Une vie trans dans une Pologne en transition

Dans Une autre vie que la mienne, Małgorzata Szumowska et Michał Englert suivent pendant une quarantaine d’années le parcours d’Andrzej pour devenir Aniela. Une réussite qui mêle l’intime et l’histoire.

Malgré son récent changement de régime, la Pologne reste un des pays le plus homophobes et le plus transphobes de l’Union européenne. C’est dans ce contexte de droits LGBTQIA+ bafoués, aujourd’hui comme hier et avant-hier, que Małgorzata Szumowska et Michał Englert situent Une autre vie que la mienne. De l’ère communiste à celle du capitalisme, en faisant des allers et retours entre passé et présent, sa trame s’étend sur une quarantaine d’années de vie.

Venu au monde garçon dans une petite ville de province austère, catholique et conservatrice, Andrzej se conforme d’abord à ce que la société attend de lui. Au milieu des années 1980, il se marie, fait deux enfants avec sa femme Iza et passe une grande partie de sa vie sous cette identité masculine. Mais, se sentant mal dans ce corps étranger depuis toujours, il tente de se trouver au fil des années et entame enfin sa transition pour devenir Aniela.

Małgorzata Szumowska (qui avait remporté le Teddy Award à la Berlinale en 2013 pour Aime et fais ce que tu veux) et Michał Englert consacrent la première partie du film au mal-être d’Andrzej/Aniela. Il s’illustre dans des scènes symboliques – non sans humour parfois – évoquant une aspiration à la liberté et à la dignité qui se heurte à l’indifférence du pays, en dépit de ses mutations. Car le chemin est long, douloureux. Il faudra toute la force et la ténacité de l’héroïne pour surmonter les nombreux obstacles juridiques, financiers, médicaux, religieux semés sur sa route.

Bouleversements

Dans ce mélodrame en forme de fresque, les deux auteur·e·s évoquent également avec sensibilité, pudeur et sans pathos les bouleversements familiaux, les questionnements de l’entourage, et surtout les relations entre Aniela et sa femme Iza. Elles évoluent vers la compréhension, la tendresse, la complicité, rappelant celles que continuent d’entretenir les deux époux peintres dans The Danish Girl.

Si cette œuvre émouvante est à la hauteur de ses ambitions esthétiques et politiques, sa réussite tient aussi à ses interprètes. À commencer par la formidable actrice cisgenre Małgorzata Hajewska. Elle incarne magnifiquement ce personnage enfermé dans le mauvais corps, qui lutte farouchement pour vivre enfin la vie qui est la sienne.