Mona Iraqi à son tour devant la justice

L'arrestation de 26 homos présumés dans un hammam du Caire s'est achevée par un acquittement sans précédent. Désormais, c'est la journaliste ayant servi d'indic à la police qui fait face à la justice.

L’affaire avait provoqué un tollé mondial. Le 7 décembre, des dizaines de clients d’un hammam du Caire avaient vu débarquer les forces de l’ordre. Une serviette autour de la taille pour seul vêtement, ils s’étaient retrouvés embarqués par la police. Motif: «débauche», terme employé pour les actes homosexuels. Après plus d’un mois de détention, les 26 clients et membres du personnel ont été acquittés le 12 janvier. Le dossier était vide, à part le témoignage peu convainquant d’un unique policier qui prétendait avoir identifié les protagonistes d’une orgie dans le bain de vapeur.

Au soir des arrestations, la journaliste Mona Iraqi s’était vantée d’avoir livré à la police l’adresse de ce «haut-lieu de la perversion» et «foyer de propagation du sida». Elle était d’ailleurs présente pour filmer la descente de police et les clients humiliés, clou de son émission «Al-Mustakhbi», sur la «face cachée» du Caire. On a appris cette semaine que la reporter devra comparaître devant un tribunal du Caire pour diffamation et diffusion de fausses informations, notamment. Une plainte a été déposée par l’avocat de plusieurs accusés. Selon lui, la journaliste, soutenue par sa chaîne, campent sur sa position, à savoir qu’elle avait découvert un trafic d’être humain au sein du hammam. Une audience préliminaire se tiendra le 5 avril.

Meurtris
Pour les observateurs, l’intérêt international aura sans doute pesé dans le verdict du petit tribunal correctionnel où l’affaire était jugée devant des familles indignées. Une victoire pour les droits des LGBT? se demande le site Al-Monitor. C’est en tout cas un jugement sans précédent dans un pays où la justice n’hésite pas à condamner sans preuves. «L’homosexualité n’est pas un sujet évident auprès des activistes égyptiens. Je pense que Mona Iraqi misait là-dessus. Elle ne s’attendait pas à ce que les gens se retournent contre elle», estime le bloggeur Scott Long. La mésaventure aura toutefois laissé certains des acquittés profondément meurtris. Bien que blanchi, un des clients du hammam pris dans la rafle a tenté de mettre fin à ses jours par immolation, au début du mois.

Racolage à haut risque

Ce n’est pas la première fois que la télévision est à l’origine d’une opération anti-gay dans le monde arabe. En 2012, au Liban, deux reportages racoleurs avaient exploré les cinémas porno de Beyrouth et de Tripoli. On y voyait les visages de clients de ces lieux de la «perversion» homosexuelle. Bilan: des dizaines d’arrestations. Fustigé (et outé au passage), le présentateur, Joe Maalouf, avait tenté de se racheter l’année suivante. Il s’était emporté contre un maire qui avait fait fermer une des rares boîtes gay du pays. Sa chaîne n’avait pas apprécié. Viré!