Le dimanche 17 avril, le député d’extrême droite Jair Bolsonaro dédiait son vote en faveur de la destitution de la présidente à la mémoire du colonel Ustra, celui-là même qui avait torturé Dilma Rousseff durant la dictature militaire. Dans la foulée, Bolsonaro proférait des injures homophobes à l’égard de Jean Wyllys…

360° – En tant que membre du parti socialisme et liberté (PSOL) vous êtes dans l’opposition au gouvernement de Dilma Rousseff, néanmoins vous vous êtes farouchement prononcé contre la procédure de destitution qui vient d’être votée?
Jean Wyllys – J’aurais énormément de critiques à faire sur la politique économique de Dilma, parce qu’elle a adopté une politique néolibérale pour satisfaire l’opinion de droite. Tout ça parce qu’elle a une forte opposition, menée par Eduardo Cunha (ndlr: président de la Chambre des députés, ultra-conservateur et évangélique), lequel, en théorie fait partie de la coalition gouvernementale, mais dans la pratique son parti (le parti du mouvement démocratique, PMDB) a saboté le travail du gouvernement. Et, selon moi, la destitution c’est le masque qu’on a donné à un coup d’état organisé par cette droite conservatrice. Dans ce contexte, Dilma a tenté de nommer Lula comme chef de cabinet, et ce faisant, elle a voulu le protéger des allégations arbitraires du juge Moro. Mais elle n’a pas voulu, comme certains le disent, donner l’immunité à Lula, parce que si on arrivait à prouver qu’il est impliqué en quoi que ce soit dans ce schéma de corruption, il serait de toute façon jugé par la Cour suprême. Mais jugé dans le temps des garanties politiques et dans le respect de l’État de droit. Alors que le juge Moro, lui, a violé cet État de droit lorsqu’il a diffusé illégalement dans la presse des écoutes visant à démontrer que la corruption était l’apanage du parti des travailleurs.

– Êtes-vous de ceux qui disent que la procédure de destitution n’est pas légale?
– La question n’est plus aujourd’hui de dire si la destitution s’est faite de manière légale ou non. Le processus d’impeachment est inscrit dans la Constitution, mais la destitution de Dilma a été menée légalement par des personnes corrompues. Parmi les 65 représentants de la Commission organisée pour voter la destitution, 40 sont mis en examen par la justice, dont Eduardo Cunha. Alors que, malgré tous ces mois d’opération Lava Jato (Lavage Express), on n’a encore trouvé aucune preuve contre Lula et Dilma.

«Il faut relativiser l’idée du mariage pour tous comme un droit acté au Brésil.»

– La société brésilienne souffre-t-elle d’une sorte de nostalgie de la dictature militaire?
– Ceux qui sont nostalgiques de ce temps, ce sont les membres d’une élite économique et politique qui a toujours été raciste, sexiste et homophobe, et qui a profité de cette période pour instaurer la corruption dans les arcanes du pouvoir. Donc c’est une certaine frange de la population qui est nostalgique de ce temps-là. Mais ce temps ne reviendra jamais, parce que, malgré la destitution de Dilma, ses idées sont irréversibles et on continuera de lutter pour la liberté, pour la justice et pour un monde où les richesses sont moins concentrées qu’aujourd’hui.

– Quels sont les combats que vous menez aujourd’hui?
– Il reste évidemment beaucoup de choses à faire. D’abord, il faut relativiser l’idée du mariage pour tous comme un droit acté au Brésil. Si on a le droit au mariage, c’est grâce à une résolution du Conseil national de justice qui interdit de refuser la conversion d’une union stable en mariage. Cependant, le code civil n’a toujours pas été modifié, donc malgré les décisions en faveur du mariage pour tous, nous restons dans une situation d’insécurité. Par ailleurs, les représentations sociales autour de l’homosexualité sont encore très négatives, l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie sont une réalité. Enfin, avec 200 cas par ans, on peut dire que le Brésil reste parmi les pays où il y a le plus de meurtres motivés par l’homophobie.