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Quand Isabelle Huppert devient “la femme la plus riche du monde”

Quand Isabelle Huppert devient “la femme la plus riche du monde”
Isabelle Huppert et Laurent Lafitte

Comment une puissante et intelligente femme d’affaires tombe-t-elle sous la coupe d’un charmeur et outrancier photographe gay. Rencontre avec Thierry Klifa, réalisateur de La femme la plus riche du monde, adaptation libre de l'affaire Banier-Bettencourt.

Le feuilleton judiciaire avait marqué les années 2010. Son point de départ: le conflit entre Liliane Bettencourt, héritière du géant L’Oréal, et sa fille, Françoise, laquelle porte plainte contre l’écrivain et photographe François-Marie Banier. Celui qui avait fait la connaissance de la milliardaire en 1987, lors d’un reportage photo pour le magazine Égoïste, a soulagé son amie Liliane de quelque 700 millions d’euros. Il sera condamné en 2016 à 4 ans de prison avec sursis pour abus de faiblesse.

De passage à Genève, le réalisateur Thierry Klifa nous explique son envie de nous faire entrer chez les ultrariches, un monde à la fois fascinant et obscène. «Au-delà de ce que racontaient les médias, ce qui m’intéressait dans cette affaire Bettencourt, aux accents à la fois shakespeariens et balzaciens, c’était l’intime. Quand je voyais ces gens à la télévision, je voulais en savoir davantage. Parce qu’il y a plus que l’argent. Alors j’ai cherché, imaginé ces personnages, leur vie, dire une autre vérité. En allant derrière les grilles »
 
«Il s’agit d’un milieu très dur à pénétrer, car il a ses lois», précise le réalisateur. «J’ai eu la chance d’y être invité et j’avais donc quelque chose à raconter. C’est très excitant de faire sauter un coffre-fort. Ce sont des gens qu’on ne croise jamais dans la rue. Ils vont de leur villa au restaurant dans leur voiture avec chauffeur, en vacances dans des îles qu’ils possèdent, connaissent des personnes qui leur ressemblent, sont totalement hors sol. Mais ils peuvent être drôles malgré eux, car ils ont de la répartie »

Déplaçant son intrigue dans les années 1990, Thierry Klifa a naturellement changé les noms des protagonistes. Liliane devient Marianne Farrère (Isabelle Huppert), sa fille Françoise se voit appeler Frédérique Spielman (Marina Foïs) et François-Marie Banier Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte). Plutôt fidèle aux faits, le réalisateur raconte, entre comédie, satire et drame familial, comment cette puissante et intelligente femme d’affaires tombe sous la coupe d’un ambitieux et arrogant artiste gay, avec qui elle entretient une amitié amoureuse.

Pas un regard moral

Le projet a nécessité de nombreuses recherches et lectures sur les familles de milliardaires. «J’ai essayé de ne pas avoir de regard moral. Je voulais être fidèle à l’esprit plutôt qu’aux faits, à la psychologie des personnages, à leur solitude. Je me suis également livré à un travail poussé sur la façon dont on les représente, les décors dans lesquels ils évoluent, leurs meubles, leurs bijoux, leurs costumes. Isabelle Huppert ne porte pas moins de 70 tenues dans ce film». Et Thierry Klifa d’ajouter qu’il a écrit le rôle pour elle. «Une composition qui sort de l’ordinaire, portant sur différents registres. Isabelle s’est amusée comme une petite folle à jouer cette puissante femme d’affaires dominatrice, cash, violente, séductrice, neurasthénique, qui s’émancipe de tous les carcans. Cette mère aussi, qui n’aime pas son enfant.»

L’auteur a également pensé assez vite à Laffitte pour le personnage de Banier. «Il a cette démesure, cette folie qui me font penser à Serrault. Il va d’ailleurs jouer dans la comédie musicale La Cage aux folles en décembre au Châtelet. Il n’a jamais peur d’en faire trop. Il fallait qu’il soit insupportable qu’il ne cherche pas à plaire, mais à provoquer. Il va faire exploser cette famille, exhumer des secrets. Vous me dites qu’il en fait des tonnes, mais il en fait dans tout, jusque dans sa façon de sexualiser le majordome. Cela dit, je tiens à préciser qu’il ne représente pas les homosexuels. Il ne représente que lui-même.

Parabole moqueuse de la lutte des classes

Le rôle-titre de La femme la plus riche du monde est taillé sur mesure pour Isabelle Huppert. Sans surprise, le visage toujours aussi lisse mais les yeux fatigués, elle se glisse avec aisance dans la peau de cette séduisante sexagénaire. Froide, cassante, sinon cruelle, elle s’ennuie à la tête de son empire de beauté, tout en traînant son mal de dos, ses migraines et son épuisement dans son luxueux hôtel particulier de Neuilly. Jusqu’au jour où elle rencontre Pierre-Alain Fantin, photographe exubérant. Il la flatte, l’amuse avec ses excès, met le bazar dans son univers policé, chamboule tout dans sa vie et la fait joyeusement renaître en l’emmenant en boîte.
 
De son côté, Laurent Lafitte se régale à l’évidence dans ce rôle d’homosexuel extravagant, exhibitionniste, escroc, d’une insolence sans limites, bouffon d’une trivialité sans égale. Mais à force d’en faire des tonnes, il en devient ridicule. Ce n’est pas l’avis de Marianne. Captivée par cet individu fantasque et burlesque, elle se soumet à tous ses caprices. Provoquant l’effarement de ses proches et la haine de l’austère et dépressive Frédérique, souffrant du désamour de sa mère et qui veut la mettre sous tutelle. Pendant ce temps, le fidèle, discret, ambigu majordome (Raphaël Personnaz), pièce centrale très classe du mélodrame, observe et pose des micros. Il sera sacrifié.
 
Parabole moqueuse de la lutte des classes, La femme la plus riche du monde séduit notamment par une mise en scène précise, un travail soigné sur les décors et les costumes. Comédie caustique, elle mise toutefois plus sur le divertissement et le spectacle provocateur que sur l’étude approfondie de son sujet complexe.

La femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa (2h03). Dans les salles de Suisse romande dès ce mercredi 29 octobre. Distr. Frenetic.