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Climat et droits queer, même combat

Climat et droits queer, même combat
Photo: Jean-François Marchand

Pour Myriam et Thibaud, deux climactivistes membres du collectif Breakfree, militer pour la préservation du climat, c’est aussi se battre pour les droits queer et ceux des peuples autochtones, entre autres.

Myriam, femme cis alliée à la cause LGBTIQ+, est étudiante et militante du collectif Breakfree à Genève. Thibaud, étudiant, homme cis gay, est médiactiviste, entre autres pour Breakfree et pour la revue en ligne Mieux!

– Décrivez-nous Breakfree et son lien avec les autres organisations de défense du climat.
– Breakfree est un collectif qui fait de la désobéissance civile pour le désinvestissement des énergies fossiles. Nos cibles principales sont Credit Suisse et UBS, qui font partie des banques qui investissent le plus massivement au monde dans des projets d’énergie fossile. Entre 2016 et 2019, Credit Suisse a investi pour plus de 74 milliards de dollars dans ces projets, ce qui la classe en 17e position des banques les plus sales au monde, alors qu’UBS figure en 27e position mondiale (35 milliards de dollars d’investissements). Durant ces quatre années, ces deux banques ont émis plus d’une fois et demie les émissions de CO2 annuelles de la population et de l’industrie suisse via leurs investissements!

Pour dénoncer cela, nous menons des actions d’occupation dans les locaux de ces banques, parfois en présence de membres de communautés autochtones dont le lieu de vie est en cours de destruction par des projets extractivistes (gazoducs, mines) financés par Credit Suisse ou UBS. Nous avons par exemple installé une exposition d’art dans le hall d’UBS, sans leur accord et les œuvres étaient celles de deux artistes autochtones du Brésil. Nous avons aussi occupé une succursale de Credit Suisse avec plusieurs membres d’un peuple premier menacé par la construction d’un gazoduc sur leurs terres et financé par cette banque. L’un·e·x·s d’elleux a réalisé un rituel dans la banque et a hurlé ses revendications aux banquier·e·x·s, c’était très puissant.

Si les groupes minorisés prenaient conscience que la destruction du climat a pour conséquence l’oppression des minorités, alors beaucoup plus de monde nous rejoindrait.

Breakfree co-organise des actions et des manifestations avec d’autres collectifs, comme la Grève du climat à Genève, et Extinction Rebellion (XR). Nous nous sommes par exemple coordonné·e·x·s au sein du collectif «convergence des luttes» pour organiser les actions de dénonciation de la surconsommation lors du Black Friday de l’année dernière. Autre exemple: cette année, nous collaborons avec le CETIM, une ONG genevoise qui travaille sur les questions Nord-Sud, pour la Semaine de mobilisations des peuples contre l’impunité des multinationales, en octobre.

https://www.facebook.com/231162147249005/videos/530377793994104

Au cœur de notre action figure la convergence des luttes. Breakfree vise à couvrir toutes les luttes en les rattachant autour de la question climatique. Si les groupes minorisés prenaient conscience que la destruction du climat a pour conséquence l’oppression des minorités, alors beaucoup plus de monde nous rejoindrait. De plus, on a besoin de s’allier pour des raisons stratégiques: on s’attaque à de géants et il nous faut être nombreux·se·x·s pour faire rapidement changer les choses.

– En quoi le désastre climatique affecte-t-il spécifiquement la communauté LGBTIQ+?
– La crise climatique frappe de manière disproportionnée les groupes minorisés et marginalisés car ils sont moins résilients face aux changements climatiques. Par exemple, une part importante des personnes sans-abri sont LGBTIQ+ parce qu’elles ont été rejetées et abandonnées par leur entourage. Leur situation les rend de fait plus vulnérables face aux événements extrêmes que provoquent les changements climatiques, comme les inondations, canicules ou vents violents. Aussi, l’histoire nous a prouvé que les crises provoquent un démantèlement des avancées sociales. On les considère comme une évidence, mais aujourd’hui en Suisse, ces droits sont fragiles. La crise climatique peut avoir pour conséquence que les discriminations subies par les personnes LGBTIQ+ soient négligées et gagnent en ampleur.

– Quels liens tissez-vous entre Covid-19, climat et communauté LGBTIQ+?
– La Covid est une zoonose, donc une conséquence de la disparition des espaces naturels causée par les activités humaines et qui mène à la déforestation, avec pour conséquence des rencontres entre espèces qui n’auraient pas dû avoir lieu. Elle s’est répandue très rapidement car notre société est hyper mobile. La destruction du climat suit ce même schéma et découle aussi de l’exploitation accrue de la biosphère pour le profit et de l’hypermobilité. Les mesures de confinement décidées par nos autorités ont pu se révéler très néfastes pour une grande part de la communauté LGBTIQ+, synonymes d’isolement ou de violence, notamment pour celleux cohabitant avec des personnes LGBTIQ+phobes.

