Transmitzvah, l’imaginaire pop queer et yiddish à l’écran

Pour son dernier film sélectionné au Festival de Cannes en 2024, Daniel Burman nous plonge dans un univers à la croisée du queer et de la tradition culturelle et religieuse juive de Buenos Aires.
Comme son titre l’indique, Transmitzvah allie spiritualité, famille et identité queer. Guidé par la temporalité trans, il emprunte à l’ésotérisme juif pour aborder avec douceur la réconciliation intérieure et familiale. Transmitzvah fera son apparition dans les salles de cinéma courant 2025.
Mumy Singer, star internationale de la pop yiddish, retrouve son frère Eduardo pour faire le deuil de leur père dans le quartier juif de Buenos Aires. Le film s’ouvre sur une ellipse: une scène pleine de paillettes dans la boutique de vêtements chics de la famille Sigman. Mumy n’est encore qu’une enfant, mais elle refuse devant toute sa famille de faire sa bat-mitzvah, ce rite que les enfants juif·ve·x·s célèbrent à 12 ou 13 ans pour marquer le passage à l’âge adulte. On comprend alors les enjeux du film: quête identitaire, retour aux racines et acceptation de soi. Le personnage principal se remémore son enfance, son attachement à la famille, à la musique et à l’extravagance.
Mais, face au deuil, la chanteuse perd sa voix seulement quelques semaines avant l’un des concerts les plus importants de sa carrière. Elle se met alors en tête de célébrer sa Trans-Mitzvah — qu’elle avait refusé de fêter dans son enfance. Ce retour aux racines lui permet une réconciliation avec son passé et sa famille, rend hommage aux dernières volontés de son père et lui permet ainsi de retrouver sa voix. Elle a alors l’occasion de se réécrire et d’inventer ses propres règles, loin des stéréotypes et du jugement.
Temporalité trans* et nouveaux imaginaires
La temporalité trans est mise à l’honneur à mesure que Mumy cherche à tordre les codes autour de la transidentité et de la judéité pour créer de nouveaux imaginaires juif* et trans*. Par «temporalité trans*», nous entendons les modes d’expérience du temps en dehors de la norme hétérosexuelle et cisgenre. Typiquement, la transition de genre induit une reconfiguration du temps et de la linéarité de la vie. Mumy fêtera sa bat-mitzvah bien après ses 12 ans, mais la fêtera quand même.
Daniel Burman jongle entre différents mondes et temporalités grâce à un montage dynamique parsemé d’ellipses et de sauts géographiques. Ces bonds dans le temps et l’espace bousculent nos attentes et nos conceptions linéaires de la quête identitaire. Le réalisateur fait une ode subversive à l’adelphité à travers des scènes pop délirantes dans les montagnes espagnoles. L’actrice transgenre Penelope Guerrero, alias Mumy Singer, délivre une performance électrique et haute en couleur qui ancre le·a spectateur·ice·x dans la réalité décalée, presque magique, de Transmitzvah.
Cette alliance entre ces mondes mouvants crée un univers merveilleux, où la frontière entre réalité et rêve n’est pas toujours très claire. Cette histoire, aux personnages attachants et aux scènes rocambolesques, rend hommage à l’héritage d’une diaspora en mouvement.