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«Ma femme et moi devions prétendre être soeurs»

«Ma femme et moi devions prétendre être soeurs»
Natalia

Natalia Cuajy, une Genevoise d’adoption, témoigne de son parcours d’activiste lesbienne réfugiée en Suisse. On en profite pour prendre des nouvelles de l’association Asile LGBT en pleine pandémie.

«Dans mon village en Colombie, les paramilitaires se sont lancés dans une opération qu’ils qualifiaient de «nettoyage social» et ont commencé à persécuter les personnes toxicomanes, prostituées et LGBTIQ+. Je m’étais outée en tant que femme lesbienne quelques années plus tôt, après dix ans de mariage avec un homme pour garder les apparences, alors que j’étais mère d’un enfant âgé d’une année. Les paramilitaires m’ont identifié comme cible et m’ont donné un délai pour quitter le village. Ils arguaient que les homos transmettent des maladies et sont un mauvais exemple pour les enfants. J’ai tenu bon jusqu’à ce qu’ils assassinent un de mes amis parce qu’il était gay et que deux hommes se présentent à ma porte et me donnent 24 heures pour partir.

«Je me suis enfuie à Bogota avec mon enfant, poursuit la jeune femme, où j’ai rencontré celle dont je partage la vie. Nous nous sommes mariées après quelques années, car le mariage civil pour tou·te·x·s a été obtenu en Colombie. L’État m’a reconnue comme victime du conflit armé et comme personne LGBTIQ+ menacée. S’en est suivie une période d’activisme intense pour la reconnaissance des personnes LGBTIQ+ victimes du conflit armé, avec des interventions dans les différents espaces de participation politique, ainsi qu’un projet proposé au Secrétariat de l’éducation pour la reconnaissance des familles homoparentales. Les paramilitaires ne m’ont pas lâchée d’une semelle: menaces de mort au téléphone, par messages, ils m’ont aussi suivie dans la rue et j’ai dû arrêter de travailler.

Cauchemar déclencheur

«C’était déjà dur pour une militante comme moi de rester les bras croisés. Une nuit, mon fils Santiago, âgé de 8 ans, a fait un cauchemar où je me faisais assassiner. Ç’a été l’élément déclencheur pour quitter le pays, car je je ne pouvais pas supporter que ma situation l’impacte à ce point. Nous avons d’abord pensé fuir aux États-Unis, mais un ami ayant obtenu le statut de réfugié en Suisse nous a conseillé de le rejoindre. C’était en fin d’année 2016 et le risque de voir Trump élu nous a convaincues de nous envoler pour la Suisse.

«La rencontre avec la Suisse s’est d’abord faite à Vallorbe, dans le centre pour requérant·e·x·s d’asile situé dans le Jura vaudois. Je me rappelle très nettement du Securitas dire à ma femme et moi que nous devions prétendre être sœurs, car sinon nous aurions des problèmes. Alors que les couples accèdent à une certaine intimité dans ce centre, avec des parois qui les séparent des autres individus, nous n’avons pas été reconnues comme telles et avons dû renoncer à notre intimité de couple pendant quarante-cinq jours. Je peux dire pour l’avoir vécu que l’infrastructure des centres fédéraux est inadaptée aux besoins des couples LGBTIQ+. Dans l’intervalle, les documents attestant de mon activisme LGBTIQ+ et des menaces qui pesaient sur nous ont été traduits et transmis au Secrétariat d’État aux migrations (SEM).

«Puis, tout est allé très vite. Nous avons fait à Vallorbe les deux entretiens sur les motifs d’asile. Lors de mon deuxième entretien, qui a duré près de quatre heures, l’experte a étalé sur la table l’ensemble des documents que j’avais fourni et m’a demandé de les commenter, un à un. Après mon long récit, elle m’a posé trois questions brèves et a clos l’entretien. Nous avons eu la chance de ne pas avoir à «démontrer» notre homosexualité, grâce à notre certificat de mariage et à mon travail politique en Colombie.