– Que partageons-nous selon vous dans nos modes de communication pour faire entendre nos voix?
– Les manifs! Les militant·e·x·s du climat et de la cause LGBTIQ+ occupent l’espace pour faire entendre leurs revendications. Aujourd’hui, beaucoup de Pride sont très lisses, mais ce n’a pas toujours été le cas. Stonewall était un acte de désobéissance civile, comme le sont les actions menées par Breakfree. Les activismes queer et écolo partagent l’idée que lorsqu’un cadre légal n’est pas juste, il est légitime de le dépasser. Aussi, les deux mouvements sont très jeunes et n’hésitent pas à utiliser les réseaux sociaux pour se faire entendre.

– Et qu’est-ce qui nous différencie?
– Pour nous, il est choquant de constater que Credit Suisse et UBS font partie des sponsors principaux de la Pride de Zurich. En tant que personne queer et qu’alliée, nous ne nous sentirions pas à l’aise de participer à cette Pride-là alors que nous occupons les locaux de ces banques pour dénoncer leurs investissements dans la destruction de notre habitat. Le mouvement climatique se construit dans l’opposition à ces banques et multinationales, tandis qu’elles sont les bienvenues dans certaines Pride. Les avoir à ses côtés permet peut-être au mouvement LGBTIQ+ de se sentir normalisé et donc de gagner un certain combat.

2018.11.22a #SiRogerSavait · BREAKFREE chez Crédit Suisse Genève from Breakfree Suisse on Vimeo.

– Quelles sont nos cibles communes et pourquoi?
– Le capitalisme et le colonialisme sont nos ennemis communs. Ces deux systèmes entretiennent des rapports de domination en punissant la diversité (sexuelle, de genre, la biodiversité) d’un côté tout en récompensant la norme (hétéronormativité, monocultures, etc.) de l’autre. La norme fait vendre, que ce soit dans les étals des supermarchés où tous les fruits et légumes ont le même calibre ou dans la publicité qui fait la promotion de codes binaires et hétéronormés. Le colonialisme est responsable de la surexploitation des ressources dans les pays du Sud comme il est à l’origine des lois qui criminalisent les relations homosexuelles dans les pays qui ont gardé ce triste héritage colonial.
Credit Suisse et UBS se présentent comme les champions de l’inclusion à la Pride de Zurich mais pratiquent autant le green- que le pinkwashing. Si la préservation du climat est la dernière de leurs priorités, les droits queer ne les préoccupent pas plus. Dès que nos droits feront obstacle à l’accumulation de leurs profits, le choix sera vite fait. Aussi, les entreprises capitalistes présentes dans les Pride valorisent les personnes lesbiennes, bi ou gay, mais les personnes trans* restent invisibles. Pourquoi? Parce qu’elles remettent en cause la binarité, et qu’il s’agit d’un pilier de la société capitaliste pour vendre plus de produits en distinguant ceux réservés aux hommes et aux femmes cis.

– Comment les membres de la communauté LGBTIQ+ peuvent-iels s’engager pour la protection du climat?
– La présence de personnes queer est très importante pour le mouvement climat, elle permet de le diversifier. De plus, les membres de la communauté LGBTIQ+ peuvent représenter une vraie plus-value, en mettant à profit les forces qu’on leur connaît comme la résilience, l’ouverture et un mode de pensée résolument disruptif. En termes de tâches, on a des besoins dans tous les domaines: présence lors des actions, préparation en amont, graphisme, lien médias, gestion des réseaux sociaux, etc.

Septembre sera très chargé pour Breakfree et ses allié·e·x·s. Le 4 septembre aura lieu la Grève nationale du climat. Le 6 septembre, l’Alliance climatique organise une manif qui prendra la forme d’une cérémonie sur le glacier du Trient qui disparaît. Dans la deuxième moitié de septembre, le collectif va faire face à deux procès en appel contre plusieurs militant·e·s suite à des actions liées aux banques; des événements de solidarités sont prévus. Entre le 19 et le 25 septembre va se dérouler Rise up for change, lancé par la Grève du climat et co-organisé par Breakfree. Enfin, le collectif sera présent à Alternatiba du 21 au 26 septembre. Breakfree encourage les lecteur·ice·x·s à venir se joindre à toutes ces actions. Les infos pratiques sont à retrouver sur la page Facebook.

– En tant que personne LGBTIQ+, entre-t-on dans un cadre sécurisé en venant militer au sein de Breakfree?
– Oui. La volonté du collectif d’être un espace sécurisé, notamment pour les personnes LGBTIQ+, s’observe au quotidien. Il y a bien sûr des erreurs mais il y a toujours la place pour des discussions là-dessus et pour des remises en question. Le fait d’avoir pour objectif la convergence des luttes rend notre collectif très ouvert et inclusif dès le départ. Nous avons notamment mis en place le tour de table en début de réunion incluant le pronom d’usage. L’écriture inclusive est utilisée pour l’ensemble de nos supports.

Pour en entendre plus sur le lien entre climat et enjeux LGBTIQ+, visionnez cette vidéo de Thibaud, interviewé dans notre article:
https://www.facebook.com/mieuxi/videos/304308760583298/


En collaboration avec Geneva Pride 2020