Haro sur les homos africains
Les droits des gays sont niés chaque jour un peu plus sur le continent. Les gouvernements légifèrent: pénalisant l’homosexualité en attisant la haines du peuple.
Rien ne va plus en Afrique. On a vu les vastes manifestations populaires antigay organisées par le gouvernement au Burundi voici 3 ans. Elles ont provoqué la fuite de nombreux gays en Afrique du Sud et la disparition de l’unique association, Ardho, dont le président est décédé. On a vu la même chose au Kenya. On a vu encore le projet en Ouganda d’une loi prônant la peine de mort, finalement reporté sine die. On a vu aussi les jugements au Malawi, les arrestations de neuf gays à Dakar en 2008. On a vu des réactions hystériques de religieux et de gens du peuple, hurlant à la mort des homosexuels, fussent-ils leurs frères. Au Cameroun, des arrestations et une campagne d’affichage visent à pousser les habitants à stigmatiser, dénoncer et traquer les homos… Et en Afrique du Sud, où le mariage entre personnes du même sexe est légal, on constate toujours ces viols «correctifs» commis systématiquement sur les lesbiennes, comme au temps des nazis en Europe.
Ainsi en Afrique, les lesbiennes sont quasiment invisibles. Mariées de force ou de manière précoce, violées par les membres de leur propre famille pour les corriger, elles sont mutiques et difficiles à rencontrer. Le prix Martin Ennals pour les droits humains, attribué en 2011 à Kasha Jacqueline Nabagesera, militante ougandaise harcelée, menacée, insultée de nombreuses fois chez elle, est d’autant plus bienvenu.
La haine de l’Occident
Des parallèles plus qu’étranges surgissent insidieusement entre homosexualité et impureté, entre sexualité dépravée et Occident. L’homosexualité viendrait des blancs et ne saurait être imitée ou tolérée. Un racisme ouvert et décomplexé se développe, avec une acrimonie toujours plus forte à l’égard des occidentaux, accusés de prôner des styles de vie pervers, immoraux et anti-religieux. Son exutoire le plus efficace s’inscrit dans la traque aux homos. Alice Nkom, avocate et militante camerounaise explique:«Bien évidemment, ça traduit la haine du Blanc mais d’un autre côté, ceux qui vous disent que l’homosexualité n’est pas compatible avec la religion oublient que la religion en question – qu’elle soit musulmane ou chrétienne – est une religion d’importation blanche.»
Péché mortel, indignité totale, le fait qu’un homme soit homosexuel le place au niveau d’un être passif et donc féminin. On dit «homme femme»: goordjiggen, pour homosexuel en wolof, la langue majoritaire au Sénégal). Ce qui remet en question la virilité, un fait inadmissible dans ces pays où la femme est clairement perçue et traitée comme inférieure, voire comme une bête de somme. Le sociologue camerounais Charles Gueboguo conclut: «Il est bon de distraire la population en lui donnant des homosexuels en pâture. Ils sont un bouc émissaire, un exutoire, une sorte de catharsis. Car comment défendre des pouvoirs illégitimes et la politique des gouvernements corrompus ? Comment défendre la famine et la de paupérisation des sociétés africaines ?» Pour comprendre cette réalité, voici quatre portraits de gays croisés en août 2011.
Né en 1968 à Abidjan, ouvertement homosexuel, accepté comme tel par sa famille, cas suffisamment rare pour le mentionner, Cyriaque est aujourd’hui réfugié dans la sous-région ouest africaine. Son passé de militant est connu dans le petit milieu des activistes qui, par leur ténacité, ont contribué à obtenir de nombreuses lois de dépénalisation de l’homosexualité. Cyriaque est un pionnier de la lutte contre le Sida en Afrique puisqu’il a créé, en 2003, une association d’homosexuels: Arc en Ciel + qui lutte contre l’homophobie. Cette association a été reconnue depuis par le gouvernement ivoirien. Il était aussi directeur exécutif du réseau ivoirien des personnes vivant avec le VIH (RIP+) jusqu’à son nouvel exil…
Tolérance
Cyriaque se souvient de son adolescence: «Dans les année quatre-vingts, Abidjan était en quelque sorte le «Manhattan» de l’Afrique de l’Ouest. Grâce à ses infrastructures et sa liberté de pensée, les homosexuels de toute la sous-région (comprendre l’Afrique de l’Ouest) y venaient pour vivre en paix. Des lesbiennes, des travestis, des transsexuels, des gays évidemment, profitaient de nos bars et de nos boîtes, il y avait même une boîte copiée sur celle de Michou à Paris». L’homosexualité était tolérée, cela faisait partie du paysage. Même si comme partout: «il y avait des petits voyous qui allaient casser du pédé.»