Un lit d’un mètre de large pour deux

«Peu de temps après, les autorités suisses nous ont délivré trois permis B réfugié et nous ont fait emménager à Genève, au foyer des Tattes. Le début dans notre canton d’adoption a été difficile car la personne en charge du logement a refusé de nous octroyer une chambre pour famille, sous prétexte que nous ne pouvions pas prouver notre statut de couple, nos documents étant restés dans les mains des autorités à Berne. J’ai trouvé ça vraiment choquant, d’autant que pour les couples hétéros, il ne demandait pas de fournir de documents. Nous avons insisté auprès de lui et avons finalement pu séjourner dans une petite chambre meublée d’un lit pour enfant et d’un seul lit adulte d’un mètre de large, que nous nous partagions ma femme et moi.

Nous n’avons jamais eu de gestes amoureux l’une envers l’autre dans le centre par peur des réactions. En tant que femmes lesbiennes, nous ne nous sentons pas plus à l’aise dans l’espace public à Genève

«Une nuit, deux hommes alcoolisés ont tambouriné à notre porte. Ils savaient que deux femmes dormaient dans cette chambre et voulaient des relations sexuelles. On a eu peur mais ils sont finalement partis. De manière générale, nous n’avons jamais eu de gestes amoureux l’une envers l’autre dans le centre par peur des réactions. En tant que femmes lesbiennes, nous ne nous sentons pas plus à l’aise dans l’espace public à Genève. Des agressions ont lieu contre les personnes LGBTIQ+, c’était récemment le cas d’une personne trans* réfugiée que nous connaissons, à la gare Cornavin.

«En septembre 2017, nous avons eu la chance de déménager à Russin, un très joli petit village dans la campagne genevoise, dans un duplex dont les propriétaires, nos voisins, sont une famille merveilleuse. Par contre, on se retrouve à nouveau à dormir tou·te·s les trois dans la même chambre car l’appartement est très petit. Au final, le logement en Suisse aura été synonyme de privation d’intimité pour ma femme et moi.

Franchir la barrière de la langue

«Dès mon arrivée à Genève, l’Hospice général m’a inscrite à des cours de français grâce auxquels mon niveau a rapidement progressé. Être réfugiée, c’est une situation difficile, mais l’incapacité à s’exprimer clairement et à comprendre ce qu’on nous dit l’alourdit encore. Aussi, le monde s’effondre quand on comprend que notre parcours professionnel n’est pas du tout reconnu ici. Heureusement, après huit mois de cours de français, j’ai pu m’inscrire au programme Horizon académique, qui a pour but de faciliter l’accès aux hautes écoles à Genève, grâce à des cours de français adaptés au milieu académique et grâce à la participation à des cours en faculté en tant qu’auditrice. Maintenant que mon niveau de français est suffisant, je vais démarrer un master à la Haute école de travail social. En parallèle, j’ai commencé à travailler en janvier de cette année au sein de l’association Asile LGBT, après un stage de près d’un an.

Si l’expérience est difficile quand on est réfugiée, je peux vous dire qu’elle est pire quand on est réfugiée LGBTIQ+

«Pour moi, être réfugié·e·x en Suisse, c’est être stigmatisé·e·x·s par une partie de la société, car notre intégration prend du temps. Il faut juste accepter qu’on ne peut pas avancer à la même vitesse car nous provenons de cultures dont les codes sont extrêmement différents, sans parler des barrières de langues! Et si l’expérience est difficile quand on est réfugiée, je peux vous dire qu’elle est pire quand on est réfugiée LGBTIQ+. Carla, une femme trans* activiste au sein de l’association, m’a un jour dit que si la société classe les individus en fonction de leur valeur, nous, les réfugié·e·x·s LGBTIQ+ appartenons à la dernière catégorie. Nous sommes dévalorisé·e·x·s et diabolisé·e·x·s.»

Ce témoignage est celui de Natalia Cuajy, désormais animatrice de groupe au sein de l’association Asile LGBT. Le journal «360°» a déjà décrit les activités de cette association ici ou .

Asile LGBT, un soutien plus que jamais indispensable

Le groupe de pairs de l’association Asile LGBT. Photo: Anis Kaiser

Nous avons profité de notre rencontre avec Natalia Cuajy et Anis Kaiser, chargéex de coordination à Asile LGBT, pour aborder quelques questions plus spécifiques liées à l’actualité de l’association en ces temps de pandémie.

