Le silence ou la prison pour les gays nigérians
Encore un coup de massue pour les droits des LGBT: le Nigeria s'est doté d'une loi antigay draconienne qui bannit tout affichage public de l'homosexualité.
Après l’Inde et l’Ouganda, c’est un poids lourd mondial qui renforce à son tour son homophobie d’Etat. Le président nigérian Goodluck Jonathan a signé un texte qui fait peser de lourdes menaces sur les homosexuels de ce pays de 170 millions d’habitants riche en hydrocarbures. La loi sur «l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe» punit d’un maximum de 14 ans de prison les mariages homosexuels. Il fait également la participation à des associations LGBT et l’affichage de son homosexualité un crime passible de 10 ans de détention.
La promulgation de cette disposition remonterait au 7 janvier, après un vote discret – et unanime – du parlement d’Abuja, le 17 décembre dernier. Il n’y a avait pas vraiment eu de débat à cette occasion: les rares défenseurs des droits de l’homme et des minorités sexuelles qui avaient tenté de prendre la parole dans l’hémicycle avaient été hués, menacés et insultés, rappelle le Global Post.
98% de rejet de l’homosexualité
Contrairement à beaucoup de chefs d’Etat africains très bavards sur le sujets, le président Jonathan ne s’est jamais publiquement exprimé sur l’homosexualité. C’est son porte-parole, Reuben Abati, qui a annoncé la nouvelle loi hier. Elle est, selon lui, «en harmonie avec les aspirations religieuses et culturelles du peuple… Et les Nigérians sont satisfaits.» De fait, selon la dernière étude du Pew Research Center, c’est au Nigeria que le taux de rejet de l’homosexualité serait le plus fort du monde: 98%.
L’annonce a provoqué des réactions atterrées dans les chancelleries occidentales. Cette loi «restreint dangereusement la liberté d’association, de rassemblement et d’expression, a par exemple déclaré le secrétaire d’Etat américain John Kerry. Elle contredit les engagements légaux du Nigeria au niveau international et mine les réformes démocratiques et les protections en matière de droits de l’Homme inscrites dans sa Constitution.»
Diversion
La motivation de ce tour de vis est mystérieuse, dans la mesure où le Nigeria pénalisait déjà les actes «contre nature». Dans certaines provinces du nord ayant adopté la Sharia, les homos sont susceptibles d’être lapidés à mort. Pour beaucoup d’observateurs, la mesure n’est qu’une nouvelle manœuvre destinée à faire diversion – à peu de frais – des problèmes sociaux et politiques aigus que traverse le Nigeria, de la corruption endémique aux troubles confessionnels qui ensanglantent le Nord.
Dans un communiqué, la Diaspora LGBTI nigériane s’est alarmée d’une loi qui «fait de [tous les homosexuels nigérians] des demandeurs d’asile»: «Nous devrons désormais vivre une vie de mensonge et nier qui nous sommes. Pourquoi nous contraindre continuellement une telle torture psychologique et émotionnelle?»