Stigmatisation
La situation s’est peu à peu dégradée dès 2002. La crise économique, la guerre, la rébellion ont occasionné un fort repli identitaire, qui selon Cyriaque, oppose maintenant clairement le Sud et le Nord, avec un Sud plutôt chrétien et un Nord en majorité musulman. La présence constante des militaires ou miliciens n’arrange rien. Ils rançonnent des proies faciles comme les homosexuels. «Nos libertés se sont réduites comme peau de chagrin», dit-il. Il doit s’exiler à plusieurs reprises, en Afrique du Sud, au Mali, au Ghana, fuyant les tueries et les ratonnades. Les exactions à l’égard des homosexuels se perpétuent: certains disparaissent, d’autres sont battus, insultés, humiliés en public, des travestis sont tabassés, des prostitués violés… Cyriaque retourne tout de même à Abidjan, en juin 2011. Mais une dizaine de «policiers» débarquent rapidement chez lui, dévastent son appartement avant de l’accuser de pédophilie: «Ils sont analphabètes et ne comprennent pas la différence entre homosexuel et pédophile, ce que je ne suis évidemment pas». Cyriaque est interrogé un fusil d’assaut pointé sur la tempe. Puis, il est embarqué dans un camion avec son employé de maison, pour être exécuté. Sauvé in extremis par un proche et surtout par l’argent que ses parents ont versé à ses ravisseurs, il pourra fuir avec le concours d’ambassades occidentales et d’organisations mondiales pour les droits humains. Il travaille maintenant sur mandat au sein des Nations Unies.
Utopie
«Mon employé a été torturé et a du avouer qu’il était mon amant, ce qui est faux. De nombreux amis ont quitté la Côte d’Ivoire, pour le Canada, la France, l’Afrique du Sud. Je reçois des récits et des témoignages tous les jours mais aucun soutien des gens avec qui je travaillais sur place. Cela me surprend et me peine. Et pourtant Cyriaque ne peut s’empêcher de rêver: «Même si la démocratie dans notre région semble être de la pure rhétorique, il faudrait commencer par reconnaître des droits à toutes les minorités, quelles qu’elles soient. Seule manière de parvenir à une société harmonieuse où chacun contribue à la paix et au développement.»
*Ibu, 29 ans
«Beaucoup sont morts à cause du manque de soins.»
Ibu a 29 ans, il suit la formation de cuisinier que lui offre Espoir Sénégal avant de partir en stage au Maroc en octobre. Lui aussi dirige une des quatre associations dakaroises axée VIH sida, regroupant près d’une centaine d’hommes ayant des partenaires de même sexe (Men having sex with men – MSM). Ibu a été stigmatisé du jour au lendemain: «Je ne suis pas efféminé, ça ne se voit pas, d’ailleurs je ne suis pas passif non plus». Sauf que des photos dans un magazine où il apparait à toutes les pages avec d’autres hommes lors d’un mariage gay bidon ont défrayé la chronique en 2008. Depuis, c’est la galère. Prostitution sur la plage, nuits agitées dans les cales de pirogues abandonnées, baise à la sauvette sans préservatif car plus lucratives,
Ibu a connu cela aussi. Sans compter le rejet immédiat de sa famille, son père et sa mère morts sans qu’il puisse les revoir et ses sœurs l’ignorent. «Mais je commence à m’en sortir. Je gagne de l’argent, je vais travailler comme cuisinier ou comme barman. Séropositf, Ibu se révolte contre les structures hospitalières qui refusent de soigner des patients homosexuels, de les suivre, de les toucher au point d’éviter même de leur serrer la main. «Beaucoup sont morts à cause du manque de soins. Le personnel hospitalier les rejette. Ici, les MSM souffrent, ils n’ont rien à manger, on n’en veut nulle part, même à l’hôpital, on refuse de les prendre en charge, ce n’est pas normal, nous avons vraiment besoin d’aide.» Et de terminer: «Je ne veux pas trouver l’amour avec un sénégalais qui vivrait mes propres galères, je veux quelqu’un qui puisse me sortir de là.»
*Babou, 28 ans
«Personne ne sait lire le Coran.»
