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Daniel Craig sous substance dans le sulfureux Queer

Daniel Craig sous substance dans le sulfureux Queer

Hanté par le roman culte de Burroughs, Luca Guadagnino suit l'errance d'un homme miné par son mal de vivre. Tombé obsessionnellement amoureux d'un jeune photographe, il se perd dans des paradis artificiels, prétexte à de nombreuses scènes surréalistes.

Après le solaire Call Me By Your Name en 2017, l’anthropophage et romantique Bones and All en 2022 ou encore l’insolite Challengers en 2023, Luca Guadagnino nous emmène, avec Queer, dans l’univers halluciné et déjanté de William S. Burroughs (1914-1997), subversif chantre de la contre-culture américaine. Queer, c’est d’abord le titre d’un roman autobiographique de Burroughs datant de 1953, mais publié en 1985, qui a profondément marqué le réalisateur italien, qui l’a découvert à 17 ans. Dans cette adaptation sensuello-érotique coécrite avec Justin Kuritzkes, c’est Daniel Craig, quintuple James Bond, qui se glisse dangereusement dans la peau du quinquagénaire William Lee, écrivain homosexuel, alcoolique et toxicomane.

Luca Guadagnino nous plonge dans l’atmosphère moite de Mexico au début des années 1950. Une première partie esthétisante, recréée dans les studios de Cinecitta, comme pour mieux évoquer le monde presque irréel dans lequel évolue son héros américain expatrié. Toujours vêtu d’un costume de lin crème, coiffé d’un chapeau, le nonchalant Lee traîne son spleen dans les bars gay de la ville. Plus particulièrement au Ship Ahoy, où il se défonce au mezcal et à la tequila tout en discutant avec des compatriotes homos ou avec son pote Frank, victime désignée de soupirants d’un jour peu scrupuleux.

En quête d’un partenaire, de préférence jeune, Lee drague Eugene Allerton (Drew Starkey), séduisant étudiant photographe à lunettes dont il tombe follement amoureux. Ce n’est pas le cas de l’énigmatique garçon, qui semble préférer les femmes et le rejette. Avant de lui céder avec plus ou moins d’entrain et d’entamer une relation oscillant entre le torride et l’indifférence. Mais peu importe pour Lee, qui s’obstine à la faire durer.

A la recherche d’une plante hallucinogène

Adepte de toute sorte de substances, Lee est obsédé par une mystérieuse plante hallucinogène, l’ayahuasca, et rêve que ses pouvoirs télépathiques poussent l’insaisissable Eugene à partager sa passion. Il lui propose de partir – tous frais payés à condition qu’il soit «gentil» avec lui deux nuits par semaine – à la recherche de cette drogue. Il vont alors parcourir l’Amérique du Sud, lancés sur la piste d’une botaniste explorant les propriétés de la fameuse plante. D’angoisse en délires, les amants vont atteindre l’acmé en pleine jungle équatorienne, au terme d’une hallucinante chorégraphie nocturne. Avant que Lee retourne seul au Mexique, en proie à ses hantises et ses démons…

Mettant en scène le désir inassouvi, le rejet, la domination, la dépendance, Luca Guadagnino suit l’errance d’un homme formidablement incarné par le bouleversant Daniel Craig. Métamorphosé, habité, le viril 007 n’ a pas craint de devenir cet être pitoyable et solitaire. Désoeuvré, désabusé, miné par son mal de vivre, il s’abîme et se perd dans des paradis artificiels. L’auteur livre ainsi un film visuellement magnifique, sulfureux, envoûtant, (certes moins fou que le roman), où il multiplie les scènes surréalistes, oniriques, comme celle évoquant la mort tragique de la femme de Burroughs, en 1951. Ivre, ce dernier l’avait accidentellement tuée d’une balle en jouant à Guillaume Tell, fendant de sa flèche la pomme posée sur la tête de son fils.

Queer, de Luca Guadagnino (Italie/États-Unis, 2h17). Sortie dans les salles romandes ce mercredi 26 février.