Hormones sur internet: la tentation des jeunes trans
La disponibilité d'œstrogènes et de testostérone sur la Toile pousse un nombre croissant de jeunes transgenres américains vers l'automédication. Avec des conséquences potentiellement graves pour leur santé.
«Je sais comment prendre soin de moi-même», c’est la réplique de Meisha lorsqu’on l’interroge sur ses prise d’œstrogènes. La jeune transsexuelle de 21 ans achète et s’administre elle-même l’hormone, qu’elle commande sur internet, après qu’une erreur dans la gestion de son dossier médical l’en a privée. Depuis, elle a définitivement opté pour l’automédication. «C’est bien plus facile», explique-t-elle, en reconnaissant prendre la dose maximale.
En dépit des graves problèmes hépatiques, sanguins ou du risque de cancer qui peuvent, entre autres, en résulter, l’autoprescription d’hormones se généralise dangereusement chez les jeunes transgenres américains, rapporte le quotidien «AM New York». «Pour chaque gamin qui voit un médecin, dix ne consultent pas», estime Johanna Olson, professeure assistante dans une clinique pédiatrique de Los Angeles. Les causes de ce phénomène sont multiples. Selon une étude de 2009 de l’«American Journal of Public Health», le manque de spécialiste du transsexualisme, ou plus généralement de médecins sensibles à cet état, est le principal obstacle à la prise en charge des personnes concernées. La précarisation de nombreux jeunes trans, rejetés par leurs familles au point de se retrouver sans couverture santé et parfois sans abri, est également mise en avant.
Toutefois, ces facteurs ne sont pas seuls en cause. Trinity, 22 ans, n’a pas de problème d’assurance. Elle achète ses œstrogènes à «une amie» par flacons. Elle a confiance: les emballages à 70 dollars pièce «sont scellés». Trinity avoue seulement n’avoir «pas envie de voir un médecin». Un sentiment que partageait Jakhari, un trans FTM du même âge – jusqu’à ce qu’un de ses amis se retrouve hospitalisé pendant presque un an après s’être autoprescrit de la testostérone achetée au noir. Et probablement frelatée. D’après lui, le principal danger ne réside pas nécessairement dans le système de santé, mais dans l’«impatience» que manifeste la plus jeune génération de trans. «L’urgence d’être soi-même est sans équivalent, confirme le Dr Johanna Olson. C’est si puissant que l’on est capable de mettre sa propre vie en péril.»
D’où la nécessité que les institutions médicales se réveillent et offrent enfin un « accompagnement » digne de ce nom aux personnes transsexuelles, transgenres et intersexes.
Je comprends le désespoirs de certaines personnes qui ont recours à l’automédication si, la plus part du temps, elles se retrouvent confrontées à des psychiatres qui : soit ne connaissent pas le sujet, soit se permettent de porter un jugement, soit tente carrément une « reconversion » dans « leurs » bon sens.
Il serait temps que les choses bougent et qu’ils prennent le temps « d’écouter » vraiment.
L’automédication hormonale est-elle aussi élevée en Suisse qu’aux USA (29% à 63% chez les MTF)?
J’imagine bien qu’il n’y a probablement pas de chiffres officiels sur la question, mais peut-être que les personnes connaissant bien la population trans ont une idée de l’ampleur du phénomène?
De mon point de vue, pas aussi élevée mais je pense qu’elle existe en effet. Pas de chiffres officiels certes mais il me semble bien plus important de rectifier « la cause » plutôt que « l’effet » comme on dit !
Je réitère donc mes propos précédents. S’il y avait plus de gens soutenus, accompagnés correctement et réellement écoutés, à mon humble avis, les cas d’auto-médication diminueraient considérablement.
Il faut vraiment que le corps médical prenne conscience qu’on parle de personnes et non de cas (encore moins de numéros). Des personnes avec différents parcours de vies, différents entourages, etc. Et qu’il faut absolument les sortir de ce carcan de malades psychiatriques dont on les place systématiquement.
L’automédication des personnes trans en Suisse est largement aussi répandue qu’aux USA et elle comporte les mêmes risques. Elle a aussi les mêmes causes. Elle ne prendra fin que quand il y aura un grand nombre de praticien-ne-s respectueux des personnes trans, tant généralites qu’endocrinologues et que quand il-elle-s feront savoir que leur pratique est respectueuse. Il manque vraiment un petit signe « personnes trans bienvenues » sur les plaques et les sites des médecins.
Il y a encore un problème plus spécifique, celui des travailleuses du sexe trans. La fondation Agnodice a travaillé sur cette situation et publié un rapport disponible sur son site. Par rapport à ces personnes, une action sur le terrain (de rue) s’avère indispensable. Encore faut-il arriver à la financer.
Merci pour vos compléments d’information.
Il est en effet évident qu’il reste beaucoup à faire en Suisse (et ailleurs) pour que les trans puissent bénéficier de prises en charge médicales respectueuses et adéquates…