«Dans nos permanences, les sollicitations ont changé avec la Covid, explique Anis Kaiser. Plusieurs personnes qui avaient des rentrées financières très faibles ont basculé dans l’extrême précarité avec la pandémie. Des personnes qui nous contactent de l’étranger sont désespérées car leurs projets de migration, qui étaient imminents, ont été repoussés ou annulés. Elles avaient parfois économisé pendant deux ou trois ans pour payer le trajet leur permettant de se mettre en sécurité en Suisse, et au lieu de cela, elles doivent continuer à subir des violences familiales ou communautaires, parfois accrues avec le confinement. Dans les centres fédéraux, il y a eu de nombreux dysfonctionnements dès le début de la pandémie. Les représentant·e·x·s juridiques n’ont pas toujours pu participer aux auditions, qui vont pourtant déterminer si la personne a droit à l’asile en Suisse. Il est intolérable que des personnes se soient retrouvé sans défense juridique. L’accès à des chambres individuelles ou à des espaces sécurisés pour les personnes LGBTIQ+ dans les centres fédéraux est devenu le dernier des soucis du SEM.»

Le groupe de pairs de l’association, réunissant des personnes réfugié·e·x·s LGBTIQ+ de Genève, mais également résidant·e·x·s dans d’autres cantons romands, a dû poursuivre par vidéoconférence les rencontres hebdomadaires, ce qui a eu évidemment eu un impact sur leur qualité. «Pour beaucoup de membres de l’association, l’accès à du matériel informatique ou une connexion internet stable est inexistant, indique Natalia. Aussi, le plaisir du groupe de pairs réside dans la rencontre en présentiel. Nous formons une famille, et des personnes déjà très isolées ont beaucoup souffert de l’interruption de nos réunions. J’ai perdu le lien avec plusieurs d’entre elles, malgré mes tentatives répétées de les contacter.»

Sensibilisations suspendues

Le travail régulier de sensibilisation auprès des institutions et du grand public a également été gelé, Covid oblige. Alors que 260 professionnel·le·x·s avaient été sensibilisé·e·x·s en 2019 aux enjeux d’asile, d’orientation sexuelle et d’identité de genre (OSIG), ce chiffre va chuter en 2020. Cela signifie aussi que le biais hétéro-cis-normatif qui imprègne souvent l’accompagnement institutionnel des personnes réfugié·e·x·s LGBTIQ+ ne sera pas rendu visible ni ne fera l’objet d’un travail de fond. «On a rapidement remis le pied à l’étrier, souligne Anis Kaiser, avec l’organisation régulière de MIGS bars (soirées de soutien) et la participation à la Pride contre le racisme cet été. Cet automne, nous collaborons sur un projet de recherche de la HETS, du Groupe Sida Genève et nous préparons une intervention dans le cadre du festival de la Bâtie.» Le travail de sensibilisation dans les écoles et le centre d’accueil pour personnes migrantes directement gérés par les personnes concernées, membres du groupe de pairs ou de la coordination, vont également reprendre prochainement.

Plus d’infos sur asile-lgbt.ch

Les 5 revendications de la Geneva Pride en lien avec l’asile et les parcours migratoires

Nous demandons l’introduction explicite de la possibilité de reconnaître l’asile aux personnes subissant, ayant subi ou risquant de subir des persécutions en vertu de leur orientation sexuelle ou affective, leur identité ou expression de genre ou leurs caractéristiques sexuelles
Nous demandons la régularisation du statut de séjour des personnes sans papiers et notamment des personnes sans papiers LGBTIQ+
Nous demandons une sensibilisation aux enjeux LGBTIQ+ du Secrétariat d’État aux migrations et toute autorité chargée de l’exécution de la politique migratoire suisse
Nous demandons une véritable dépénalisation du travail du sexe, y compris pour les personnes avec un parcours migratoire, de le reconnaître réellement comme un emploi sans le soumettre à un contrôle spécifique et particulier par les forces de l’ordre, et d’octroyer des permis de séjour aux travailleur·euse·x·s de sexe étrangèr·e·x·s sans statut légal ou avant leur arrivée en Suisse
Nous demandons la protection des personnes LGBTIQ+ sans statut légal et victimes de violences domestiques face à un éventuel renvoi

Plus d’infos sur genevapride.ch