Everybody’s Perfect fait le grand écart entre joie lesbienne et porno gay
Désormais incontournable dans le paysage culturel genevois et au-delà, le festival du film queer entame vendredi sa 11e édition. Avec un menu copieux de trente longs métrages, d'une flopée de courts, de tables rondes, d'expos... et bien sûr de fêtes.
Plus que jamais engagé dans la défense des minorités sexuelles, Everybody’s Perfect se déploie à nouveau pour dix jours dès ce vendredi 4 octobre. Acteur de l’évolution de la société, le festival genevois a transmis, selon sa directrice Sylvie Cachin, des valeurs qui ont permis une meilleure prise de conscience. «Par ailleurs, précise-t-elle, son écho est plus large. Nous devenons une référence et avons tissé des liens avec d’autres rendez-vous du genre. J’ai par exemple été membre du jury du Teddy Award (l’équivalent de la Queer Palm) à la Berlinale. J’ai également été invitée à Écrans mixtes, à Lyon.»
Le festival célèbre sa 11e édition autour de trente longs métrages de tous genres, de tous styles et de tous horizons, dont six documentaires, et autant de courts. Sur tout le spectre LGBTIQ+, le programme évoque des thèmes comme l’affirmation de soi, l’amour de l’autre et de la nature. Venus de seize pays, plus particulièrement asiatiques cette année, ils sont majoritairement inédits en Suisse. Impossible évidemment de les citer tous, mais on en retiendra quelques-uns.
En ouverture, on découvrira le film philippin Asog, du Canadien Sean Devlin. Dans ce road-trip tragi-comico-écologico-queer au sein d’une terre ravagée par un typhon, on assiste à la révolte des habitants face aux capitalistes, avides de profiter de leur misère.
Le réalisateur roumain Emanuel Pârvu propose, lui, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde. Lauréat de la Queer Palm à Cannes en mai dernier, le film dénonce froidement l’homophobie ordinaire en racontant la violente agression d’un jeune gay dans un petit village jusque là apparemment paisible.
Everybody’s Perfect présentera aussi la fable politique poétique et surréaliste Rossosperanza, de l’Italienne Annarita Zambrano, qui se distingue par son récit audacieux, d’une rare liberté de ton.
Dans Close to you, de l’Américain Dominic Savage, un jeune trans se rend à l’anniversaire de son père, qu’il n’a pas revu depuis quatre ans. Persuadé d’être une déception pour ses parents, il craint les conflits et les jugements que sa transition pourrait provoquer.
Enfin, après Party Girl, Caméra d’or à Cannes en 2014, la Française Claire Burger revient avec Langue étrangère, où elle évoque Fanny, une jeune fille de 17 ans qui se cherche. Timide, elle a du mal à se faire des amis. Partie pour un séjour linguistique en Allemagne, elle rencontre Lena et se sent prête à tout pour lui plaire.
Au programme des documentaires, on ne manquera pas Neirud, qui nous plonge dans le Brésil des années 1960-1980. Son auteure, Fernanda Paya, reconstitue la vie de sa tante Neirud, personnage énigmatique et controversé, qui a parcouru le Brésil en tant que lutteuse dans la troupe féminine d’un cirque underground.
Parmi les sections, l’une des plus intrigantes est sans doute celle intitulée «Le porno gay français des années 1970». Cinq films y sont à (re)découvrir (dès 18 ans!), Le beau mec de Wallace Potts, Equation à un inconnu de Dietrich de Velsa (Francis Savel), D’hommes à hommes de Gréco de Beauparis (Gérard Grégory) et New York City Inferno, de Marvin Merkins (Jacques Scandelari). Une conversation, samedi 5 octobre, «Quand le promo homo français faisait son cinéma», complètera ce volet. Le spécialiste Hervé Joseph Lebrun, réalisateur de Mondo homo, s’entretiendra avec Robin Corminboeuf, ancien rédacteur en chef du magazine 360° et auteur du roman Un été à M.
Sortir de l’invisibilisation
Par ailleurs, Sylvie Cachin et son équipe ont décidé cette année de braquer les projecteurs sur les femmes lesbiennes. Avec tout d’abord une table ronde, le dimanche 6 octobre, en compagnie notamment de la cinéaste Claire Burger et de l’artiste Jenifer Prince, laquelle expose au Phare des dessins vintage saphiques inspirants, qui donnent de la gaité à la vie. À voir, enfin, 90 pourcent de joie lesbienne, une série de sept courts métrages.
«Beaucoup trop de lesbiennes ont été effacées, invisibilisées, rappelle Sylvie Cachin. Certes, dans les arts visuels, elles sont souvent maîtresses de leur désir social, sensuel et sexuel, mais pas toujours. Et qu’en est-il dans la société en général? Sont-elles réconciliées avec leur image? Il faut véhiculer une vision positive, dépasser ce manque de représentation de joie, montrer qu’elles sont entrées dans une ère émancipatrice.» Partant de ce même état d’esprit joyeux et libérateur, une grande fête en forme de mini-festival leur sera dédiée le 10 octobre au Groove.
Et puisqu’on en est à l’indispensable côté fiesta, il y en aura trois autres. À la Gravière en ouverture le samedi 5, à La Paillette le vendredi 11 et au MEG pour la clôture, le samedi 12. À vos agendas!