«Moi je suis gay, j’aime les hommes. Mais j’ai besoin d’être encouragé pour continuer à porter cette lutte ici et ailleurs.» Babou a 28 ans, il est médiateur de santé publique et président de l’une des plus grandes associations sénégalaises de lutte contre le Sida, particulièrement focalisée sur les homosexuels. C’est l’un des neuf homos arrêtés à Dakar voici 3 ans. Malgré lui, il est l’un des gays les plus connus de la région, puisque c’est chez lui qu’ils ont été tous arrêtés sur dénonciation à la police.
Ils ont été jugés à 6 ans de prison pour homosexualité et à 3 ans de plus pour association de malfaiteurs. Finalement, ils ont été libérés 4 mois plus tard grâce à aux pres sions des ONG locales, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, du Fonds mondial et même du président français, Sarkozy, et de Rama Yade alors ministre.
Depuis Babou a déménagé sept fois. A chaque fois que quelqu’un apprend son histoire, il est prié de plier bagages. «Je ne vois plus ma famille qui a appris mon homosexualité lors de mon arrestation.» Pour ses huit autres codétenus, la vie est très précaire, pas d’études possibles, plus de logement, ni d’amis. Peu se font dépister par peur d’un rejet supplémentaire. On estime à 21,5% le taux de prévalence Sida dans la communauté d’un pays au taux national avoisinant 1%.
Ici et maintenant Babou ne veut pas quitter son pays, il veut se battre chez lui, au Sénégal et obtenir les mêmes droits que les autres citoyens par la dépénalisation de l’homosexualité. Selon l’article 319, l’homosexualité est toujours «un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe». Un article honteux dans un pays pratiquant légalement des mariages précoces avec des petites filles de 6 ans ou 9 ans.
«Quand les Sénégalais disent que notre combat est dicté par l’Occident, ils ont tort, il y avait des manifestations homosexuelles, ici au Sénégal, il y a 20 ans. Ce que les anciens osaient faire, nous on ne le fait pas. On est victime d’interprétations stupides. Le fait, par exemple, de se serrer la main entre nous empêcherait d’aller prier pendant 40 jours, c’est n’importe quoi, c’est faux. Mais comme personne ne sait lire le Coran ou presque, tous croient ce qu’on leur dit et nous on trinque».
*Matthieu, 27 ans
«Je ne corresponds pas à l’image d’un raté.»
Mathieu est camerounais, journaliste dans une télévision locale très populaire de Dakar. Personne ne sait qu’il est homosexuel: «Lorsque j’interviens sur des sujets liés à l’homosexualité via des blog ou des articles, je suis obligé de le faire sous un pseudonyme. J’exerce un métier particulièrement exposé, je perdrais mon boulot si ça se savait. Tout le quartier serait en bas de chez moi pour me tabasser, je perdrais aussi mon appartement, c’est aussi simple que cela». Après des années de luttes et de disputes, il a fini par être accepté par ses parents, Peu à peu, il a pu leur présenter ses amis, ses amants car, comme il le dit, «Je ne corresponds pas à l’image du raté qui est celle du gay ici. J’ai un bon métier, je gagne ma vie, je suis assez connu finalement.»
Mathieu rêve d’un Sénégal et d’un Cameroun ouverts sur le monde et sur la notion de vie privée. Il rêve d’une société tolérante et progressiste. Ce qui éviterait certaines annonces qui sont, dit-il, le fruit de 95% des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres garçons: «Homme, marié polygame, cherche relation sérieuse avec un homme fidèle.» Cette hypocrisie est insupportable, c’est une gangrène dans nos régions.
*Prénoms d’emprunt
Espoir Sénégal
Espoir Sénégal est une humble association créée à Genève voici 2 ans. Elle permet d’aider les homosexuels du Sénégal, à la suite des 9 arrestations qui ont eu lieu à Dakar en 2008. Elle a financé tout d’abord un programme d’information et de sensibilisation sida, mais depuis 18 mois, elle offre principalement des formations ou aide à développer des activités sources de revenus (AGR) pour permettre à des homosexuels d’être autonomes. Cette association a bénéficié de dons d’Onusida, de 360° Fever – qui avait appliqué une surtaxe de 3 francs à une soirée – et de membres du personnel de la «Tribune de Genève». Elle lancera une campagne d’appel aux dons en 2012 pour continuer ces efforts d’insertion, à Dakar principalement.
je veux rentré en contact avec cyriac ont na ete amant et je veut le rejoindre grace a vous.
bises