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A Sinner in Mecca, le pèlerinage d’un «infidèle»

New-Yorkais d’adoption, le cinéaste indien, musulman et activiste gay, Parvez Sharma, défie les autorités saoudiennes dans son dernier film.

Peut-on concilier islam et homosexualité? Telle est la question qui taraude le cinéaste, journaliste et universitaire, Parvez Sharma. Dans son premier film, «A Jihad For Love» («Un combat au nom de l’amour») en 2007, il avait notamment recueilli les témoignages de Mushin Hendricks, un imam sud-africain contraint de démissionner de ses fonctions suite à son coming-out, mais aussi de jeunes égyptiens réfugiés en France, ou encore un couple de femmes en Turquie…

Avec «A Sinner in Mecca» («Un pécheur à La Mecque»), Parvez Sharma livre un documentaire subjectif sur le hadj, le cinquième pilier de l’islam que tout bon musulman, s’il en a les moyens, doit effectuer au moins une fois dans sa vie. Tourné en septembre 2011, dix ans après les attentats de New-York et sept mois après le début des printemps arabes, le film critique avec force le wahhabisme, la religion d’État depuis 1926 en Arabie saoudite, où s’applique la peine de mort pour les homosexuels. Défiant aussi l’interdiction de filmer dans les lieux saints, le pèlerin réalise, avec son iPhone et deux petites caméras cachées, des images rares, sans complaisance. Pour l’auteur, «A Sinner in Mecca» se veut un électrochoc pour inciter à une « réforme » de l’islam.

360° – Vous êtes allé au devant du danger pour réaliser «A Sinner in Mecca». Pourquoi avoir pris autant de risques?
Parvez Sharma – C’est d’abord un pèlerinage que je voulais faire en tant que musulman, pratiquant et fidèle à la tradition. En tant que cinéaste et activiste de la réforme de l’islam, il était important pour moi de défier les autorités saoudiennes. Parce que depuis trop longtemps, la dynastie saoudienne tente d’exporter son modèle basé sur les préceptes de l’islam wahhabite qui datent du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, les racines de l’idéologie de l’Etat islamique, mais aussi d’Al-Qaïda, sont issues de l’islam wahhabite. Et cet islam conservateur et rétrograde s’exporte dans le reste du monde musulman, notamment en Inde où j’ai grandi. Réaliser ce film à la Mecque, ce que j’appelle le Ground Zero de l’islam, lui donne toute sa puissance, parce que je montre aussi comment l’Arabie saoudite s’est construite sur les ruines de l’islam. Aujourd’hui, c’est le règne des hôtels de luxe et des centres commerciaux, une sorte de Mecca Vegas bâtie par un régime qui a définitivement massacré plus de quatorze siècles d’histoire de l’islam.

En quoi cette posture de critique à l’intérieur du système est-elle importante?
– À l’aune du XXIe siècle, j’ai toujours pensé que le plus difficile pour les croyants serait de se battre sur le terrain de la religion. Et le plus important, c’est que les croyants, eux-mêmes, trouvent la force de réformer leur propre religion. Le changement dans l’islam viendra de l’intérieur et j’espère que d’autres musulmans, parce que je ne suis pas le seul, continueront à débattre sur la place que l’islam doit avoir dans leur vie, dans leurs nations et dans le monde. En ce qui me concerne, du fait d’avoir accompli ce pèlerinage, je suis aujourd’hui un hadji, donc j’ai acquis la légitimité nécessaire pour faire partie du changement.

Le film pose essentiellement la question : «peut-on à la fois être gay et musulman?» Apparemment la réponse est oui?
– Je pense que la question centrale du film c’est la guerre de l’islam contemporain avec lui-même. Personnellement, lors de ce pèlerinage à la Mecque j’étais déjà depuis longtemps affirmé dans ma sexualité, donc la question de mon homosexualité n’était pas un enjeu. Ce sont les doutes et la question de mon appartenance à l’islam qui m’ont poussé à ce voyage.

Combien de temps a duré ce voyage? Et comment avez-vous terminé le film?
– Le hadj lui-même ne dure que cinq jours, mais je suis resté en Arabie saoudite durant un mois. A mon retour, je suis allé à New Delhi pour monter le film. Le montage et toute la post-production ont duré pratiquement un an. C’était mon pèlerinage en Inde. Là aussi, j’ai dû vivre caché parce qu’il faut rappeler que l’Inde de Narandra Modi n’est pas la plus hospitalière pour un cinéaste comme moi. En Inde, ni les gays, ni les musulmans ne sont particulièrement bienvenus. Cependant, j’avais besoin de me sentir chez moi pour terminer ce film.

«A Sinner in Mecca» – Haram Films, 2015. Plus d’infos : Asinnerinmecca.com