2005-2011, la parenthèse enchantée des gays espagnols

Mariage homo, adoption, trans: les droits acquis sous le Gouvernement Zapatero sont menacés par l'inexorable arrivée au pouvoir de la droite. Conséquence: une ruée sur les mairies.

Ça chauffe dans les registres d’état civil espagnol. Selon la Fédération espagnole LGBT, les mariages entre personnes de même sexe seraient en plein boom. Antonio Poveda, son président, note que le nombre de personnes venant chercher conseil afin d’avancer les dates de leurs noces a explosé. A Madrid Barcelone et Valence, les demandes de documents ont augmenté de 40% en septembre, par rapport aux mois précédents. Quelque 24’000 unions entre personnes du même sexe ont été célébrées depuis l’approbation par la majorité socialiste de la loi sur l’ouverture du mariage, en 2005.

L’Eglise se frotte les mains
Cette effervescence ne doit rien au hasard. De fait, l’Espagne se prépare à une victoire écrasante du Parti Populaire (PP) aux prochaines élections législatives, fixées au 20 novembre. Or le probable futur Premier ministre Mariano Rajoy a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il pourrait remettre en cause cette réforme historique, qu’il juge anticonstitutionnelle. Il a prévu un recours devant le Tribunal constitutionnel ainsi qu’une consultation. Une perspective qui a de quoi réjouir l’Eglise espagnole et son bras politique, le Forum pour la famille. «Notre objectif est de mettre un point final au cycle de politiques antifamilles que nous avons subies ces dernières années», a martelé le président de cette organisation.

L’angoisse et l’incertitude sont particulièrement palpables dans les organisations homoparentales, qui constatent déjà un gel des procédures d’adoption. «On est dans une situation de flou juridique complet», estime un responsable d’association.

Mariage express
Face à cette situation d’urgence, un maire socialiste d’Andalousie a proposé d’accélérer les procédures afin d’accueillir un maximum de couples gay et lesbiens désireux de se marier avant la date fatidique du scrutin législatif. Elu de Jun, près de Grenade, Antonio Rodríguez, a même mis en place un service de mariage via internet: «La loi le permet, explique-t-il. Même si cela ne s’est jamais fait, on peut obtenir la signature électronique des mariés et des témoins. En 5 jours toutes les formalités peuvent être remplies.»

Le «grand bond en arrière» redouté par les LGBT espagnols est-il inéluctable? De fait, Mariano Rajoy n’a rien promis. Il garde sans doute à l’esprit que la majorité des Espagnols n’est pas hostile au mariage homosexuel. Aussi le chef du PP répète-t-il à l’envi qu’il est surtout opposé au «terme» de mariage utilisé pour désigner les unions de couples de même sexe. Une position qui implique toutefois l’abandon de l’égalité entre tous les couples, via des lois séparées pour les couples homos et hétéros. La clé de la survie du mariage gay pourrait donc finir entre les mains du Tribunal constitutionnel, une juridiction dont l’impartialité devrait souffrir, dans l’hypothèse d’un raz-de-marée conservateur.