Les femmes au balcon, farce féministe d’horreur
Réalisatrice-actrice, Noémie Merlant oscille entre extravagance, suspense, folie et surnaturel dans un milieu où évoluent trois personnages féminins décomplexés. Tout en dénonçant une masculinité toxique.
On avait quitté Noémie Merlant actrice dans l’Emmanuelle d’Audrey Diwan, où elle traînait son spleen et sa recherche du plaisir perdu à Hong Kong. On la retrouve devant et derrière la caméra pour Les femmes au balcon. Ce deuxième long métrage, scénarisé avec Céline Sciamma qui l’avait révélée en 2019 dans le sublime Portrait de la jeune fille en feu, est inspiré de sa vie personnelle. Il questionne les amitiés féminines, le rapport au corps, face à un patriarcat tenace et toxique.
D’emblée, on est confronté·e·x à la violence masculine. Alors que la radio diffuse une alerte canicule, on découvre Denise (Nadège Beausson-Diagne) évanouie sur sa terrasse marseillaise, le visage tuméfié, alors que la brute qui lui sert de mari la ranime à coups de pieds en lui ordonnant de se mettre aux fourneaux. Mais trop c’est trop, et la femme le frappe à mort avec le tranchant d’une pelle, mettant ainsi fin à des années de maltraitance. Délivrance et soulagement.
Plongée dans le macabre
Sur un balcon proche, Nicole (Sanda Codreanu), qui vient de recueillir les confidences de Denise, planche sur son premier roman. Deux amies la rejoignent, Ruby (Souheila Yacoub), une cam-girl ultradynamique adorant faire plaisir à ses clients, et Élise (Noémie Merlant), actrice de séries lookée Marilyn, qui a fui un plateau de tournage, ainsi que Paul (Christophe Montenez), son conjoint harceleur. Très vite, elles font la connaissance de Magnani (Lucas Bravo), le voisin d’en face, qui aime se balader à poil devant la fenêtre ouverte. En plein fantasme, nos pétroleuses délurées lui envoient un message, signé «Les femmes au balcon» et Magnani les invite aussitôt à boire un verre chez lui. Elles découvrent un photographe uniquement préoccupé par des sujets féminins très peu vêtus, qui décorent les murs. Histoire de «choper leur énergie», selon lui.
Tout un symbole, à l’image de la suite. La soirée avançant, les choses ne tardent pas à dégénérer et on finit par plonger dans un drame horrifique. Affolées, poussant des hurlements, les trois amies se retrouvent coincées dans une histoire cauchemardesque et délirante dont elles doivent absolument se sortir sous peine de prison. D’autant que Ruby se réveille le lendemain matin couverte de sang…
Des univers mélangés
Avec Les femmes au balcon, Noémie Merlant propose une farce féministe sanglante et burlesque, un «rape and revenge movie» qui oscille entre extravagance, suspense, gore, folie et surnaturel. Tout en mêlant la mutilation absurde d’un corps masculin à la dénonciation du viol conjugal et la critique acerbe de cinéastes abuseurs et violeurs, elle pimente son propre univers en se délectant de touches almodovariennes, voire hitchcockiennes.
Si la réalisatrice séduit avec ses personnages féminins décomplexés, affirmés, porteurs d’une liberté symbolisée par une marche joyeuse, seins à l’air, on reprochera toutefois à l’œuvre un côté parfois brouillon, caricatural et hystérique. Quant à l’humour censé parcourir l’opus, il se révèle finalement plus volontariste que réel.